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Attribution des causes de la différence de prix et justice perçue

II. Les effets des dimensions de la présentation des prix complexes sur la justice perçue du pr

II.1. Attribution des causes de la différence de prix et justice perçue

Les résultats de l’étude qualitative mettent en avant des sources de variance qui représentent des paramètres essentiels à étudier car ils viennent atténuer, ou au contraire, accentuer l’effet de la différence entre le prix attendu (établi à partir de la présentation du prix) et le prix à payer sur la justice perçue du prix. Nous présentons dans ce paragraphe le rôle de l’attribution des causes de la différence des prix. Dans le paragraphe suivant, nous exposerons les variables liées aux individus aussi bien que les variables liées à l’entreprise et/ou au secteur dans lequel elle opère.

Nous avons noté précédemment que les répondants, dans un état de détresse face à une différence de prix entre celui affiché et celui à payer, essaient de trouver la raison de cette hausse de prix. Dans le cas précis de l’affichage du prix, cette action est, dans la plupart des cas, attribuée à l’entreprise. L’attribution est dite dans ce cas externe (« ils essaient par tous les moyens de me facturer des charges pour qu’ils puissent se faire du profit sur mon dos », « d’habitude je fais très attention à mes dépenses, en cas de problème, je sais que ce n’est pas de ma faute », H, 33). Le phénomène résultant s’apparente à la perception d’une intention de manipulation de la part du vendeur (« C’est de la publicité à induire en erreur le consommateur » F, 25 ; « la manœuvre est volontaire et abusive » F, 40 ; « c’est de nature à manipuler l’audience » H, 51 ; « Ils essaient de nous embobiner avec des intitulés abstraits tels que les frais d’émission ou des frais ridicules comme les frais de la carte bancaire alors que c’est l’unique moyen de paiement sur le net » H, 28). Cet aspect nous fait référer au concept du « motif inféré » développé par Campbell (1999) : les individus développent des inférences pour expliquer les changements du prix, donnant lieu à des réponses cognitives et affectives. En particulier, ces inférences interviennent dans la perception de la justice du prix.

Dans ce cas, l’effet négatif de l’écart entre le prix affiché et le prix à payer est confirmé. Le sentiment d’injustice résulte de la perception d’un décalage entre le rapport

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rétributions/contributions du consommateur et celui de l’entreprise. Il est question dans ce cas de la justice distributive. Les répondants affirment presque tous, directement ou indirectement, avoir éprouvé un sentiment d’injustice suite à la comparaison du prix final avec le prix auquel ils s’attendaient à payer. (« J’ai trouvé extrêmement injuste qu’on me facture des options que je croyais jusque là gratuites », H, 33. « je n’accepte pas que je paie un prix qui dépasse ce que je reçois en contrepartie, ils ne doivent me faire payer que ce qu’ils méritent ! », H, 27 ; « je ne vois aucune raison de me faire payer un prix différent de ce qu’ils ont affiché, sauf l’arnaque et l’avidité ! », H, 51 ; « Je trouve cela injuste de rajouter des frais sortis de je ne sais où au moment du paiement, j’appelle ça du vol pur et dur. Bien sûr je suis allé voir ailleurs. » H, 41 ; « je me suis emballée et investie pour rien » F, 40).

