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Le rôle des variables individuelles et des variables liées à l’entreprise/secteur 1 Le rôle des variables individuelles

II. Les effets des dimensions de la présentation des prix complexes sur la justice perçue du pr

II.2. Le rôle des variables individuelles et des variables liées à l’entreprise/secteur 1 Le rôle des variables individuelles

L’analyse du discours des répondants confirme l’existence de différences individuelles qui conditionnent la perception de la justice perçue suite à une différence entre le prix affiché et le prix à payer. En effet, les questions sur les expériences des répondants avec les opérateurs de téléphonie mobile et de l’achat de billets d’avion via Internet, intégrées dans le guide d’entretien, ont permis d’identifier deux catégories de clients qui se distinguent en fonction de leur perception générale des pratiques marketing :

§ La première catégorie correspond aux répondants pour lesquels l’idéologie du marketing est à rejeter dans son intégralité ou, du moins, ont des réserves par rapport aux pratiques des commerçants sur Internet (« je n'aime pas m'y intéresser […] je n'aime pas tomber dans les pièges du marketing […] je n'aime pas être considérée comme un consommateur classique[…] on sait que tout est standardisé, rien n'est individualisé, on n'est qu'un numéro client » F, 55, « je n'aime pas me faire avoir, les conseillers clients sont là pour nous faire acheter plus rien d'autre […] je ne suis pas un consommateur mouton […] j'essaye de détecter et d'évaluer leurs tactiques de communication de prix […] ils (service clientèle) sont formés pour rediriger les clients vers quelqu'un d'autre et non pour répondre aux questions, c'est leur job […] j'ai besoin d'être imperméable pour mon équilibre psychologique, une forme de suffisance […] je suis comme ça pour tous les produits de consommation courante: je ne fréquente jamais les magasins, je suis un très mauvais client de point de vue marketing; ces gens là m'énervent », H, 30). Cette attitude a des répercussions intéressantes sur la relation avec l’entreprise (« je fais attention pour ne pas tomber dans leurs pièges », « je pense qu'on est de mauvais clients de Bouygues, on ne fait pas de dépassements, on suit la consommation, on va souvent les voir pour poser des questions si on remarque une chose qui ne va pas », « jamais on ne fait de dépassements », « je n'aime pas entrer

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Pour un examen approfondi de l’approche de la justice relationnelle dans le cadre particulier du traitement des réclamations, voir les travaux de Sabadie et al. (2006)).

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dans ce genre de relations très commerciales », « si je trouve des gens qui peuvent le faire à ma place, je suis content », « c'est ma femme qui regarde la facture », « je ne m'occupe que d'Internet parce que je m'en sers », « ça nous évite de payer deux téléphones et de limiter les consommations », « je n'ai pas un besoin impassible du téléphone », « ma relation avec le téléphone est très rationnelle et la plus distanciée possible », « le mieux c'est de leur donner le moins d'argent possible d'autant plus que le téléphone n'est pas très important pour moi », « je ne m'intéresse pas à leurs messages » , « une fois que je maîtrise ce contrat et que je deviens attentif à leurs messages, je deviens très réceptif, très impliqué et j'entre dans le jeu du consommateur fidèle », « moi je n'ai pas envie de ça, déjà qu'ils se grattent sur notre dos, ça suffit », « je fais exprès de ne pas être attentif à tous leurs messages pour devenir imperméable d'autant plus que je deviens moins intéressant pour l'opérateur », « je ne m'intéresse pas à leurs messages » H, 30 ; « Les agences de voyage disent ne pas savoir les frais liés au billet alors que c’est du pipeau, ils les maîtrisent parfaitement… mieux encore, ils veulent nous faire croire qu’ils sont généreux en nous offrant une soi-disant remise, fictive si l’on voit comment ils s’engraissent avec les frais supplémentaires » F, 40 ; «Comme par hasard, chez Eaysjet, payer avec visa coûte cher..alors qu’ils savent pertinemment que la plupart des gens ont des visas », H, 28). Nous avons constaté que les répondants de cette catégorie sont moins tolérants à des différences entre le prix affiché et le prix à payer.

