• Aucun résultat trouvé

Les deux concepts d'aspect et de temps verbaux sont étroitement liés sans qu'ils soient des synonymes. Puisque notre recherche regarde la comparaison des traitements vis-à-vis du temps et de l'aspect des verbes de deux systèmes linguistiques, il nous incombe de mener un examen plus ou moins profond des concepts.

1.2.1 Temps

En tant que concept, le temps verbal est lié à la notion du temps chronologique. Ils suivent tous les deux les mêmes divisions dans les langues ou le premier est représenté. Le temps se définit comme « une catégorie généralement faisant référence à

la façon dont la grammaire marque le moment où l'action que dénote le verbe s'est déroulée » (Crystal, 2008 : 479 ; notre traduction). Pour Riegel et al. (2011), le terme

français temps s'avère très ambigu, vu sa référence à la chronologie et à l'action verbale. Cette ambiguïté relève du fait qu'à la différence des autres langues qui ont deux termes

distincts pour les deux concepts, le français n'en a qu'un seul. Comrie (1985 : 9) conçoit le temps verbal (tense) comme l'expression grammaticalisée de la situation dans le temps. Notons que les concepteurs insistent tous sur les liens entre la chronologie et la situation temporelle du processus verbal. Le temps verbal, tout comme le chronologique se divise en trois grandes parties : le passé, le présent et le futur, ce dernier correspondant à l'avenir dans la chronologie. L'akan n'aurait pas de temps verbaux, bien que des efforts aient été faits d'établir des correspondances formelles entre les formes verbales en akan et celles de l'anglais. Ceci n'est guère étonnant, parce que la grammaire de l'akan a été d'abord décrite à partir du modèle classique employé par les grammairiens européens. Toutefois, l'akan, comme les autres langues, a sa façon d'encoder l'action verbale par rapport au temps chronologique. Le concept du temps verbal est beaucoup plus complexe qu'il n’y paraît, mais cette simplification est nécessaire pour une compréhension fondamentale. Ce qui nous intéresse, ce sont les valeurs aspectuelles des formes temporelles des verbes français et anglais, dans la mesure où ces valeurs déterminent comment les verbes se traduisent dans les deux langues, voire vers l'akan et de cette dernière vers les deux. Considérons donc la notion de l'aspect.

1.2.2 Aspect

L’aspect verbal, d’après Comrie (2001:3), c'est « les diverses manières de

considérer la composition temporelle interne d'une situation »4 (notre traduction). En fait, sa définition est un remaniement de celle formulée par Holt (1943), pour qui l'aspect représente les manières diverses de concevoir l'écoulement du processus même. Pour illustrer cette définition, il examine des phrases (ou énoncés) composées dans cinq langues, y compris le français, chacune comprenant une proposition principale et une proposition subordonnée complément circonstancielle de temps. Il explique que la première partie de la phrase « Jean lisait » sert de toile de fond à un événement, tandis que la deuxième parle de l’événement proprement dit. La subordonnée, en l’occurrence « (quand) je suis entré » présente la totalité de l’événement sans référence aucune à sa composition temporelle interne. C’est-à-dire que « la situation est présenté en bloc

inanalysable », donc, l’événement est considéré comme ponctuel : son commencement, son déroulement et sa fin sont traité comme étant une unité. Par contre, l’autre proposition (principale) contient une forme verbale qui présente une situation divisée en étapes sans indiquer les bornes temporelles de cette situation. En d’autres termes, elle rappelle la composition temporelle interne de la lecture que fait Jean : la lecture a déjà commencé et c’est en cours au moment que j’entre ; elle prendra fin après. Dans les termes de Comrie lui-même (ibid. :4), « la lecture de Jean et précède et suit mon entrée (notre traduction). »5 Il désigne les formes verbales qui présentent l’action ou la situation décrites sans référence à sa composition temporelle interne comme ayant l’aspect perfectif et les autres formes comme ayant l’aspect imperfectif. Expliquant autrement la distinction entre le perfectif et l’imperfectif, il note que l’aspect perfectif considère globalement la situation de dehors, sans disséquer la structure interne de la situation (c’est-à-dire, par rapport à son développement dans le temps), alors que l’aspect imperfectif se situe à l’intérieur de la situation. Ainsi, l’aspect imperfectif permet d’envisager les détails de la situation, tels que son commencement et sa fin, voire d’envisager une situation comme interminable si approprié. Nous tirons cette analogie pour exposer notre conception de la distinction : supposons que nous avons deux oeufs : l’un est entier et intact : la coquille, la membrane, etc. non endommagées, l’autre, soigneusement découpé de façon longitudinale en deux. La considération du premier est semblable à l’aspect perfectif ; celle du deuxième, l’aspect imperfectif. Il est à noter que la dichotomie perfectif/imperfectif n’est pas objective : l’application de l’un dans une situation d’énonciation n’exclut aucunement l’emploi de l’autre dans la même situation, comme le note Comrie (op. cit.). Considérons les trois phrases suivantes :

Jean a ligoté le bouc cet après-midi. La pluie est tombée cet après-midi.

Jean ligotait le bouc quand la pluie tombait ; il luttait donc avec la bête pendant 5 minutes sous la pluie.

Les deux premières phrases contiennent des verbes relevant de l’aspect perfectif : la situation et l’action décrites par les verbes dans 2 et 1 respectivement sont présentées

comme des blocs inanalysables. Aucune référence n’est faite à leur composition temporelle interne. Les mêmes événements sont repris dans la troisième phrase mais cette fois comme des événements simultanés qui durent. Comme ce sont des verbes à l’aspect imperfectif, ils décrivent les événements comme ayant des composantes internes temporelles sur un continuum temporel

1.3 Traduction et apprentissage des langues étrangères