De plus, comme nous l’avons souligné précédemment, en attribuant la raison de différence entre le prix affiché et le prix à payer à une intention de manipulation de part de l’entreprise, le processus d’établissement et de présentation du prix par le vendeur devient remis en question. Il s’agit alors de la justice procédurale(« je suis convaincue qu’ils fixent les prix de manière à nous induire en erreur », F, 25. « ils font exprès en brouillant les prix et en cumulant les informations, et ça m’énerve quand je tombe dans leurs pièges », H, 33 ; « Je me lance dans la recherche d’un vol pour nos vacances d’été. Je tombe sur un qui indique un prix super alléchant. Après introduction des noms des voyageurs, du nombre de bagages et d’un tas de données personnelles, la grande surprise : le prix a augmenté de 160%... alors que rien n’indiquait au départ l’ajout de frais tombés du ciel… Non mais où va-t-on !! » H, 51 ; « L’été dernier je voulais réserver pour un pays asiatique pour un prix pas cher. Une offre qui paraissait intéressante a doublé 15 fois son prix au moment du paiement, après ajout des taxes, des frais d’émission, de bagages, mais la meilleure reste les frais de paiement par carte bancaire… je me suis emballée et investie pour rien… » F, 40 ; « je me rappelle que chez Ryanair, je me suis trouvé au moment du paiement à payer un prix rien à voir avec celui qu’ils indiquaient au départ… j’ai laissé tombé l’affaire et je suis allé voir ailleurs, vu que c’est de l’arnaque, ils jouent sur le manque de transparence de leurs politiques tarifaires pour faire acheter les consommateurs, en pensant qu’ils sont dupes » H, 41 ; « Les agences de voyage disent ne pas savoir les frais liés au billet alors que c’est du pipeau, ils les maîtrisent parfaitement… mieux encore, ils veulent nous faire croire qu’ils sont généreux en nous offrant une soi-disant remise, fictive si l’on voit comment ils s’engraissent avec les frais supplémentaires » F, 40 ; « Ils essaient de nous

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embobiner avec des intitulés abstraits tels que les frais d’émission ou des frais ridicules comme les frais de la carte bancaire alors que c’est l’unique moyen de paiement sur le net, bref pas net ni transparent tout ça ! » H, 28).

Dans la littérature, la justice procédurale est considérée comme un antécédent à la justice distributive (Rutte et Messick 1995, Maxwell 2008). Cette tendance est subtilement ressortie de l’analyse de contenu (« Comme par hasard, chez Easyjet, payer avec visa coûte cher… Une taxe injustifiable d’autant plus que seule l’agence de voyage en bénéficie, les banques ne sont pas concernées » H, 28) Nous entendons pousser la mise à l’épreuve de la véracité de cette supposition dans la suite de ce travail.

Enfin, les répercussions d’une perception négative de la justice distributive du prix se font manifester par un effet négatif sur la valeur perçue de l’offre et par l’insatisfaction ou l’abandon de l’achat dans le cas d’un billet d’avion ou la souscription dans le cas d’un forfait téléphonique (« je me rappelle que chez Ryanair, je me suis trouvé au moment du paiement à payer un prix rien à voir avec celui qu’ils indiquaient au départ… j’ai laissé tombé l’affaire » H, 41 ; « j’étais très furieux, je suis parti » H, 33 ; « moi personnellement dans ce cas je n’hésite pas à fermer la page, et je n’y reviens plus ! » H, 51 ; « Bien sûr je suis allé voir ailleurs » H, 41).

Par ailleurs, et loin de l’objet de notre recherche, une dimension qui revenait fréquemment dans les entretiens réalisés paraît porteuse d’intérêt pour des recherches futures : il s’agit de la justice interactionnelle. Rappelons que la littérature s’intéressant à la justice sociale et organisationnelle a mis en exergue trois dimensions de la justice : la justice distributive, la justice procédurale et la justice interactionnelle. Bien que la justice interactionnelle ne soit pas directement liée aux aspects de la présentation du prix, il nous semble intéressant de l’étudier dans un cadre de traitement des réclamations liées au prix. La pertinence de cet intérêt s’est manifestée à travers l’analyse des entretiens, les répondants ont maintes fois souligné l’importance de cette dimension lors de leur expérience avec les employés de l’entreprise (« les opératrices sont très mal formées », « prix de la hotline: "il est important pour moi que la hotline soit gratuite », « les conseillers clients sont là pour nous faire acheter plus rien d'autre », « je contacte le moins possible le service clientèle car ils n'ont jamais de réponse: ils sont formés pour rediriger les clients vers quelqu'un d'autre et non pour répondre aux questions, c'est leur job », « ils m’ont dit que c’est pour un engagement de deux ans, je leur ai demandé si c’est un prolongement de contrat (c'est-à-dire encore 6

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mois pour clore 2 ans) ou un nouveau réengagement, ils m’ont dit que c’est un prolongement mais après il s’est avéré que c’est un réengagement j’étais furieux et je suis parti », « ce n'est jamais possible de parler directement à un responsable »)23.

II.2. Le rôle des variables individuelles et des variables liées à l’entreprise/secteur