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Les variables susceptibles d’intervenir dans l’estimation d’un prix complexe

III. Les prix complexes : un biais d’estimation presque systématique, pourquoi ?

III.2. Les variables susceptibles d’intervenir dans l’estimation d’un prix complexe

Selon la littérature, les variables inhérentes au prix complexe et pouvant intervenir dans son estimation sont au nombre de trois : 1) le montant relatif de la surcharge, 2) format de la surcharge 3) et le nombre de composantes

III.2.1. Montant relatif de la surcharge

S’intéressant à l’effet des prix complexes (et plus spécifiquement des prix partitionnés) sur le traitement cognitif sur Internet, Xia et Monroe (2004) ont trouvé que lorsque la surcharge présentait un montant inférieur au prix du produit de base, les internautes ont tendance à traiter heuristiquement l’information liée à la surcharge (voire l’ignorer). En revanche, lorsque la surcharge est supérieure au prix de base, l’information est traitée avec plus de rigueur. Ceci revient principalement à une « curiosité » de la part du consommateur quant à cette répartition inhabituelle du montant total de l’achat entre les différentes composantes (car habituellement c’est le produit principal qui coûte plus cher que la surcharge).

III.2.2. Format de la surcharge

En 1998, Morwitz, Greenleaf et Johnson ont montré qu’une surcharge montrée en pourcentage du prix de base (vs une surcharge montrée en unités) 1) incite les consommateurs à utiliser des stratégies d’ancrage et d’ajustement voire même à ignorer la surcharge (en raison de l’effort cognitif nécessaire plus important), 2) il est plus probable qu’ils mémorisent un prix total inférieur au prix effectif et 3) leur demande sera supérieure du fait du sacrifice perçu illusoirement inférieur au prix réel.

III.2.3. Le nombre de composantes

Selon Carlson et Weathers (2008), l’accroissement du nombre des composantes devrait accroître la difficulté de traitement de l’information prix, ce qui conduirait à une mauvaise estimation du prix total d’autant plus importante que le nombre de composantes est élevé, notamment dans le cas où le prix n’est pas explicitement indiqué. Ils avancent que dans ce cas, il y a intervention de l’heuristique de numérosité : quand il n’est pas facile d’établir le montant total de la transaction, les consommateurs peuvent se baser sur le nombre de composantes pour l’évaluer ; plus il y a de composantes, plus le montant sera considéré

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comme important. Ainsi, la numérosité peut être une base erronée de jugement (Lalwani et Monroe 2005) d’autant plus qu’elle engage moins d’effort que l’ancrage et l’ajustement. En revanche, si le prix total est clairement indiqué, un nombre élevé de composantes devra conduire à la sous-estimation du prix total : dans ce cas c’est un phénomène d’ancrage et d’ajustement qui l’emporte.

III.2.4. L’attention et la mémoire : les deux modulateurs de l’estimation d’un prix complexe et rôle de la saillance

Si certaines recherches ont affirmé l’imprécision liée à la perception des prix simples (e.g. Compeau et Grewal 1998, Grewal 1998), la difficulté liée à la perception des prix complexes est, de toute évidence, plus accentuée (Kim et Kachersky 2006).

Kim et Kachersky (2006) ont trouvé que la saillance du prix influence particulièrement sa perception dans le cas où il est constitué de plus d’une composante. Pour appuyer leur thèse, ils se sont penchés sur les travaux en psychologie cognitive et en comportement du consommateur pour déterminer les composantes de la saillance : l’attention et la mémoire. La composante de l’attention est intimement liée à la définition de la saillance comme citée dans Larousse. Taylor et Thompson (1982) différencient la saillance de la vivacité en la décrivant comme la situation où l’attention d’une personne est disproportionnellement accordée à un seul aspect par rapport à d’autres.

