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La CJUE, en plus de son rôle de gardienne des traités, a très tôt été une institution capable de garantir une application efficace du droit issu de la Convention européenne des

droits de l’Homme dans l’ordre juridique de l’UE, « lui donnant même, à travers ses arrêts,

une force qu’il n’avait pas »83. D’ailleurs, certains auteurs parlent de « la double protection des droits fondamentaux en Europe » 84 , faisant ainsi référence à l’importance de ce dialogue entre cours dans le processus qui a mené à la création de l’ordre juridique européen.

La création d’un ordre juridique propre à l’Union a été, et demeure, une activité extrêmement complexe, où la synergie des institutions européennes et les relations avec les systèmes nationaux des pays membres recouvrent une place déterminante. À l’intérieur de cette architecture très articulée, la CJUE, depuis les années cinquante, joue un rôle clé dans l’harmonisation des systèmes qui coexistent à l’intérieur de l’Union, faisant parfois face à des résistances très coriaces.

82 Jean-Claude Bonichot, Cour de justice des communautés européennes et convention européenne des droits de l’homme : vers un partenariat enregistré? Le droit dans une Europe en changement, p. 95-109. Dans le même sens : « […] la prudence rédactionnelle de la Cour de justice UE ne doit pas dissimuler que la CEDH apparaisse comme une partie intégrante du droit communautaire. La réception des dispositions matérielles de la convention dans l’ordre juridique communautaire, par le biais des principes généraux du droit, revêtant un caractère purement formel et automatique, tout se passe comme si la Cour de justice appliquait purement et simplement la convention ». Jean Pierre Puissochet, « La Cour européenne des droits de l’homme, la Cour de justice des communautés européennes et la protection des droits de l’homme », dans Paul Mahoney et al., Protection des droits

de l'homme : la perspective européenne : mélanges à la mémoire de Rolv Ryssdal, Cologne,

Heymanns, 2000, p. 1143.

83 Jean-Claude Bonichot, « L’application de la Convention européenne des droits de l’homme par les juridictions nationales, par l’intermédiaire de la Cour de justice des Communautés européennes », dans Le juge administratif français et la Convention européenne des droits de l’homme, colloque Montpellier 14 et 15 décembre 1990, Revue universelle des droits de l’homme, 1991, p. 318. 84 Silke HATTENDORFF, La double protection des Droits de l’Homme en Europe, in Quel avenir pour

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Dans les matières qui appartenaient à l’ancien troisième pilier du Traité de Maastricht (justice et affaires intérieures), cette œuvre d’harmonisation est encore à un stade embryonnaire et incomplet. Pour reprendre les mots du juge et homme politique Antonio Vitorino :

Il s’agissait d’incorporer dans l’ordre juridique européen, (..) des politiques ancrées dans la souveraineté des États : la liberté de circulation qui présuppose le contrôle des frontières extérieures communes y compris l’abolition des contrôles aux frontières intérieures – au moins dans l’espace Schengen ; l’immigration et l’asile ; la coopération judiciaire en matière civile – élément essentiel des libertés fondamentales du marché intérieur ; la coopération policière et judiciaire en matière pénale 85.

Le sujet de cette étude doctorale met une fois de plus en lumière l’importance de ce rôle d’harmonisation joué par la Cour, d’autant plus qu’en matière de répression des migrations irrégulières, le contexte juridique se présente comme particulièrement fragmenté, notamment parce que l’immigration et l’asile restent des compétences partagées entre États membres et UE, et la libre circulation représente en quelque sorte le « cheval de Troie » des droits de l’Homme86.

La Cour de justice de l’Union Européenne joue dès lors un rôle extrêmement délicat, à la fois d’interprète des traités et du droit dérivé, mais aussi de défenseur des garanties et des principes fondamentaux qui inspirent les normes européennes.

85 Antonio VITORINO, La Cour de justice et la construction de l’Europe : Analyse et perspectives de

soixante ans de jurisprudence, La Haye, Springer, 2013, p. 2.

86 Antoine Bailleux, Jérémie Van Meerbeeck, « Droits de l’homme, droit pénal et droit communautaire à Luxembourg. Enjeux, difficultés et paradoxes d’un ménage à trois. » dans Yves Cartuyvels et al. (dir.), Les droits de l’homme, bouclier ou épée du droit pénal?, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 2019, p. 152.

