• Aucun résultat trouvé

Analyse critique de la jurisprudence de la Cour de justice concernant la Déclaration

UE-Turquie : une autre issue possible.

Dans le but de pousser le raisonnement juridique, et loin nous vouloir prêter à un exercice stérile de « jurisprudence-fiction », nous essayerons ici de présenter quelques leviers sur lesquels la Cour aurait pu s’appuyer pour parvenir à une lecture différente des moyens introduits dans les recours cités pour offrir ainsi une protection accrue des droits fondamentaux des migrants en condition irrégulière.

Une lecture attentive et une analyse tous azimuts de la chronologie des relations UE-Turquie permettent d’avancer l’hypothèse que la « déclaration » du 18 mars 2016 s’inscrit à plein titre dans la continuité des relations entre ces deux sujets de droit international. Notre démonstration, articulée en trois points, vise à montrer d’abord le rôle proactif de l’UE dans les phases précédentes à la signature de la Déclaration UE-Turquie (1), car, en effet, l’UE a commencé à exercer ses compétences externes dans le cadre des relations avec la Turquie bien avant la Déclaration, en établissent un plan d’action avec ce pays basé sur l’accord de réadmission de 2014. Ensuite, une lecture attentive de tous les documents encadrant les récentes relations UE-Turquie nous permettra d’identifier et mettre en exergue les éléments clarificateurs de la nature juridique de ladite Déclaration (2). Enfin, nous essayerons de faire la lumière sur la coexistence d’accords officiels liant l’UE et ses États membres avec la Turquie et le non-accord du 18 mars 2016 (Déclaration UE-Turquie) (3).

European Council responsible for the so-called “EU-Turkey Agreement” ? The issue is on the Court of Justice table… », European Area of Freedom Security & Justice (7 juin 2016), en ligne : <https://free-group.eu/2016/06/07/is-the-european-council-responsible-for-the-so-called-eu-turkey-agreement-the-issue-is-on-the-court-of-justice-table/> (consulté le 13 mars 2018); Catherine TEULE, « « Accord » UE-Turquie : le troc indigne », Plein droit 2017.114.23‑26; Polly PALLISTER-WILKINS, « Humanitarian Rescue/Sovereign Capture and the Policing of Possible Responses to Violent Borders », (2017) 8 Glob Policy 19‑24, DOI :10.1111/1758-5899.12401.

142

Le rôle proactif de l’UE dans la mise en œuvre du plan d’action UE- Turquie

Un premier élément qui aurait pu être considéré par les juges dans une évaluation de fond du recours en annulation est l’existence et la portée du Plan d’action

commun UE-Turquie.

Le 15 octobre 2015, la Commission européenne « a conclu un accord avec la Turquie sur un plan d’action commun visant à intensifier leur coopération en matière de gestion des migrations dans le cadre d’une action coordonnée pour faire face à la crise des réfugiés »366. Ce plan d’action définit une ligne de coopération entre l’UE et la République de Turquie dans le but de « répondre aux problèmes communs de manière concertée et de compléter les efforts déployés par la Turquie pour gérer le grand nombre de réfugiés qui ont besoin de protection sur son territoire »367.

En outre, dans le communiqué de presse du 24 novembre 2015, la Commission affirme que « l’Union européenne – les institutions et ses États membres – est résolue à renforcer son engagement politique auprès de la Turquie, en lui versant une aide financière substantielle, en accélérant la réalisation de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas et en relançant le processus d’adhésion avec la Turquie »368.

Lors de la réunion du Conseil européen du 15 octobre de la même année, les chefs d’État ou de gouvernement de 25 États membres de l’UE369 ont approuvé l’accord et ont accueilli avec satisfaction le Plan d’action commun. Ils ont aussi clarifié les modalités avec lesquelles l’UE, en tant que chef de file, aurait participé dans l’actuation du Plan

366 COMMISSION EUROPÉENNE, COMMUNIQUÉ, Coopération UE-Turquie: 3 milliards d’euros pour

une facilité de soutien à la Turquie en faveur des réfugiés, 24 novembre 2015, en ligne :

<http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6162_fr.pdf>. 367 Ibid.