D’autres définitions de la saillance mettent en exergue la mémoire. Tversky et Kahneman (1974) témoignent que l’information saillante est celle qui vient à l’esprit en premier. Entman (1993) décrit la saillance comme le processus par lequel la probabilité de stockage d’une information dans la mémoire augmente. Dans ce qui suit, nous présentons une typologie de la saillance telle que proposée par Kim et Kachersky (2006).

Les dimensions de la saillance du prix

Kim et Kachersky (2006) dénombrent quatre dimensions de la saillance :

- la saillance visuelle : l’information visuellement saillante facilite son acquisition et l’attention. Par exemple, Keller et Block (1997) ont trouvé que l’effet de l’information visuellement saillante est plus important sur la persuasion. Dans le domaine de la grande distribution, il a été montré que les prix visuellement saillants sur les étalages augmentent la conscience du prix chez les consommateurs

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(Miyazacki and al. 2000). Il en résulte que l’information visuellement saillante capte plus facilement l’attention et simplifie le traitement de l’information. Dans le cas d’un prix complexe, les consommateurs seront plus incités à accorder de l’attention à la composante la plus saillante qu’à l’ignorer (Kim et Kachersky 2006).

- la saillance sémantique : dans le contexte des prix complexes, elle se réfère aux variations de la communication du prix plutôt qu’à sa valeur réelle (Estelami 2003). On distingue la saillance numérique (montant de la différence indiqué en unité monétaire ou en pourcentage du prix) et la saillance descriptive (il existe un effet significatif lorsque la description d’un frais a un caractère nouveau et/ou abstrait ; c’est le cas, par exemple, de certains frais bancaires. En particulier, la nouveauté à elle seule peut rendre un stimulus plus saillant dans la mesure où elle déclenche aussi bien l’attention que la mémorisation (Lynch et Srull (1982)).

- La saillance comptable : elle est inversement liée à la complexité calculatoire. En particulier, les prix dont le calcul se fait sur la base de l’usage ou de la consommation (les télécommunications, les frais bancaires etc…) nécessitent un effort conséquent car leur estimation se fait sur la base d’une probabilité de distribution de l’usage. Les consommateurs vont donc ignorer ces calculs complexes en les remplaçant par des heuristiques. In fine, le consommateur prendra en compte les composantes faciles à calculer et ignorera celles qui ne le sont pas (Estelami 2003).

- Saillance de la grandeur : principalement, les recherches montrent qu’un prix devient plus saillant s’il est directement lié à l’usage (prenons l’exemple d’un club de sport : un prix par séance est plus saillant qu’un prix forfaitaire par mois (Prelec et Loewenstein 1998). Aussi, la magnitude d’une réduction par rapport au prix de base intervient dans la saillance de celle-ci (par exemple, on préfère une réduction de 5 euros sur un produit coûtant 10 euros que sur un autre coûtant 30 euros). Par ailleurs, la perception du temps peut influencer la saillance de la grandeur dans la mesure où une dépense importante mais dans un futur lointain est moins saillante qu’une petite dépense immédiate (Shefrin et Thaler 1988, Thaler 1999).

La conclusion majeure qui émerge de ces travaux en rapport avec l’estimation des prix complexes est la présence indéniable d’un biais chez le consommateur. Ce dernier est le résultat de processus cognitifs plus ou moins élaborés néanmoins nécessaires pour le calcul

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d’un prix complexe. En dépit de son intérêt, nous précisons que notre recherche ne porte pas sur cet aspect d’estimation (biais, processus cognitifs…) pour deux principales raisons :

- il s’agit d’un aspect qui a été largement, voire le plus investigué dans le cadre des prix complexes ;

- aussi, nous estimons que ceci a eu lieu aux dépens d’autres aspects liés à la perception de la présentation des prix complexes : dans le cadre de ce travail, nous dépassons l’aspect estimation pour nous concentrer sur les dimensions attitudinales de la présentation des prix complexes.

La section suivante est l’occasion de présenter une synthèse des variables qui interviennent dans la perception des prix complexes, ce qui permettra par la suite de mettre en évidence la nécessité et la pertinence d’une approche sociale par la justice.

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