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1.8 À propos de l’akan

1.8.3 Le verbe akan

L’akan dispose d’éléments du lexique qui appartiennent à la catégorie grammaticale des verbes. Ces éléments sont dénommés « nyɛe » (fait - fanti) ou adeyɔ (fait- twi)(Bartels et Annobil, 1971 ; Agyekum, 2010). À notre avis, ce sont des dénominations lacunaires, vu qu’elles ne couvrent pas l’ensemble des phénomènes décrits par les mots que l’on regroupe sous l’étiquette verbe. Les deux termes ne font que refléter les actions, et mettre de côté les états, les perceptions et les transformations internes et psychologiques. Ceci dit, il n’en reste pas moins vrai que les verbes des classes que nous venons d’identifier sont tous regroupés sous ces termes. Ainsi, il y a les activités vendleriennes comme -dɔw/- d ɔ ou -fow/-foro (sarcler et grimper/monter en fanti et en twi respectivement). Nous avons -du (arriver ou atteindre) un exemple d’accomplissement ; -nyim/-nim (connaître ou savoir) : un état et -huntsi/-hwinte (éternuer : un achèvement).

Le verbe typique akan n’encode ni la personne ni le temps : la forme de base est donc ajoutée soit au nom soit au clitique pour exprimer l’aspect habituel, un peu comme le simple

present tense des verbes réguliers anglais exprimant des activités, sauf que ces derniers encodent la

3e personne du singulier. Comparons donc la conjugaison pour un verbe comme -ba (venir) dans les trois langues :

-ba venir to come

Meba

eba (woba : twi) ɔba yɛba hom ba (moba) wɔba Je viens (habituel) tu viens il/elle vient nous venons vous venez ils/elles viennent I come you come he/she/it comes we come you come they come

Le verbe akan, nous l’avons constaté ailleurs, n’encode pas le temps grammatical, malgré le fait que les enseignants de la langue aux niveaux primaire et collégien présentent les formes aspectuelles comme représentant les temps calqués sur les formes verbales anglaises. En fait, les premières grammaires de l’akan ont été confectionnées sur le modèle des langues européennes, en l’occurrence, celui de la grammaire anglaise. Ainsi le mot kabea employé par Akrofi (1963) est glosé par cet auteur comme tense (anglais pour temps verbal). Pour leur part, Bartels et Annobil (1971)décrivent nettement les formes aspectuelles comme nyɛe-mber, mber étant le nom akan pour temps chronologique. Osam (1994) dénie ces traductions de manière implicite, puisqu’il argumente que l’akan na pas de temps ; il n’y voit que l’aspect. Pour comprendre la nature aspectuelle du verbe akan, prenons -didi glosé comme manger (intransitif)

i. Kofi didi Kofi mange. (habituel) Kofi.manger

ii. Na Kofi didi Kofi mangeait (habituel au passé) NONPRES.Kofi.manger

iii. Kofi re – didi Kofi est en train de manger Kofi.PROG.manger

iv. Wo- bɛ- ba no, na Kofi re- didi. 2SG.PROS.venir.EMPH.NONPRES.Kofi.PROG.manger

Ceci peut se traduire comme : à ton arrivée, Kofi sera en train de manger. v. Wo- ba- eɛ no, na Kofi re- didi

à savoir, Kofi mangeait lorsque tu es arrivé/À ton arrivée, Kofi mangeait.

Nous voyons ainsi que la forme progressive du verbe twi (akwapim ou asante) (-)redidi (la forme fanti étant -ridzidzi) reste invariable : que l’énoncé soit actuel, au passé chronologique ou au futur chronologique importe peu. Comme nous le verrons tout de suite, la forme identifiée comme prétérit ne fait pas exclusivement référence au passé, bien que ce soit sa fonction principale. Soit le forme aspectuelle fanti -bae (sans complément visible) /- baa (avec complément) qui, tout nu, encode le prétérit.

vi. E- ba- e a ? (ou Ebaa ha a?) - Tu es venu ? etc. (ou très rarement, vins-tu ? etc.) 2SG.venir.PRET.INTERROG.

La même forme peut encoder un passé hypothétique situé dans le futur : vii. e- bɔ- kɔ wo fie no, nna me- ba- a hɔ.

2SG.PROS.aller.2SG.POSS.maison.EMPH.NONPRES.1SG.venir.PRET.là

traduction française possible : quand tu rentreras chez toi, je serai déjà venu là-bas (et

reparti). Ceci indique aussi que, comme je ne serai pas là, soit on te le dira, soit je laisserai des

traces de ma venue là-bas. Ce fait étant expliqué, passons à la forme perfective d’un verbe de perception

La forme perfective du verbe akan peut indiquer le présent, le passé et le futur chronologiques, tout comme l’aspect habituel et la forme progressive. Il suffit d’ajouter nna/na pour situer l’action ou l’état dans un temps décalé du présent énonciatif. Prenons te (fanti : tse, glosé comme entendre ou sentir)

viii. Kwaku a- te ɛnkra a wo- to- o no no Kwaku.PERF.entendre.message.REL.2SG.envoyer.PRET.3SG.DET.DEF à savoir, Kwaku a entendu le message que tu lui as envoyé.

Mais la forme -ate s’avère constante quel que soit le temps de référence : ix. Yɛ- du- yɛ no, na Kwaku ate ɛnkra a wotoo no no dada

Kwaku avait déjà reçu le message que tu lui avais envoyé, au moment où nous y sommes arrivés.

x. Yɛ- bɛ- du fie no, na Kwaku a- te wo nkra no 1PL.PROS.arriver.maison.EMPH.NONPRES.Kwaku.PERF.entendre.2SG.POSS.message.DET.DE F

dada .déjà

Lorsque nous arriverons à la maison, Kwaku aura déjà reçu ton message.

Considérons désormais la dernière forme de base que d’aucuns dénomment, à tort à notre avis, daakye kabea glosé comme future tense.

xi. Mo bɛ- kɔ dwa- so ? Irez-vous au marché ? 2PL. PROS.aller.marché.sur

La forme verbale - bɛkɔ et énoncé situé au moment de l’énonciation indique l’avenir, sans autre indication temporelle. Cependant, la forme peut indiquer le conditionnel temps sans changement aucun :

xii. Mo ka- a sɛ mo bɛ- kɔ dwa- so 2PL.dire.PRET.COMP.2PL. PROS.aller.marché.sur c’est-à-dire, Vous avez dit que vous iriez au marché.

Les deux formes ne changeant pas tout en encodant deux valeurs temporelles distinctes, nous ne pouvons que parler d’aspect et non de temps. Il est possible de combiner les particules progressifs et prospectifs pour conférer à une action future un sens d’imminence , l’équivalent du futur proche:

xiii. Kwasi bɛ- kɔ Nkran ɔkyena (twi) /Kwesi bɔ - kɔ Nkran ɔkyena (version fanti) Kwasi.PROS.aller.Accra.demain

(Kwasi/Kwesi ira à Accra demain) Après la combinaison, nous avons

-re- étant, le rappelons-nous, l’infixe du progressif, et -bɛ- celui du prospectif (terme que nous

avons adopté pour cette section au lieu de « futur », parce que nous le trouvons plus commode que le dernier.