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Aujourd’hui, la mise en œuvre de certains actes de droit dérivé, notamment la directive « retour »87, le fonctionnement adéquat du mécanisme « Dublin »88 pour les demandeurs d’asile ainsi que l’utilisation des systèmes d’informations de l’UE pour le contrôle des frontières89, passent de plus en plus par l’examen interprétatif de la Cour de Luxembourg. Cela a pu se faire grâce à l’introduction de mécanismes particulièrement efficaces pour l’interconnexion entre la Cour et les tribunaux nationaux. Ainsi, les questions préjudicielles « représentent non seulement un élément essentiel de garantie de l’unité de l’ordre juridique communautaire, mais aussi un outil de dialogue et d’interaction du système judiciaire européen et des cours nationales »90.

L’introduction de la procédure d’urgence pour le renvoi préjudiciel91 nous a montré que l’impact de ces arrêts dépasse souvent l’interprétation authentique du droit européen. Avec l’affirmation du principe de l’effet utile de la norme, par exemple, la Cour a pu démontrer l’invalidité de lois particulièrement restrictives des droits fondamentaux des accusés de procès pénaux.

87 CE, Directive (UE) 2008/115 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative

aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, [2008] JO, L 348/98.

88 UE, Règlement (UE) 2013/604 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant

les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (refonte), JO L 180/31, 26.06.2013.

89 UE, Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant

un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), JO L 77 du 23.3.2016, 1–52, p. 399.Règlement 399/2016 UE du Parlement

européen et du Conseil du 9 mars 2016; Règlement (CE) 810/2009; Règlement 603/2013; Règlement 1987/2006.

90 LABAYLE Henri, L’européanisation des procédures nationales, Intervention au 76éme Congres de la confédération Nationales des Avocats, Como, 2011.

91 Article 23-bs du Protocole (n° 3) sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, annexé aux traités, tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) n° 741/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 11 août 2012 (JO L 228 du 23 août 2012, p. 1)

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LA MÉTHODE DE TRAVAIL

Sur le plan méthodologique, la recherche proposée s’inscrit dans la science juridique en sens large. Une telle démarche « ne tend pas à la création du droit, mais à la connaissance du droit; elle n’est pas de l’ordre de la prescription, mais de la description » 92. Pour ce faire, il est fondamental de prendre la bonne distance de l’objet de la recherche. Ainsi, contrairement à une démarche dogmatique, « l’adoption d’un point de vue scientifique sur le droit implique dès lors une rupture claire avec ce dogme, qui ne dissocie pas connaissance du droit et production du droit. »93.

L’approche choisie dépasse à la fois les limites avérées du modèle du « positivisme juridique pur »94 et celle, défendue par plusieurs auteurs, dite « externe modérée » 95. Nos convictions sur la méthodologie la plus adaptée à notre recherche rejoignent les affirmations

92 CHEVALLIER, Jacques, Doctrine juridique et science juridique, in Droit et société, 1/2002 (n°50), p. 110.

93 « Dès l’instant où elle est construite en rupture avec la dogmatique juridique, la science du droit est inévitablement conduite à dépasser le point de vue interne, qui étudie le droit tel qu’en lui-même, en excluant toute sortie hors du système juridique, toute prise de distance par rapport à sa rationalité, toute mise en relation avec d’autres faits sociaux, pour adopter un point de vue externe, par lequel met son objectif d’étude à distance, en cherchant à expliquer les phénomènes juridiques, ou tout au moins à en rendre compte de manière réflexive et critique. », CHEVALLIER, Jacques, Doctrine juridique et science juridique , in Droit et société, 1/2002 (n°50), p. 110

94 BOBBIO, Norberto, Kelsen et les sources du droit, in Revue Internationale de Philosophie, 1981, fasc. 4, pp 474-486, « le principe d’origine du positivisme juridique est auctoritas non veritas facit legem ».