368 Ibid.

143

d’action en demandant aux États membres des contributions financières aux fonds

multilatéraux de soutien aux réfugiés :

The implementation of the Action Plan will be jointly steered and overseen by the European Commission and the High Representative / Vice President and the Turkish government through the establishment of the EU-Turkey high-level working group on migration. […]

[…] Today, the European Council set out the following further orientations:

[…] ask Member States to further contribute to the efforts made to support UNHCR, World Food Program and other agencies, as well as to support the EU's Regional Trust Fund responding to the Syrian crisis and the EU Trust Fund for Africa370.

Des éléments clarificateurs de la nature juridique de la Déclaration

UE-Turquie

Dans la période de cinq mois, comprise entre l’adoption du Plan d’action

commun UE-Turquie et la publication de la Déclaration du 18 mars 2016, les

communications qui ont été publiées par la Commission européenne ont toutes été dans la direction de témoigner les avancées en cours des institutions et des États membres dans la mise en œuvre dudit plan. Cela témoigne du fait qu’il y avait effectivement un plan d’action, articulé en plusieurs étapes, et dont l’UE était un acteur de premier plan; il ne s’agissait donc pas d’une initiative menée séparément par les États membres pour endiguer les migrations irrégulières.

Le deuxième élément de contexte, qui pourrait contribuer à mieux qualifier la nature juridique de la Déclaration UE-Turquie, l’on retrouve dans le contenu d’une des communications qui ont suivi l’adoption du Plan d’action commun UE-Turquie, notamment le document COM (2016) 166 final371.

370 European Commission - Fact Sheet, EU-Turkey joint Action Plan, Bruxelles 15 octobre 2015. 371 Commission européenne, COM(2016) 166 final, du 16 mars 2016, Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil - Prochaines étapes

144

Ce document, adopté par la Commission européenne, a une importance toute particulière, tout d’abord en ce qui concerne la date à laquelle il a été publié, soit deux jours à peine avant la Déclaration du 18 mars 2016. Ce texte représente, à notre avis, une confirmation limpide du fait que l’UE s’était approprié des positions proclamées avant même la Déclaration. Au point 2 de la communication COM (2016) 166 final, l’on retrouve énumérés les six principes visant à intensifier la coopération entre l’UE et la Turquie. Ce qui frappe particulièrement le lecteur est la totale ressemblance entre ces principes et les 9 points qui composent la Déclaration :

opérationnelles de la coopération UE-Turquie dans le domaine de la migration, en ligne : <http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016DC0166&from=FR> (consulté le 8 mars 2018).

COM (2016) 166 final Déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016

(Ier principe) Renvoyer tous les migrants en situation irrégulière qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques.

(point1) Tous les nouveaux migrants en situation irrégulière qui partent de la Turquie pour gagner les îles grecques à partir du 20 mars 2016 seront renvoyés en Turquie. (IIeme) Procéder, pour chaque Syrien réadmis

par la Turquie au départ des îles grecques, à la réinstallation d'un autre Syrien de la Turquie vers l'UE, dans le cadre des engagements existants

(point 2) Pour chaque Syrien renvoyé en Turquie au départ des îles grecques, un autre Syrien sera réinstallé de la Turquie vers l'UE en tenant compte des critères de vulnérabilité des Nations Unies.

(IIIeme ) Accélérer la mise en œuvre de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas en vue de lever l'obligation de visa pour les citoyens turcs fin juin 2016 au plus tard.

(point 5) La concrétisation de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas sera accélérée à l'égard de l'ensemble des États membres participants afin que les obligations en matière de visa pour les citoyens turcs soient levées au plus tard à la fin du mois de juin 2016 […].

