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C OMPLEXE SUR SA J USTICE P ERÇUE

I. la perception de l’annonce d’un prix complexe

I.1. La perception d’un écart entre le prix attendu et le prix effectif et la perception d’une intention de manipulation

Une supposition nécessaire au concept du prix attendu sous entend que les consommateurs, en réaction à un prix proposé, ont recours aux contextes passé et présent afin de définir un niveau d’adaptation (i.e. le prix attendu), et les stimuli liés au prix sont perçus en relation avec ce niveau d’adaptation (Helson 1964). Cette conceptualisation de la manière avec laquelle les consommateurs utilisent les prix pour effectuer leurs choix est soutenue par la théorie du prospect de Kahneman et Tversky (1979) : selon cette théorie, « l’appareil perceptuel est lié à l’évaluation des changements plutôt qu’aux grandeurs absolues… un objet ayant une température donnée peut être considéré comme chaud ou froid au toucher selon la température à laquelle on est adapté ».

En plus du prix attendu, on distingue d’autres notions du prix qui sont utilisées par le consommateur en tant que référence d’évaluation tels que « le prix juste » (Kamen et

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Toman 1970, Thaler 1985), « le prix d’aspiration » et « le prix listé » (Klein et Oglethorpe 1987). Dans la plupart des cas, le prix attendu devrait coïncider avec le prix juste. Lorsque les deux sont différents (tel que pour les parfums où le prix juste est inférieur au prix attendu), les consommateurs sont supposés recourir au prix attendu (i.e., prix juste) pour effectuer leurs jugements (Kalwani et al 1990).

L’étude de la symétrie des réponses du consommateur aux deux types d’écarts (positif et négatif) du prix attendu par rapport au prix effectif est motivée empiriquement par le fait que la réaction à une augmentation du prix peut différer de celle à sa diminution. Uhl et Brown (1971) ont prouvé que les consommateurs sont plus sensibles à une augmentation du prix. Une thèse contraire a été soutenue par Bultez (1975) dans le cas où les consommateurs sont fidèles à leurs marques : une augmentation du prix n’a pas d’influence significative sur les ventes, en revanche une diminution du prix déclenche un phénomène de « forward- buying » (i.e. approvisionnement). Finalement, si l’on conçoit les écarts positifs et négatifs comme des pertes et des gains perçus, la théorie du prospect (Kahneman et Tversky 1979) suppose que la réaction à un écart positif du prix (perte) serait plus importante que celle à un écart négatif (gain).

Dans la continuité des recherches s’intéressant aux réactions des individus face à des évènements inattendus, Festinger (1957) intitule la détresse qui en résulte la dissonance cognitive : il s’agit d’un sentiment inconfortable résultant de la non-conformité de la réalité avec les croyances passées, entre autres les normes. Cet inconfort pousse les individus à trouver une solution, l’intensité de la motivation étant dépendante de la magnitude de la dissonance.

Les résultats de l’étude qualitative exploratoire confirment cette tendance : face à une différence entre le prix initialement prévu (i.e., déduit de l’annonce du prix) et le prix à payer, les répondants expriment une détresse qui se manifeste à travers des états psychologiques différents tels que la fureur, l’étonnement, l’intrigue, la déstabilisation ou la déception. Cet état de détresse correspond à une instabilité face à la violation de la norme « le prix doit correspondre à ce qu’on attend : comment il est déterminé, comment il est présenté, doit correspondre aux attentes » (Maxwell, 2008).

Dans le cadre des prix complexes, Romani (2006) montre que les différentes présentations visuelles sont évaluées par les consommateurs selon deux dimensions : la clarté et la complétude. Ces deux dimensions entraînent l’assignation d’un caractère trompeur à l’annonce : une annonce trompeuse est préalablement perçue comme non suffisamment

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L’hypothèse relative à la perception de l’annonce d’un prix complexe

H1 : Quand certaines informations prix ne sont pas saillantes ou présentées séquentiellement (vs présentation complète), l’information prix est perçue comme incomplète (vs. L’information prix est perçue comme complète)

H2 : Quand certaines informations prix ne sont pas saillantes ou présentées séquentiellement (vs présentation complète), l’information prix est perçue comme non claire (vs. L’information prix est perçue comme claire)

claire et/ou incomplète. Les entretiens effectués auprès des consommateurs lors de la phase qualitative de notre recherche montrent clairement la présence de ces qualifications lors de la description de leurs expériences. Le manque de clarté et l’incomplétude présentent des qualificatifs adéquats pour des annonces jugées trompeuses et inefficaces.

Nous nous proposons de tester les hypothèses relatives à la qualification des annonces d’un prix complexe comportant l’une des deux dimensions de présentation visuelle objet de notre recherche, donnant lieu aux hypothèses H1 et H2 :

La perception d’une intention de manipulation

Campbell (1995) définit la perception d’une intention de manipulation comme « les inférences du consommateur que l’annonceur tente de le persuader par des moyens inappropriés, injustes ou manipulateurs ». Afin de mettre en évidence l’effet de telles pratiques sur la perception des consommateurs, Campbell (1995) a supposé que les consommateurs font un arbitrage entre leurs investissements/bénéfices et ceux de l’annonceur, y incluant même les caractéristiques de l’annonce. Font partie de ces caractéristiques l’investissement nécessaire pour comprendre le prix à sa juste valeur. Des recherches antérieures à celle de Campbell (1995) ont avancé ce même résultat (e.g., Kirmani 1990, Kirmani et Wright 1989). Nous pouvons considérer donc que la présentation visuelle du prix complexe peut intervenir dans la perception d’une intention de manipulation, particulièrement lorsqu’il y a une différence perçue entre le prix affiché et le prix à payer effectivement.

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Lors de sa recherche, Romani (2006) a inféré que des annonces claires et/ou incomplètes sont perçues comme trompeuses, notons toutefois qu’elle a effectué la phase qualitative de sa recherche sur la base d’une sélection d’annonces jugées comme trompeuses par l’Autorité Italienne de Concurrence, et n’a pas mesuré directement le caractère trompeur des messages auprès des consommateurs.

Du coté de notre recherche qualitative, il était sans peine de détecter cette tendance à partir des entretiens effectués : dans un état de détresse face à une différence entre le prix affiché et celui à payer, les répondants ont noté qu’ils réagissent en essayant de trouver la raison de cette hausse de prix. Dans le cas précis de l’affichage du prix, cette action est généralement attribuée à l’entreprise, et une intention de manipulation peut être inférée.

Les hypothèses H3 et H4 ont pour finalité de mettre ces suppositions à l’épreuve :

Les hypothèses relatives aux effets de la présentation du prix complexe sur la perception d’une intention de manipulation de la part du vendeur

H3: Quand certaines informations prix ne sont pas saillantes (vs sont toutes saillantes), il y a perception d’une intention de manipulation de la part du vendeur (vs. il n’y a pas de perception d’une intention de manipulation de la part du vendeur)

H4 : Quand certaines informations prix sont présentées après le premier affichage du prix (vs. toutes les informations prix sont présentées au premier affichage du prix), il y a perception d’une intention de manipulation de la part du vendeur (vs. il n’y a pas de perception d’une intention de manipulation de la part du vendeur)

La figure 6 représente les quatre premières hypothèses ainsi formulées.

Figure 6 – Effets de la présentation d’un prix complexe sur la perception de l’annonce du prix

H1 H3, H4 H2 Présentation visuelle de l’information -prix : Saillance Séquentialité Perception d’une intention de manipulation Clarté Complétude

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II. Les effets de la présentation du prix complexe sur la justice distributive perçue du