95 Sur le point voir entre autres : OST François, VAN DE KERCHOVE Michel, De la scène au balcon. D’où vient la science du droit, in CHAZEL François et COMAILLE Jacques, Normes juridiques et régulation sociale, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1991, p. 67-80. HART, Herbert L.A., Le concept de droit, Bruxelles, Publications des Facultés universitaires Saint-Luis, 1976, p. 344; cet auteur distingue ainsi le point de vue interne, qui est un point de vue en miroir, partant du discours que les institutions juridiques tiennent à propos d’elles-mêmes, en adhérant aux conventions implicites que ce discours véhicule, et le point de vue interne qui est celui des acteurs du système juridique.

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de Jean Carbonnier. Selon cet auteur, la science du droit ne saurait donc seulement adopter le point de vue « du dedans » mais aussi observer le phénomène juridique « du dehors »96.

Au vu du grand intérêt social de ce sujet touchant la répression des migrations, il nous apparait nécessaire de compléter l’analyse « purement » juridique avec une approche propre au pluralisme juridique.

En effet, la recherche documentaire des sources jurisprudentielles et l’analyse exégétique éclairée par la doctrine juridique auront une importance centrale pour l’étude de l’action de la Cour de justice de l’UE en matière de protection des droits fondamentaux des personnes migrantes en conditions irrégulière. Néanmoins, la compréhension des pratiques de répression des migrations - tant au niveau national qu’européen - exige, pour sa part, le recours à certains notions issues de l’anthropologie et de la sociologie juridiques, ainsi qu’à certains éléments de politique criminelle97.

S

ECTION

3 : U

NE APPROCHE INÉDITE À LA RÉPRESSION ET À LA CRIMINALISATION DES MIGRATIONS IRRÉGULIÈRES METTANT AU CENTRE L

ACTION DE LA

CJUE

Le choix d’aborder la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes suivant la lecture que la CJUE en fait dans le contentieux touchant la répression des migrations irrégulières représente le trait distinctif de cet ouvrage. En fait, dans la plupart des études portant sur ce même sujet, l’analyse de la jurisprudence de la CJUE accompagne les

96 CARBONNIER, Jean, Sociologie juridique, Paris, PUF, coll. Themis, 1978, pp. 415. BOBBIO, Norberto, Kelsen et les sources du droit, in Revue Internationale de Philosophie, 1981, fasc. 4, pp 474-486

97 Pour une définition pertinente de politique criminelle, voir entre autres : DELMAS-MARTY Mireille, Modèles et mouvements de la politique criminelle, Paris, Economica, 1983, pp.321. BARATTA Alessandro, Droits de l'Homme et politique criminelle, In Déviance et société. 1999 - Vol. 23 - N°3. pp. 239-257.

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réflexions des auteurs, alors qu’ici, l’action d’interprétation des juges de Luxembourg guidera le développement du début à la fin.

Cet élément novateur met en exergue l’intérêt scientifique du sujet choisi (§1), et nous permet à la fois de concentrer notre recherche autour de questions précises (§2) et de formuler d’hypothèses courageuses (§3).

PERTINENCE SCIENTIFIQUE DE LA RECHERCHE

En matière d’action de la Cour de justice de l’Union Européenne, l’analyse de l’impact de sa jurisprudence sur la protection des droits fondamentaux face à la répression des migrations ouvre des réflexions fort intéressantes, et la justification de son choix, dans le cadre de cette étude, trouve son fondement dans des arguments à la fois d’ordre pratique et théorique.

Le juge de la Cour de justice Jean-Claude Bonichot, interviewé en juillet 201698, soulignait l’évolution des sujets sur lesquels la Cour est appelée à se prononcer. Au début de son action, les problématiques les plus récurrentes étaient celles concernant les marques ou les dénominations d’origine des produits99, alors qu’aujourd’hui, affirme le juge, « la Cour traite des affaires qui concernent pour beaucoup le cœur de la souveraineté des États et qui

98Voir : Blog de droit européen, espace multimédia géré par Olivia Tambou de l’Université Paris-Dauphine, interview du 1 juillet 2016, Interview du Juge Bonichot : son regard sur la doctrine en

droit européen, partie 1, accessible en ligne à l’adresse : blogdroiteuropeen.com [ Consulté le

20.03.2017 ].

