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1.8 À propos de l’akan

1.8.4 Prosodie de l’akan

L’akan (et toutes ses variantes présentes sur le territoire ghanéen) est une langue à ton (Genzel, 2013 ; voir aussi Osam, 2003 et Gyasi-Obeng, 1999). Toutes les variantes font preuve de cette caractéristique fondamentale, chacune à sa manière (cf. Marfo, 2004). Comme le note Kügler (2016) il y a lieu de séparer le ton de l’intonation le premier portant sur le morphème ou l’élément lexical et la deuxième opérant au niveau de l’énoncé (il nous semble un peu inacceptable de parler de la phrase cette dernière étant un élément de la grammaire surtout scolaire). Selon Dolphyne (1988) l’akan possède deux tons le montant ou le haut (représenté par le diacritique ́ ) et le tombant ou le bas ( ̀ ). Selon cette auteure (Dolphyne, in ibid.) il existe un troisième ton, le haut neutralisé (downstepped high tone) mais selon Genzel (2013), certains ne reconnaissent pas cette triade. Le ton porte surtout sur les éléments lexicaux, servant ainsi à distinguer deux ou plusieurs homophones qui sont différents du point de vue sémantique. Notons que le ton est lié au syllabe (Kügler, 2016 ; Abakah, 2002). Par exemple, Dolphyne (in ibid.) nous décrit cette distinction en examinant les homophones suivants :

pápá (bon/bonne) pàpá (père)

Ces deux mots sont reconnus comme tels dans les trois variantes majeures de l’akan identifiées supra. Une troisième combinaison est présente dans l’asante-twi et ses sous-variantes (le denkyira, l’akyim, le kwahu, etc.) pour l’éventail :

pàpà,

la forme fanti pour le même objet étant

pàpáá (ou pἐpἑἑ dans la sous-variante parlée à Cape Coast)

Les locuteurs natifs arrivent donc à distinguer les trois formes du point de vue sémantique grâce aux permutations des deux tons. Ces permutations opèrent aussi dans d’autres paires et

groupes minimaux homophones. Il faut signaler au lecteur que les distinctions ne sont pas toujours universelles : tantôt elles sont présentes dans les trois variantes, tantôt elles opèrent dans une ou deux variantes, tantôt elles se limitent à quelques sous-variantes. Considérons les permutations suivantes

mé nàná

(1s. POSS.grand-parent)

mon grand-père/ma grand-mère

Cette interprétation est valable pour toutes les variantes discutées. Cependant, une autre interprétation s’avère habituelle pour le fanti, l’akwapim et pour les sous-variantes occidentales et australes de l’asante-twi :

mon (ma) petit-fils (petite-fille) ;

les autres déterminants possessifs (wo, ne, hɛn ou yɛn, hom ou mo, etc.) suivant le modèle de me

nana. Ainsi, l’ambiguïté est désamorcée par le contexte discursif ou par la situation physique. Les

locuteurs des sous-variantes orientales telles que l’akyem et le kwahu réalisent toutefois cette deuxième interprétation comme suite :

mè náná (mon petit-fils, etc.).

Ici, l’ambiguïté n’est plus possible, la permutation tonale précisant la relation entre le locuteur et le référant.

Passons à l’examen d’une combinaison singulière : ɔwɔ nam. Selon les permutations, cette représentation peut être un groupe nominal ou deux, voire trois énoncés distincts.

ɔ́wɔ́ nám (asanti-twi, akwapim, fanti) (serpent.chair)

la chair du serpent

ɔ́wɔ́ nàm

serpent.marcher.3S(0)

Notons que cette interprétation est valable dans un contexte où le serpent est personnifié, comme dans un conte féerique. Elle tient dans toutes les variantes majeures que nous considérons dans cette section.

ɔ̀ - wɔ̀ nám

3S.posséder.0 chair

il/elle a de la viande/du poisson/ de la chair.

ɔ́ - wɔ̀ nám 3S.percer.0.chair

il /elle perce la chair (interprétation valable pour certaines sous-variantes du fanti).

Au niveau de l’intonation, il en existe deux en akan : la montante et la tombante/ la descendante. Comme dans d’autres langues telles que l’anglais et le français elle aide à distinguer des types d’énoncés. Par exemple, l’intonation tombante se manifeste à la fin d’une déclaration ou d’une impérative ordinaire. L’intonation montante remplit plus de fonctions discursives que la tombante, marquant par exemple la fin d’une proposition non finale dans un énoncé bi- ou pluri-propositionnel, une interrogation totale ou une exclamation. Pour le reste, disons que les ouvrages cités sur la prosodie de l’akan parlé au Ghana traitent ce sujet en entrant dans des détails que nous jugeons peu nécessaires pour notre exposition sur cette langue

Pour conclure cette section sur l’akan, regardons d’autres faits sur cette langue. D’abord, notons que l’akan est une langue écrite au moyen d’un alphabet latin modifié (avec deux autres symboles vocaliques, et privé de c, j, q, v, et x. L’asante et l’akwapim n’ont ni le[z] ni le graphème pour le représenter, le fanti, dans lequel ce son est réalisé, le représente au moyen d’un digraphe, dz. Le fanti a une affriquée [ts] que les autres n’ont pas. Les digraphes suivants seraient communs à la plupart des variantes : ky pour [tʃ], kw, tw [tʃw], dw [dʒw], gy [dʒ], etc.

Il faut aussi noter que, depuis l’ère coloniale, les autorités ont adopté trois formes standards une de chaque variante pour l’enseignement scolaire (jusqu’au niveau master 2) et pour la publication. Avant l’arrivée des blancs, l’akan connaissait déjà le sort de la quasi-totalité des langues africaines en ce qu’il était une langue sans écriture. Il existerait de l’évidence anecdotique

que les chroniqueurs musulmans de l’Afrique du nord auraient entrepris la codification du twi dans l’écriture arabe. Les efforts des missionnaires et des colons ont mené à des publications dont des grammaires, des romans, des dictionnaires anglais-akan, des recueils des poèmes ainsi que des ouvrages religieux notamment la Bible chrétienne. Malgré ces efforts et le statut de l’akan en tant que lingua franca de facto (44 % des Ghanéens seraient locuteurs de l’akan L2), puisque l’akan n’a presque aucun rôle officiel en dehors de l’école, tout rôle officiel étant réservé pour l’anglais, et grâce l’inertie officielle vis-à-vis de la promotion des langues indigènes et l’engouement des Ghanéens scolarisés pour l’anglais, les chercheurs en matière de la préservation des langues indigènes, dont Amuzu (2005), et Agyekum (2010) croient que dans une période de 30 à 40 ans, l’akan et les autres langues indigènes disparaîtront. Nous n’avons qu’à émettre le même avis, ayant mené des recherches sur le sujet depuis un certain temps.