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Variations des concentrations et des proportions en sucres, en acides

PARTIE III : RESULTATS ET DISCUSSION

I. L’effet de l’alimentation en sucres sur la biosynthèse des caroténoïdes

I.2. En fonction de différents stades de développement des fruits

I.2.2. Variations des concentrations et des proportions en sucres, en acides

considérés

Le traitement avec une charge en fruits élevée appliquée après la chute physiologique des fruits a induit une augmentation de la concentration en caroténoïdes totaux et en acides organiques totaux que le traitement soit appliqué par défoliation ou par ombrage. La concentration en sucres totaux présente une tendance différente puisqu’elle diminue lorsque le traitement est appliqué par défoliation par rapport au témoin (Figure 36).

La concentration en sucres totaux est plus faible de 18,2% pour le traitement obtenu par défoliation par rapport au témoin (Figure 36A). La diminution de la concentration en saccharose (-23,9%) peut expliquer, en partie, cette diminution. La concentration en acides organiques totaux est plus élevée de 46,3% et de 28,4%, respectivement pour les traitements obtenus par défoliation et ombrage par rapport au témoin (Figure 36B). Ces différences sont attribuables, en partie, à l’augmentation de la concentration en acide succinique (49,6%) dans le traitement obtenu par ombrage. En ce qui concerne, le traitement obtenu par défoliation, ces différences sont attribuables, en partie, à l’augmentation des concentrations en acide oxalique (6,8%), en acide ascorbique (64,6%), en acide citrique (15,5%) et en acide succinique (63%). Quant à la concentration en caroténoïdes (Figure 36C), elle est plus élevée de 50,2% et de 17,8%, respectivement

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Tableau 13: Pourcentages des différentes molécules de caroténoïdes, de sucres et d’acides organiques, respectivement, en fonction de la méthode utilisée (défoliation ou ombrage) pour une charge en fruits élevée appliquée précocement, après la chute physiologique du fruit. Les données présentées sont des moyennes ± des erreurs standard. Des lettres différentes (a, b, c) indiquent des différences significatives entre les traitements pour un même composé (α=5%).

Charge en fruits élevé Témoin (Charge en fruits faible)

108 pour le traitement obtenu par défoliation et par ombrage par rapport au témoin. Dans le traitement obtenu par défoliation, tous les caroténoïdes suivent le même profil. Le composant majoritaire est la β-cryptoxanthine, qui est 41,2% plus élevée par rapport au témoin. Les autres caroténoïdes, le phytoène, le phytofluène, le ζ-carotène, la cis-violaxanthine, la zéaxanthine, la cis-anthéraxanthine, la cis-β-cryptoxanthine ont augmentés entre 18,6 et 196,5% selon les composés par rapport au témoin. Dans le traitement obtenu par ombrage deux caroténoïdes à eux seuls, le phytoène et la zéaxanthine expliquent l’augmentation de la concentration en caroténoïdes, avec une concentration plus élevée de 42,3% et de 31% par rapport au témoin, respectivement.

Les fortes charges en fruits obtenues par défoliation n’affectent pas uniquement la concentration en sucres, en acides organiques et en caroténoïdes, mais également leurs proportions respectives (Tableau 13).

Il y a proportionnellement plus de fructose (4,9%), plus de glucose (15,8%) et moins de saccharose (-6,7%) dans le fruit soumis à une charge en fruits élevée obtenue par défoliation par rapport au témoin. Alors que la proportion d’acide succinique est plus élevée (11,3%), l’acide citrique est plus faible (-20,3%) par rapport au témoin. Les concentrations relatives en caroténoïdes ont également été affectées. Les caroténoïdes en aval de la voie de biosynthèse, tels que la β-cryptoxanthine, la cis-anthéraxanthine, et la cis-violaxanthine sont en proportions réduites (-6,3%, -16,3% et -21,1%, respectivement), à l’exception du β-carotène (+20,6%), tandis que les caroténoïdes du début de la voie, tels que le phytoène, le phytofluène et le ζ-carotène, sont en plus grandes proportions (29,3%, 86,4% et 90,7%, respectivement).

Nos résultats sur la concentration en sucres, en acides organiques et en caroténoïdes montrent, tout comme la première étude, que la charge en fruits, qu’elle soit appliquée par défoliation ou par ombrage après la chute physiologique des fruits, a un impact positif sur les critères de qualité du fruit, et plus particulièrement sur la concentration en caroténoïdes.