(IVeme) Accélérer la mise à disposition des fonds de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie

(point 6) L'UE, en étroite coopération avec la Turquie, accélérera encore le versement du montant de trois milliards d'euros initialement alloué au titre de la facilité en faveur des réfugiés en Turquie et assurera le financement d'autres projets en faveur de personnes bénéficiant d'une protection temporaire que la

145

La coïncidence entre les principes énumérés dans la COM 2016 (166) final et les points contenus dans la Déclaration confirme l’implication des institutions européennes dans la phase de négociations et mine la crédibilité de la position affirmée par le Conseil en sa défense. Dans la procédure de l’Affaire T-193/16, en effet, il est clairement reporté qu’il n’y aurait eu aucune participation du Comité des représentants permanents (COREPER) dans la préparation du sommet du 18 mars 2016372. En plus, la qualification de « sommet » pour cette réunion des chefs d’État ou de gouvernement avec leur homologue turc, ayant lieu dans les enceintes du Conseil à Bruxelles, reste très discutable. L’ordre du jour du Conseil européen, publié sur le site de cette institution, prévoyait en effet que les réunions

372 CJUE, Ordonnance, 28 février 2017, NG contre Conseil européen, affaire T-193/16 [non encore publié], point 31.

Turquie aura rapidement contribué à densifier avant la fin mars.

(Veme) Se préparer au plus vite aux décisions à adopter en ce qui concerne l'ouverture des nouveaux chapitres des négociations

d'adhésion, en s'appuyant sur les conclusions du Conseil européen d'octobre 2015

(point 8) L'UE et la Turquie ont confirmé une nouvelle fois leur volonté de relancer le processus d'adhésion conformément à leur déclaration conjointe du 29 novembre 2015. Elles se sont félicitées de l'ouverture du chapitre 17 le 14 décembre 2015 et ont décidé que la prochaine étape serait d'ouvrir le chapitre 33 au cours de la présidence néerlandaise.

(VIeme) Coopérer à l'amélioration de la situation humanitaire en Syrie

(point 9) L'UE et ses États membres

collaboreront avec la Turquie dans le cadre de tout effort conjoint visant à améliorer les conditions humanitaires à l'intérieur de la Syrie, en particulier dans certaines zones proches de la frontière turque, ce qui permettrait à la population locale et aux réfugiés de vivre dans des zones plus sûres.

146

s’étaleraient sur les deux jours du 17 et du 18 mars 2016373. Une implication du COREPER dans la phase préparatoire nous semble incontournable.

Sous un autre angle, la COM (2016) 166 final nous fournit des informations précieuses concernant les modalités de financement de l’entente entre l’UE et la Turquie, et ce passage représente notre troisième moyen pour reconsidérer la qualification de la

Déclaration comme acte de l’UE.

La communication citée indique les détails concernant la composition du montant de 3 milliards d’euros374 promis par le biais de la communication du 25 novembre 2015 de la Commission375. Au départ, la répartition des contributions prévoyait qu’un tiers du montant global devait être financé par le budget de l’UE et que la partie restante devait se financer grâce à des contributions des États membres. À l’heure actuelle, exception faite pour l’Allemagne, qui a participé de façon marquante au fonds pour la Turquie, les contributions des autres États membres ont été minimes. L’UE a versé 1,4 milliard (presque la moitié du montant global prévu initialement) pour financer les engagements pris avec la Déclaration, et les ressources qui composent ce montant proviennent, pour la plupart, de deux fonds spécifiques : le Fond fiduciaire régional de l’UE en réponse à la crise syrienne et l’Instrument d’aide de préadhésion (IAP). Ce dernier est un instrument destiné à financer l’adoption de réformes dans les pays candidats, ou candidats potentiels, à l’adhésion à l’UE et a été créé

373 Voir CONSEIL EUROPÉEN, Provisional Agenda - European Council meeting, EUCO 13/16 OJ/CO EUR 2, Bruxelles, le 15 mars 2016.

374 Auxquels ils devraient s’ajouter 3 autres milliards décaissés une fois dépensés les trois premiers. 375 Des communications plus récentes et des fiches publiées sur le site de la Commussion européenne donnent les données mises à jour sur l’octroi des fonds. Voir COMMISSION EUROPÉENNE, The EU

Facility for Refugees in Turkey, Fact Sheet, 2019, en ligne :

147

par le Règlement IAP376 et modifié par le Règlement IAP II377 et est entré en vigueur le 16 mars 2014378.

