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La méthode principale que nous adopterons dans la collecte de données, c'est un test écrit de traduction (version vers l'anglais). En fait, nous adoptons la méthode de Wlosowicz () que nous adapterons ensuite à notre cas spécifique. Nous pensons qu'il sera peu fructueux de mener l'enquête autrement parce que l'observation en situation de travail, par exemple, ne permet pas tout seule de vérifier les processus cognitifs en jeu lors de l'emploi d'une langue. Cohen et Weaver (2004) et Naiman et al. (1996) témoignent de la difficulté que l'on rencontre quand l'on emploie l'observation comme outil de collecte de données sur les processus cognitifs en marche pendant l'exécution d'une tâche langagière. Cohen et Weaver (in ibid. :160) arguent :

It is a challenge for teachers and/or their assistants to employ such rigorous observational methods, not only because teachers have lots of other things to do, but also because many of the language and language use strategies are going on inside the learner's head and cannot be observed26.

Ces chercheurs et bien d'autres, dont Song (2005), O'Malley et Chamot (1990) et Ellis (1994) prônent l'emploi de plusieurs outils ensemble pour parvenir aux meilleurs résultats, c'est-à-dire, les données les plus fiables. Comme Song (in ibid.) l'explique, il est possible d'adopter un test écrit pour vérifier les compétences et les processus cognitifs mis en jeu par un participant. Un test pareil doit être du type référencé : il mesure la prestation de l'enquêté selon un/des critère(s). Dans notre cas, nous allons proposer une variante de ce que Baker (2010 :100) appelle « learner corpus » (corpus d'apprenant) et décrit comme « a corpus of a particular language produced by learners of

that language 27». Dans l'évaluation qui suit, Baker (in ibid.) déclare :

Learner corpora can be useful in allowing teachers to idenify common errors at various stages of development, as well as showing over- and underuses of lexis or grammar when compared to an equivalent corpus of native speaker language28.

Nous adapterons cet outil et l'approche permet de le déployer à notre recueil et, avec d'autres outils, à savoir, l'interview et le questionnaire, nous espérons produire des données permettant de vérifier les hypothèses.

2.4.1 Description du test écrit

Ce test comporte deux extraits, l'un de L'étranger d'Albert Camus, l'autre d'Au cœur des

ténèbres de Joseph Conrad. Nous avons sélectionné ces deux textes sources parce que ce sont des

narrations. Spécifiquement, le choix de L'étranger a été fait par rapport aux temps verbaux principaux employé par l'auteur : le passé composé et l'imparfait (représentant les aspects perfectif et imperfectif respectivement en français). Par contre, nous avons choisi Au cœur des ténèbres parce que le texte original était en anglais, avec le present perfect, le simple past, le conditional

present employé pour décrire des habitudes passées et le past progressive. Cependant, puisque le

traducteur de la version française a employé le passé simple au lieu du passé composé, le passé simple étant le temps privilégié dans une narration littéraire pareille (Riegel et al., 2011 ; Charaudeau, 1992), nous avons dû modifier le texte en remplaçant le passé simple par le passé 26i. Il est difficile pour les enseignants et les assistants de déployer des méthodes rigoureuses d'observation, non

seulement parce que les enseignants ont d'autres tâches,mais aussi parce que la plupart des stratégies cognitives employées dans les tâches langagières se déroulent dans le cerveau et donc, s'avèrent directement inobservables.

27. Un corpus d'une langue donnée produit par les apprenants de cette langue-là.

28. Les corpus d'apprenant se révèlent utiles parce qu'ils aident les enseignants à repérer les erreurs communes

à de divers stades du développement. En outre, ils révèlent les cas des sur-emplois et de sous-emplois des éléments lexicaux et grammaticaux en comparaison à un corpus de locuteur natif équivalent.

composé employé dans la narration quotidienne dans le langage de tous les jours. Nous avons ensuite fait des traductions interlinéaires avec les formes verbales cibles traduites dans plusieurs versions anglaises, dont la version correcte et des versions morphologiquement proches des versions du départ. Les décisions de modifier le texte et de le traduire sont les résultats de l'examen des traductions réalisées par les participants à la pré-enquête, discutée infra. Le but en est de permettre aux participants de se concentrer sur la tâche de trouver les équivalents sémantiques ou les équivalences morphologiques des verbes de départ en contexte dans le texte. Nous croyons que le fait d'avoir facilité la traduction pour les participants motivera une plus grande participation. En outre, elle va réduire, voire éliminer, le besoin que l'on aurait d'un dictionnaire bilingue lors d'un exercice pareil. Ceci constituera l'un des deux outils majeurs de la recherche. Passons donc aux autres outils.