99 Pour des informations plus détaillées sur ce point ici nous renvoyons aux statistiques officielles de la Cour de justice de l’Union européenne, organisées en rapports annuels, accessibles en ligne à l’adresse suivante : http://curia.europa.eu/jcms/jcms/Jo2_11035/rapports-annuels

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posent des problèmes de société très importants »100. Suite à cette affirmation, il a aussi indiqué le droit pénal européen, et toute question qui relie le droit pénal à la protection des droits fondamentaux, comme principaux domaines qui nécessiteraient des recherches approfondies.

Dans un premier temps, donc, le choix d’un sujet qui vise à analyser l’action de la CJUE pour la protection des droits fondamentaux face à la répression des migrations irrégulières, vise à combler l’une des carences souvent reprochées à la doctrine : celle d’être trop loin des besoins de l’actualité et pas assez à l’écoute des exigences et inquiétudes des praticiens.

Sur un plan strictement scientifique, ce projet d’étude, propose une analyse novatrice qui se veut capable d’apporter des éléments nouveaux au débat doctrinaire en la matière.

La fonction de protection des droits fondamentaux dans l’UE assurée par la Cour, a été amplement traitée par une multitude d’auteurs dans les vingt dernières années, notamment sous l’angle de l’application de la CDFUE et des interactions entre le système de la CEDH et celui de l’UE101.

D’autres experts ont mis l’accent sur la perspective de l’adhésion de l’Union à la Convention européenne102, d’autres encore ont présenté d’excellents recueils de la

100 Blog de droit européen, espace multimédia géré par Olivia Tambou de l’Université Paris-Dauphine, interview du 1 juillet 2016, Interview du Juge Bonichot : son regard sur la doctrine en

droit européen, partie 1, accessible en ligne à l’adresse : blogdroiteuropeen.com [ Consulté le

20.03.2017 ].

101 Voir entre autres : DE VRIES, Sybe, The Protection of Fundamental Rights in the EU After

Lisbon », Oxford, Hart Publishing, 2013, pp 247; TINIERE Romain, CLAIRE VIAL (sous la

direction) et aa., La protection des droits fondamentaux en Europe. Entre évolution et permanence, Bruxelles, Bruylant, 2012 pp 414.; LABAYLE Henri, Droits fondamentaux et droit européen,

A.J.D.A., 1998, pp. 75 et s.; LABAYLE Henri, L’Union européenne et les droits fondamentaux, in Mélanges en l'honneur de Louis Dubouis, D., 2002, pp. 581 et s.; SUDRE, Frederic, Le renforcement de la protection des droits de l’homme au sein de l’Union européenne, in RIDEAU (J.), (sous la dir.),

De la Communauté de droit à l’union de droit, L.G.D.J., 2000, pp. 207 et s.

102 Voir entre autres : DE SCHUTTER, Olivier, L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme : feuille de route de la négociation, R.T.D.H., n° 2010/83, pp. 535

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jurisprudence CJUE103, qui nous permettent de retracer les étapes fondamentales de l’affirmation progressive de principes et de garanties fondamentales en droit européen. Dans notre projet de recherche, cet aspect sera traité dans la perspective spécifique de la protection des droits fondamentaux des migrants lors du contentieux sur la répression ou criminalisation des migrations.

Les questions préjudicielles issues de procédures administratives ou pénales provenant des juridictions nationales seront analysées afin de vérifier l’impact des décisions de la CJUE sur les droits fondamentaux des migrants impliqués dans ce genre de procédures.

Le phénomène de la criminalisation des migrations commence actuellement à attirer l’attention des chercheurs et à faire l’objet de quelques ouvrages. Cependant, compte tenu du caractère relativement récent de la prise de conscience de cette dynamique au niveau européen, il n’y a pas encore une vaste doctrine sur ce sujet. En effet, mis à part des documents officiels produits par l’Agence européenne des droits fondamentaux (FRA)104 et

et s.; LADENBURGER Clemens, Vers l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, R.T.D.E., n°47, janvier-mars 2011, pp. 20 et s.; CAUNES Karine, The protection of fundamental rights in the European Union. Opinion 2/13 of the Court of Justice and the EU accession to the ECHR: Back to the Future, Springer, 2015; COSTA Jean-Paul, La Convention européenne des droits de l’homme, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et la problématique de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention, EUI Working Paper Law, N°2004/5, pp. 11 et s.