La question reste ouverte : si la Déclaration, tel qu’affirmé par le Tribunal, n’est pas un acte de l’UE, comment est-il possible qu’un simple « arrangement politique » entre États membres de l’UE et un État tiers ait pu engager directement des fonds du budget européen ?

376 CONSEIL EUROPÉEN, Règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil du 17 juillet 2006 établissant un

instrument d’aide de préadhésion (IAP), JO L 210/82, 31.07.2006.

377 UE, Règlement (UE) 2014/231du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2014 instituant

un instrument d’aide de préadhésion (IAP II), JO L 77/11, 15.03.2014.

378 Depuis janvier 2007, l'instrument d'aide de préadhésion (IAP) remplace une série de programmes et d'instruments financiers communautaires destinés aux pays candidats ou aux candidats potentiels à l'adhésion, à savoir les programmes PHARE, PHARE CBC, ISPA, SAPARD, CARDS, et l'instrument financier pour la Turquie.

148

La « consecutio legis » entre l’accord de réadmission République

hellénique-Turquie et l’accord de réadmission UE-Turquie face au non-droit de la Déclaration

Depuis le 14 avril 2014, est en vigueur l’Accord de réadmission UE-Turquie, qui prévoit, à son article 4, l’engagement pour la Turquie à la « réadmission des ressortissants de pays tiers et apatrides » 379. Cet engagement se réfère à « toute personne qui est entrée illégalement et directement sur le territoire des états membres après avoir séjourné sur, ou transité par, le territoire de la Turquie »380. Une obligation de la même portée est prévue pour l’UE à l’article 6 du même accord.

La pleine application de la partie de l’accord de réadmission entre l’UE et la Turquie concernant les ressortissants de pays tiers et les apatrides est prévue trois ans après la date d’entrée en vigueur initiale de l’accord, soit en avril 2017. Ceci explique la légitimité de l’accord de réadmission entre la République hellénique et la Turquie, individué comme base légale provisoire des engagements contenus dans la Déclaration du 18 mars 2016.

En effet, dans un passage très important de l’ordonnance dans l’Affaire

T-192/16, les juges de la Cour font référence à la COM 2016 (166) final, en rappelant, de façon

implicite, le lien existant entre le Plan d’action commun UE-Turquie, la Déclaration du 18 mars 2016, l’accord de réadmission entre la Grèce et la Turquie et l’accord de réadmission UE-Turquie :

selon cette communication [COM 2016 (166) final], des avancées avaient été récemment constatées en ce qui concernait la réadmission, par la République de Turquie, des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile n’ayant pas besoin d’une protection internationale dans le cadre de l’accord bilatéral de réadmission entre la République hellénique et la République de Turquie, lequel devait être remplacé, à partir

379 Accord entre l’Union européenne et la République de Turquie concernant la réadmission des

personnes en séjour irrégulier, (2014) 7 mai 2014, JO L 134/3 (entré en vigueur: 1er décembre 2014),

art 4.

149

du 1er juin 2016, par l’accord entre l’Union européenne et la République de Turquie concernant la réadmission des personnes en séjour irrégulier (JO 2014, L 134, p. 3)381.

La consecutio legis entre l’accord de réadmission République hellénique-Turquie et l’accord de réadmission UE-hellénique-Turquie est confirmée sans équivoque à plusieurs niveaux. Tout d’abord, par le droit primaire de l’Union, la matière migratoire étant une compétence partagée et la possibilité pour l’UE de conclure accords de réadmissions avec des pays tiers étant expressément prévue par le TFUE à son article 79. De plus, l’article 21 de l’accord de réadmission UE-Turquie, intitulé « Relation avec les accords ou arrangements bilatéraux de réadmission des États membres », rappelle de manière explicite la primauté du droit de l’Union :

Sans préjudice de l'article 24, paragraphe 3, les dispositions du présent accord a la priorité sur les dispositions de tout instrument juridiquement contraint relatif à la réadmission des personnes en séjour irrégulier, conclu ou susceptible d'être conclu, en application de l'article 20, entre les différents États membres et la Turquie, dans la mesure où les dispositions de ces instruments sont incompatibles avec celles du présent accord382.