2.4.2 Interview

L'interview représente l'un des outils les plus employés dans la recherche sociale surtout du type qualitatif (Poisson, 1992 ; Murchison, 2010 ; Chaudron, 2005 ; Neumann , 2007). En général, l'interview ou l'entretien sert à recueillir des données verbales approfondies auprès des enquêtés sur des aspects d'une recherche sociale. L'entretien s'emploie, d'après Cohen et Oxford (1996), pour identifier des stratégies spécifiques mises en œuvre lors tes tâches langagières par des apprenants ; il cible des stratégies en œuvre au cours des tâches spécifiques, plutôt que les stratégies générales ou typiques mais il peut servir quand même à ramasser des données sur les stratégies typiques d'un apprenant.

Dans notre cas, nous nous attendons à mener deux types d'interviews. Le premier consistera de deux parties de cinq phrases contenant des verbes au passé composé et à l'imparfait. Les phrases de la première partie seront traduites vers l'anglais ; celles du deuxième lot seront interprétées vers la variante de l'akan que parle chaque participant. Cette interview a pour but de vérifier les temps de réaction de chaque participant par rapport aux langues dans lesquelles ils interpréteront les phrases de départ. Nous avons élu cette méthode, parce que, contrairement à la situation européenne où la plupart des apprenants d'une langue autre que sa langue maternelle poursuit son apprentissage dans sa langue maternelle ou première. Nous avons déjà signalé la domination de l'anglais en tant que langue d'instruction à tous les niveaux, sauf pour des cours de L1 et ceux de LE.

L'interview va nous permettre de découvrir les phénomènes psycholinguistiques et cognitifs que nous ne serons pas capable de relever lors de l'exécution des tâches écrites. Ces phénomènes comprennent la circonlocution, l'hésitation, les reformulations et d'autres stratégies compensatoires employées par les apprenants des langues.

Le deuxième type d'interview que nous espérons employer portera sur la tâche de traduction écrite proprement dite, sur les problèmes auxquels les participant auront fait face lors de la tâche et les solution que les interviewés auront trouvées aux problèmes. Aussi, nous pourrons éventuellement vérifier si les apprenants sont conscients des processus employés dans les deux tâches. Comme nous voulons assurer que tout le monde y participe, nous allons mener ce type d'entretien avec des groupes de 3. Nous adopterons l'approche semi-structurée pour ce type d'interview. L'avantage majeur de cette approche, c'est que l'intervieweur est capable de couvrir des sujets émergents tout en gardant le processus dans un cadre assez stricte prévu au préalable. Ce type correspond à ce que dénomment O'Malley et Chamot (1990) « retrospective interviews ». Nous reconnaissons toutefois que cette interview rétrospective pose le problème de rappel à 100 % chez les participants

2.4.3 Enregistrement des données

Par rapport aux tâches exécutées à l'écrit, les interviews doivent être enregistrées soit par ds moyens audio-visuels, soit par des dispositif d'enregistrement des sons, soit manuellement, c'est-à-dire, à l'écrit. La dernière méthode est la moins commode, étant plus lente qui le débit normal d'un sujet parlant. D'ailleurs, elle ne facilite pas la capture des pauses, des hésitations et d'autres phénomènes qui seront intéressants du point de vue de l'analyse psycholinguistique. Si nous adoptions des méthodes propres à l'analyse conversationnelle, la meilleure méthode serait la capture vidéo. Celle-ci permettrait de capturer les gestes, les expressions faciales et les attitudes des participants relatives à l'intervieweur. Cependant, nos données portent sur les comportements linguistiques des enquêtés, donc nous allons nous passer de la capture vidéo en faveur de l'enregistrement de l'audio. Nous allons enregistrer les interviews à l'aide d'un dictaphone numérique. Ensuite, nous allons procéder à la transcription et l'analyse des données orales. Il est à noter que la langue employée lors du deuxième type d'interview sera l'anglais : les apprenants semblent être plus à l'aise avec l'anglais au cours d'interviews sur des sujets techniques, même sur le savoir métalinguistique de leur L1 (cf. Forson, 1979 ; Amuzu, 2005).

Après cette description, passons au troisième instrument : le questionnaire.