Deux idées majeurs pourraient être utilisées pour interpréter nos résultats : I) la théorie de l’équilibre entre les mécanismes de différenciation et de croissance (GDBH); et II)

Partie III : Résultats et discussion

109 l’hypothèse selon laquelle la capacité de stockage régulerait la biosynthèse des caroténoïdes.

La théorie déterministe de l’équilibre entre les mécanismes de différenciation et de croissance (GDBH) prédit qu’en condition de faibles ressources carbonées, les plantes allouent en priorité leurs ressources à la synthèse de métabolites secondaires au dépens de la croissance (Herms et Mattson, 1992; Lorio, 1986). Si l’on prend en considération, les résultats obtenus par l’application d’un traitement précoce dans le développement des fruits, ils sont en accord avec cette hypothèse. Il n’en va pas de même, si l’on prend en considération l’ensemble de nos résultats. En effet, si l’on suit les prédictions de la GDBH, on devrait observer un effet positif sur la concentration en métabolites secondaires et un effet négatif sur le calibre du fruit chez les fruits soumis à une charge en fruits élevée appliquée au mois de septembre, puisque la croissance du fruit de clémentine n’est pas terminée à ce stade (Bain, 1958; Spiegel-Roy et Goldschmidt, 1996). La théorie de la GDBH a été surtout testée par des études sur l’effet de l’alimentation azotée sur la concentration en composés phénoliques. Les résultats obtenus sur la tomate (Hoffland et al., 2000; Stewart et al., 2001;

Stout et al., 1998), et sur d’autres cultures (Cartelat et al., 2005; Cipollini et al., 2002;

Haukioja et al., 1998) ont montré une corrélation négative entre la concentration en composés phénoliques et la croissance dans des conditions de faibles apports d’azote, dans les feuilles. Ces observations indiquent que les feuilles et les fruits ne se comportent pas de la même façon et que la théorie de la GDBH n’est probablement pas pertinente pour des organes de réserve comme des fruits. Cette idée est corroborée par les travaux de Bénard et al. (2009) qui ont montré, chez la tomate soumise à une privation d’azote, une accumulation des composés phénoliques dans les feuilles conforme aux prévisions de la GDBH, mais pas dans les fruits.

L’idée selon laquelle la voie de biosynthèse des caroténoïdes serait régulée à travers la capacité de stockage des plastes est cohérente avec nos résultats. En effet, plusieurs études ont montré que l’augmentation de la concentration en caroténoïdes est liée au nombre et à la taille des plastes présents chez la tomate (Bino et al., 2005; Cookson et al., 2003). Ces études ont été complétées par une analyse des gènes impliqués. Kolotilin et al. (2007) ont observé que l’expression des gènes impliqués dans les voies de biosynthèse des caroténoïdes, de la chlorophylle et de la photosynthèse sont exprimés plus fortement au

110 même moment que l’expression des gènes dirigeant la biosynthèse des plastes. Chez les agrumes, les plastes, sont capables de se diviser et d’augmenter leur capacité de stockage des caroténoïdes (Kolotilin et al., 2007) lors des étapes de division et de grossissement cellulaire (Tadeo et al., 2008). Ces observations sont en accord avec nos résultats qui montrent une augmentation de la concentration en caroténoïdes lorsque la charge en fruits est augmentée de façon précoce. Il a également été montré que les chloroplastes étaient capables d’un plus grand nombre de division que les chromoplastes (Kuroiwa et al., 1998), ce qui expliquerait l’absence de différences dans les concentrations en caroténoïdes lorsque le statut carboné est modifié au moment de la conversion des chloroplastes en chromoplastes, et après. Cependant, il est indispensable de réaliser des études supplémentaires pour caractériser ces mécanismes chez les agrumes afin de conclure sur le rôle éventuel de la variation de la taille et du nombre de plastes sur la synthèse des caroténoïdes.

I.2.3. Conclusion

Nos résultats ont montré l’impact négatif d’un faible apport en sucres sur la croissance et son impact positif sur la biosynthèse des métabolites secondaires lorsque la charge en fruits est modifiée précocement au cours du développement du fruit. Des études supplémentaires seront nécessaires pour tester l’hypothèse selon laquelle la concentration en caroténoïdes serait déterminée indirectement par le nombre et la taille des plastes nécessaires au stockage des caroténoïdes. Il serait également intéressant d’étudier la manière dont l’alimentation carbonée influence le nombre de plastes par cellule et leur taille.