Ceci montre clairement deux choses : premièrement, que le contenu de la

Déclaration du 18 mars 2016 est pleinement conforme avec l’accord international qui lie

l’UE et la Turquie en matière de réadmission – elle ne rajoute pas d’éléments nouveaux – et, en deuxième lieu, que l’accord bilatéral entre la Grèce et la Turquie ne serait qu’une base juridique « provisoire » permettant une entrée en vigueur anticipée des engagements déjà pris entre l’UE et la Turquie.

En plus, si cela n’était pas le cas, si donc la Déclaration n’était effectivement qu’un acte des États membres, à l’heure actuelle, après le mois d’avril 2017, elle aurait dû perdre toute effectivité en vertu de l’entrée en vigueur des articles 4 et 6 de l’accord de réadmission entre l’UE et la Turquie, tel que prescrit par le principe de la primauté du droit

381 CJUE, Ordonnance, 28 février 2017, NF c Conseil européen, affaire T-192/16 [non encore publié], point 6.

382 Accord entre l’Union européenne et la République de Turquie concernant la réadmission des

personnes en séjour irrégulier, (2014) 7 mai 2014, JO L 134/3 (entré en vigueur: 1er décembre 2014),

150

de l’Union et par le principe de collaboration loyale, cristallisés dans le droit primaire ainsi que par la lettre de l’article 21 dudit accord.

Les arguments mentionnés ci-dessus contribuent fortement à démontrer l’hypothèse avancée initialement, à savoir que la déclaration du 18 mars 2016 serait un acte de l’Union d’autant plus qu’elle s’inscrit à plein titre dans la continuité des relations entre ces deux sujets de droit international. Pourtant elle s’inscrirait pleinement dans le champ de compétence de la CJUE.

La pression migratoire des dernières années a montré les fragilités de la législation et de l’action politique de l’UE. Les pays les plus touchés par les arrivées de personnes migrantes ont essayé de combler ces vides par le biais de décisions parfois unilatérales, comme la fermeture des frontières, ou encore par la voie d’« accords » avec des pays voisins. Il s’agit d’ententes, entre les autorités de différents pays, qui ont un impact direct sur la répression « à l’entrée » des flux migratoires.

L’exemple des pays situés le long de la route des Balkans est fort intéressant. Ces pays, partageant les mêmes craintes des États membres face au phénomène migratoire, ont signé avec ces derniers des accords non conventionnels à l’extérieur du cadre de l’UE pour arrêter les flux. Nous montrerons, dans les paragraphes qui suivent, les limites du contrôle de la Cour de justice face à ces initiatives propres aux États membres, caractérisées par le recours à des formes atypiques d’ententes, qui empêchent a priori l’exercice de tout contrôle judiciaire prévu par les traités.

S

ECTION

2 : L

ES INITIATIVES DES PAYS MEMBRES DANS LA RÉPRESSION DES MIGRATIONS

«

À L

ENTRÉE

» :

MENACES CONCRÈTES À LA COHÉRENCE DE L

ACTION EXTERNE DE L

’UE

QUI ÉCHAPPENT AU CONTRÔLE DE LA

C

OUR DE JUSTICE

151

LES ENTENTES TECHNIQUES ENTRE SERVICES DE POLICE DES

ÉTATS MEMBRES ET DES ÉTATS TIERS : PRATIQUES CONCRÈTES DE RÉPRESSION DES MIGRATIONS À LENTRÉE

Les pays membres de l’UE, tel que nous l’avons montré dans les paragraphes précédents, jouissent d’une liberté assez large dans la conclusion d’accords avec des pays tiers en matière migratoire et de contrôle des frontières. Cette marge de manœuvre devient quasi-absolue dans le cas des accords non conventionnels, autrement dit des « ententes de travail » (« working arrangements ») ou encore des déclarations conjointes (joint

statements).

À titre d’exemple nous analyserons l’entente technique, qui prend la forme d’une déclaration conjointe (Joint Statement) entre forces de police de l’Autriche, de la Slovénie, de la Serbie, de la République de Macédoine et de la Croatie signée à Zagreb383.

L’accord en question a été publié le 18 février 2016, sous la forme d’une déclaration