§ La deuxième catégorie correspond aux répondants qui n’ont pas de « position particulière » vis-à-vis des pratiques marketing et ont généralement des réactions « normales » face à un écart entre le prix attendu et le prix à payer. Un exemple de ces réactions peut être le lancement d’une réclamation (« mais en les grondant ils me remboursent », « en cas de problème, généralement je les appelle […] je fais semblant d’être furieux en appelant le service clientèle mais réellement je ne le suis pas , les choses sont là, j’essaie de gérer, je ne laisse pas ça altérer ma vie […] pour avoir son droit il faut appeler sinon on ne peut rien avoir » H, 33, « finalement on est tous des humains et le risque d’erreur est probable aussi bien de mon coté que du leur » F, 55)

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Ces deux catégories binaires peuvent être rapprochées d’une variable qui a été largement étudiée dans la littérature marketing : il s’agit du scepticisme des consommateurs face aux pratiques marketing, variable issue du Modèle de la Connaissance de la Persuasion de Friestad et Wright (1995). Nous discuterons cette variable lors de la section suivante.

II.2.2. Le rôle de l’entreprise/secteur et de la situation

A travers cette étude, nous avons identifié deux types de modérateurs liés au rôle de l’entreprise/situation : (1) l’image du secteur et/ou l’effet de la situation et (2) la relation existante entre le consommateur et l’entreprise.

L’image du secteur et effet de la situation

Nous avons pu remarquer que la perception du répondant de sa propre position par rapport à celle de l’entreprise intervient en tant que modérateur de l’effet de la perception d’une intention de manipulation sur la justice perçue du prix. Cet effet est d’autant plus accentué lorsque le consommateur se sent vulnérable face à l’entreprise. (« on sait bien qu'ils ont des ententes sur les tarifs […] il n'y a pas de concurrence, il y a un oligopole, c'est très juteux pour chacun d'entre eux […] ils savent pertinemment que les clients vont retourner parce qu'ils n'ont pas trop le choix […] ils ne se cassent pas la tête à vouloir fidéliser les clients […] je ne suis pas totalement imperméable à leurs abus car j'ai besoin du téléphone »,F, 24 ; « il y a de l'injustice, mais j'en ai besoin je n'ai pas le choix », F, 29). L’oligopole sur le marché, la captivité des clients… représentent autant de facteurs qui renforcent le sentiment de vulnérabilité chez les consommateurs et créent en conséquence une perception plus accentuée d’injustice. Les travaux sur la mutualité des droits de Kahneman et al (1986) ont mis en relief cet aspect.

De plus, nous avons constaté lors des entretiens avec les répondants ayant eu une expérience avec les marchands de voyage sur Internet, que certaines situations les rendaient plus fragiles vis-à-vis de l’entreprise (« j’étais obligée de partir ce jour-là, je n’avais pas le choix, du coup j’ai acheté le billet même si j’étais furieuse contre la façon avec laquelle ils ont présenté l’offre, j’étais amère », F, 25).

120 La relation entre le consommateur et l’entreprise

A partir de l’analyse du discours des répondants, nous avons pu constater que la relation entre le consommateur et l’entreprise joue un rôle dans l’effet de la perception d’un écart entre le prix affiché et le prix à payer sur la justice perçue du prix. Les répondants qui entretiennent une relation de confiance avec leur entreprise perçoivent moins d’injustice du prix dans le cas d’un écart entre le prix affiché et le prix à payer que ceux qui ne le font pas. («je pense que Air France est une entreprise qui se respecte et risque difficilement de tomber dans ce jeu là… », F, 55 ; « avec SFR je regardais numéro par numéro, mais avec Bouygues juste un petit regard […] peut être qu’ils n’ont pas pensé que ce n’était pas assez lisible sur le site, peut être qu’ils l’ont fait intentionnellement, peut être pas… mais mon ami connaît bien cette compagnie, il n’en dit que du bien », F, 24). Cette dimension a été particulièrement étudiée par Campbell (1999) ainsi que Urbany et al (1989). Campbell (1999) a approché le concept de la confiance entre l’entreprise en le consommateur à travers le « bénéfice du doute ».

Ainsi, les consommateurs qui ont développé un certain « capital » confiance avec leurs entreprises, donneront un bénéfice de doute lorsqu’il y a perception d’une différence entre le prix auquel ils s’attendent à payer et le prix final. Si les consommateurs font confiance au vendeur, l’effet négatif sur la justice distributive s’atténue.

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