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Q UELS A PPORTS POUR LES P RIX C OMPLEXES ?

S ECTION 1 : F ONDEMENTS ET C ONCEPTS DE LA J USTICE P ERÇUE

I. Les fondements théoriques de la justice perçue

I.2. L’évaluation de la justice

Depuis le début des années 1960 et jusqu’aux années 70, la recherche en psychologie s’intéressant à ce qui qualifie une allocation des ressources comme juste ou équitable, tendait à être dominée par le principe de l’équité psychologique (Adams (1965), Homans (1974), Leventhal et Anderson (1970), Walster et al. (1973), Walster et Walster (1975)). Le concept d’équité a été largement étudié par les spécialistes en psychologie (Anderson (1976), Cook et Emerson (1978), Harris (1976), Lerner, Miller et Holmes (1976)…). La plupart des théories sont plutôt générales ne distinguant pas l’équité comme une dimension de l’évaluation d’un résultat par rapport à d’autres dimensions. A ce titre, depuis la fin des

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années 70 et jusqu’aux années 80, certains chercheurs ont exprimé leur désaccord par rapport à la prédominance du concept d’équité comme principe unique de la justice distributive : le principe de l’équité ne représente qu’une dimension de la justice et non nécessairement la plus importante. Les principes antagonistes les plus débattus sont l’égalité et le besoin (Wagstaff et Graham (1994)). De ce fait, quelques études se sont intéressées à cette distinction (Messick et Sentis (1983), Cohen (1987), Hochschild (1981), Lerner et Lerner (1981), Mikula (1980)). Dans un premier temps, nous présentons chaque principe tel qu’il a été traité en psychologie sociale, suivi, dans un second temps, d’un aperçu des choix opérés pour chacun des trois principes (i.e., équité, égalité et besoin).

I.2.1. La norme de l’équité

Bien que les théoriciens de la justice ne sont pas unanimes quant à la description du principe d’équité, il existe un consensus tacite sur sa formulation (Harris 1980, 1983). La proposition centrale du principe de l’équité telle que proposée par Adams (1965) se présente de la façon suivante :

Résultats A Résultats B Inputs A = Inputs B

Selon cette formule, l’individu qui établit le jugement d’équité décide des inputs nécessaires à la détermination du résultat. Il calcule ensuite la valeur, positive ou négative, de chaque input. Après en avoir fait la somme, il la divise par la somme des résultats obtenus. Un calcul similaire est effectué pour les résultats et les inputs du référent de comparaison. Si les deux ratios sont égaux, la relation est équitable.

Cette proposition basique de la norme de l’équité est claire et parcimonieuse, par opposition à d’autres normes en sciences sociales. En conséquence, cette proposition basique a généré une recherche abondante (e.g. Adams et Freedman 1976). Les contextes dans lesquels la norme de l’équité a été testée, ont montré la force de son pouvoir explicatif : elle explique la majeure proportion des perceptions de la justice.

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I.2.2. La norme de l’égalité

L’égalité se trouve au cœur du concept de la justice. Les chercheurs qui s’y sont intéressés ont fait la distinction entre plusieurs niveaux d’égalité, en fonction de l’objet sur lequel elle porte : l’égalité du résultat, l’égalité du résultat par unité d’entrée, l’égalité du résultat au dessus d’un niveau minimum (Komorita et Karvitz 1979), l’égalité du profit psychologique lors d’un échange (Cook et Emerson 1978), l’égalité procédurale ou l’égalité dans l’application des règles et des procédures (Thibault et Walker 1975), l’égalité des opportunités…. C’est surtout l’objet sur lequel porte l’égalité qui conditionne la perception de la justice des échanges et non simplement l’égalité vs inégalité.

Les évaluations des normes de l’équité et de l’égalité sont entachées par la subjectivité de leurs émetteurs. Cette subjectivité revient principalement à trois raisons :

- la première raison se rapporte à l’information disponible pour émettre un jugement d’équité ou d’égalité : si un individu peut avoir un accès direct à ses états psychologiques (coûts, profits psychologiques, satisfaction etc.…), il ne peut que faire des inférences sur les états d’autrui, et ce à partir de leurs comportements, déclarations… En conséquence, il existe une asymétrie fondamentale dans l’aptitude à établir le jugement d’égalité

- La deuxième raison se présente comme suit : l’individu n’a pas un accès complet à ses propres « charges » subjectives ; elles peuvent être mal représentées. A titre d’illustration, si l’on prend le modèle d’Adams (1965), un individu peut sous- représenter le ratio inputs/outputs afin de justifier une réclamation de profits plus élevés et/ou de coûts moins importants. De même, il peut surestimer le ratio de la partie adverse.

- Enfin, la troisième raison revient à la suspicion14 des comportements des autres : en effet, comme un individu peut être tenté de sous-estimer ou surestimer les différents ratios selon son propre intérêt, il pourrait suspecter un comportement identique chez la partie adverse.

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Dans notre recherche, nous avons pris en compte ce biais, il s’agit de la variable scepticisme aux pratiques marketing.

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I.2.3. La norme du besoin

D’autres chercheurs en psychologie sociale, comme Deutsch (1975), ont prôné la prise en compte des individus en situation de nécessité lors de l’application de la justice. Selon la norme du besoin, la société doit prévoir un traitement particulier pour les personnes désavantagées, afin que tous les individus aient au moins les moyens de survivre. Les normes de l’équité ou de l’égalité peuvent s’avérer insuffisantes pour assurer cette condition. Lamm et Schwinger (1981) ont défini des situations dans lesquelles la norme du besoin est particulièrement nécessaire : ils proposent qu’en présence de deux personnes ayant contribué de la même façon en vue de recevoir une rétribution, le principe d’équité (et de la même façon celui d’égalité) prescrivent des allocations égales afin d’assurer la justice. Néanmoins, si ces deux personnes présentent des besoins différents (ayant des intensités différentes), l’allocateur devrait faire le choix entre trois possibilités : respecter les deux principes d’équité et d’égalité, respecter le principe du besoin, ou trouver un compromis entre ces deux choix. Lamm et Schwinger (1981) précisent que la prise en compte du principe du besoin dépend de deux facteurs : les relations interpersonnelles et le lieu causal du besoin.