103 Voir entre autres : SUDRE, Fréderic et TINIERE Romain, Droit communautaire des droits

fondamentaux : recueil d’arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, Bruxelles, Nemesis ;

Limal : Anthemis, 2012. TIZZANO Antonio, ROSAS Allan, Silva de Lapuerta Rosario, Lenaerts Koen, Kokott Juliane (sous la Direction de), La Cour de justice de l’Union européenne sous la

présidence de Vassilios Skouris (2003-2015), Liber amicorum Vassilios Skouris , Bruxelles,

Bruylant, 2015, pp. 756. ROSAS Allan, BOT Yves, LEVITS Egils, La Cour de Justice et la

Construction de l’Europe: Analyses et Perspectives de Soixante Ans de Jurisprudence, La Haie,

Springer, 2013, pp.711.

104 FRA, EU Member States have largely implemented, and started applying, three instruments on transferring prison sentences, probation measures and alternative sanctions, as well as pre -trial supervision measures, to other Member States. This report provides an overview of their first experiences with these measures, highlighting both best practices and shortcomings, Luxembourg, 2016; FRA, Conseil de l’Europe (ouvrage conjoint), Manuel de droit européen en matière d’asile, de frontières et d’immigration. Bruxelles, 2014.

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par le Conseil de l’Europe105, les auteurs qui vantent déjà une production spécifique consacrée à ce sujet ne sont pas nombreux. Les travaux de Valsamis Mitsilegas106, par exemple, ont le grand mérite de présenter, pour la première fois, le sujet de façon organique et structurée. Ces ouvrages, ainsi que l’article de Joanna Parkin, « The criminalisation of

migration in Europe - A state of the art of the académique littérature »107, seront d’une aide précieuse afin de clarifier, dans une certaine mesure, les points de départ de notre réflexion. La limite de ces ouvrages, s’il y en a une, est qu’à l’analyse savamment décrite des pratiques de criminalisation des migrations en Europe, ne suit pas vraiment une critique constructive des impacts des arrêts de la CJUE dans les systèmes nationaux.

PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE

Dans un article publié en 2003 et consacré à l’analyse de la problématique, le professeur Jacques Chevrier affirmait que « toute recherche se construit à partir d’une question intrigante. Pour obtenir la réponse désirée, il faut savoir poser la bonne question, à partir d’un problème bien articulé »108. Une telle affirmation souligne l’importance de la

problématisation du sujet choisi. Dans le cadre de ce projet de recherche, après avoir fourni

105 GUILD Elspeth, La criminalisation des migrations en Europe : quelle incidence pour les droits de l’homme, Conseil de l’Europe Commissaire aux droits de l’Homme, Strasbourg, 2009

106 MITSILEGAS,Valsamis, The criminalisation of migration in Europe. Challenges for Human Rights and the Rule of Law, Springer, London, 2015; MITSILEGAS, Valsamis, EU criminal law after Lisbon : rights, trust and the transformation of justice in Europe , Oxford, Hart, 2016 ; MITSILEGA Valsamis, Globalisation, criminal law and criminal justice : theoretical, comparative and transnational perspectives , Oxford, Hart, 2015 ; MITSILEGAS Vlasimis, GUIA Maria, VAN DER WAUDE Maartie, VAN DER LEUN Amalia Hermina, Social control and justice : crimmigration in the age of fear , The Hague, Prtland, 2013.

107 PARKIN Joanna, The criminalisation of migration in Europe. A state of the art of the academique literature, in CEPS paper in Liberty and Security in Europe, n. 61/2013.

108 CHEVRIER, Jacques, La spécification de la problématique, in GAUTHIER Benoit, Recherche

sociale. De la problématique à la collecte des données, Québec, Presses de l’Université du Québec,

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les éléments du contexte et les raisons d’intérêt scientifique et social de l’étude, le moment est venu d’exposer l’ensemble des questions connexes qui nous permettent de donner la bonne profondeur conceptuelle à l’objet de la recherche proposée.

Dans la construction de la problématique, nous utiliserons une démarche logique déductive et nous nous laisserons inspirer par les étapes de la problématisation telles