2.4.4 Questionnaire structuré

L'étape finale du recueil des données sera l'administration d'un questionnaire. Mais avant d'entrer dans le vif de cette partie, examinons la nature générale du questionnaire. Dans l'introduction au chapitre sur le questionnaire, Blaxter, Hughes et Tight (2006) et De Vaus (2002) caractérisent cet instrument comme le plus communément utilisé dans les enquêtes sociales. Rasinger (2010), étayant l'assertion précédente, nous informe que le questionnaire. est employé pour collecter de diverses sortes de données dans la recherche en linguistique. La raison qu'il fournit pour cet emploi répandu, c'est que, comparé à l'entretien, qui prend beaucoup de temps à administrer et difficulté à transcrire, le questionnaire peut générer d'énormes quantités de données relativement faciles à traiter. Rasinger (in ibid.) émet une note de caution : le questionnaire doit être parfait avant l'administration, parce qu'il est impossible de le modifier lors de l'administration . En d'autres termes, il est impossible de corriger les erreurs sur un questionnaire, une fois qu’il passe entre les mains du répondant. Il incombe, alors, au chercheur de s'assurer que l'outil soit plus ou moins parfait. Sur le même sujet, Blaxter, Hughes et Tight (in ibid. :194) expliquent, non sans avoir raison, que : « …..you should be able to produce a competent questionnaire, though you are

unlikely to produce a foolproof one. There will always be at leastt one question which proves to be inadequate, or which brings an indignant response ». (L'on pourrait réaliser un questionnaire très

utile, mais il est improbable que l'on réalise un qui soit parfait. Il y aura toujours au moins un item imparfait, voire fâcheux). Décrivons maintenant la structure du questionnaire à administrer.

Le questionnaire comprend trois parties. Une première partie porte sur des aspects de l'identité du répondant comme son année d'étude universitaire, son habitation, sa ville natale, son genre et son répertoire linguistique général. Elle comporte 12 questions. La deuxième partie aborde la distinction (Krashen,1981) entre l'acquisition d'une langue dans un milieu naturel, et l'apprentissage formel et scolaire. Par cette partie, nous espérons recueillir les données sur les langues acquises (c'est-à-dire, en dehors du contexte formel scolaire), les langues apprises à l'école, et les langues à cheval entre les deux modes d'appropriation. Au total, on y compte 14 questions. La partie suivante propose des paires de phrases en anglais contenant des formes verbales différentes mais dont les traductions en akan ont exactement les mêmes formes, parce qu'en akan, le contexte détermine la temporalité d'une forme verbale, et le verbe est purement aspectuel. Ici, les enquêtés seront appelés à juger si les formes verbales correspondantes sont identiques ou

différentes. Il y a 4 paires à considérer. Dans la dernière partie, nous proposons des items qui testent les compétences grammaticale et interlinguale en anglais et en français. Nous demanderons aux apprenants d'identifier les formes verbales (ou les temps verbaux) en anglais qui traduiraient le passé composé et l'imparfait, et les formes ou les temps verbaux en français qui traduisent le

present perfect, le past progressive, et le simple past. Cette partie finale contient 6 questions.

Il est à noter que le questionnaire diffère de celui que nous avons administré lors de la pré-enquête : nous y avons supprimé des questions explicites sur l'aspect parce que nous les jugeons trop techniques pour le niveau des participants prospectifs. Nous avons aussi réduit le nombre d'items qui exigent des réponses écrites, les reformulant comme des QCM avec des options ou avec des boîtes à cocher. La partie sur la comparaison des verbes L1 et ceux de l'anglais est un ajout pour tester la maîtrise souvent inconsciente du système aspectuel des verbes akan.

Les items du questionnaire sont en anglais. Le choix de langue est le fruit du souci d'éviter les incompréhension de la part des futurs participants au cas où les items seront en français d'une part. D'autre part, tout le monde n'est pas capable de lire et comprendre l'akan. De surcroît, il existe trois formes écrites de l'akan et, bien qu'elles véhiculent souvent les mêmes concepts, il n'est pas facile de lire les toutes les formes avec le même niveau de compréhension. Enfin, quelques termes techniques en français et en anglais n'auraient pas d'équivalents exacts en akan. Il en résulte que, pour composer le questionnaire en akan, l'on aurait à en construire trois copies distinctes sans compter les difficultés techniques et le problème de décodage chez la population cible.

Les données brutes du questionnaire seront codées en chiffres et analysées en employant le logiciel d'analyse statistique PSPP pour qu'elles rendent des analyses et des graphiques que nous interpréterons dans le chapitre de présentation et analyse de données. Elles offriront une perspective sur les caractéristiques sociolinguistiques de la population cible, ainsi que les niveaux de maîtrise des membres vis-à-vis des systèmes verbaux des langues impliquées dans notre enquête.

Il ne nous reste qu'à discuter la pré-enquête que nous avons menée en octobre, 2012