• Aucun résultat trouvé

Variété des typologies

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 114-120)

Tâche didactique de l’enseignant

Chapitre 4 Les savoirs de l’enseignant

1. Diversité des classifications des savoirs de l’enseignant

1.3 Variété des typologies

De nombreux auteurs, à partir de point de vue théoriques différents ont proposé des typologies des savoirs des enseignants. Ce qui, d’une certaine manière, témoigne bien de l’éclatement de la notion de « savoir ». Sans prétendre à l’exhaustivité, nous proposons quelques unes de ces typologies qui reposent soit sur la nature des savoirs, soit sur leur origine sociale ou qui combinent parfois les deux.

Aux Etats-Unis dans les années 1980 dans le contexte d’une réflexion sur une réforme de l’éducation, plusieurs rapports ont pour thème récurrent la professionnalisation (dans le sens de reconnaissance sociale) des enseignants. Cette revendication d’un statut professionnel est fondée sur la conviction qu’il existe une « base de savoirs pour l’enseignement », « knowledge base for teaching ». C’est notamment ce que mettent en avant les rapports du Holmes Group (1986) et du Carnegie Task Force (1986). Toutefois, si l’idée d’une base de connaissances est très présente dans ces rapports, on trouve rarement, selon Shulman, de précisions quant au caractère de telle ou telle connaissance. A partir de ce constat, des recherches vont être menées pour préciser cette « base de connaissances

pour l’enseignement ». Dans ce contexte, les travaux de Shulman, ont donné lieu à une typologie construite à partir de sept catégories de savoirs /connaissances :

- La connaissance du contenu ou connaissance épistémique ; content knowledge.

- La connaissance pédagogique ; general pedagogigcal knowledge.

- La connaissance curriculaire ; curriculum knowledge.

- La connaissance pédagogique de la matière (didactique); pedagogical content knowledge ; une forme particulière de compréhension professionnelle « their own special form of professionnal undersdanding ».

- La connaissance des élèves et de leurs caractéristiques ; knowledge of learners and their characteristics.

- La connaissance des contextes ; knowledge of educational contexts.

- La connaissance des finalités; « knowledge of educational ends, purposes, and values, and their philosophical and historical grounds » (Shulman, 1987, 2004, p. 92).

Dans des perspectives très proches et à partir d’une importante revue de littérature, Gauthier, Desbiens, Malo, Martineau et Simard (1997), proposent six types de savoirs

« qui servent d’assise à la pratique concrète du métier » (Gauthier, Desbiens, Malo, Martineau & Simard., 1997, p. 8).

Le savoir disciplinaire

« Le savoir disciplinaire fait référence aux savoirs produits par les chercheurs et savants dans les diverses disciplines scientifiques, à leur production de connaissances au sujet du monde » (ibid., p. 20). Il fait référence aux divers champs de connaissances tels qu’ils sont structurés à l’Université. De par leur origine sociale, ils sont extérieurs à l’enseignant. Ce sont ces savoirs – dans leur totalité ? – que l’enseignant est donc censé connaître, maîtriser ; et qu’il doit, en partie, transmettre aux élèves.

Le savoir curriculaire

Il relève des différents programmes scolaires. « Une discipline n’est jamais enseignée telle quelle, elle fait l’objet de nombreuses transformations pour devenir un programme d’enseignement ». L’enseignant « doit évidemment “ connaître le programme ” qui constitue un autre savoir de son réservoir de connaissances » (ibid., p. 21). Pour les

donc de la lisibilité, des programmes dans toutes les disciplines à enseigner à l’école primaire.

Le savoir des sciences de l’éducation

L’enseignant est en possession « d’un corpus de savoirs au sujet de l’école qui est inconnu de la plupart des citoyens ordinaires et des membres des autres professions. C’est un savoir professionnel spécifique qui ne concerne pas directement l’action pédagogique mais qui lui sert, comme aux autres membres de son métier socialisés de la même manière, de toile de fond » (ibid., p. 22). On peut citer, par exemple, les connaissances relatives aux élèves, à leurs apprentissages.

Le savoir de la tradition pédagogique

Une tradition pédagogique s’est mise en place à partir de la fin du XVIIe siècle. Le maître « pratique davantage l’enseignement simultané en s’adressant à l’ensemble des élèves en même temps. Cette manière de faire la classe finit bientôt par se cristalliser en ce qu’on pourrait appeler la tradition pédagogique. Cette tradition pédagogique, qui renvoie à la notion de genre professionnel, c’est le savoir faire l’école qui transparaît dans une sorte d’entre deux de la conscience. Cette représentation du métier, beaucoup plus robuste qu’on peut le croire à première vue, à défaut d’être dévoilée et critiquée, sert de matrice pour guider les comportements des enseignants » (ibid., p. 23).

Le savoir d’expérience

C’est ce que l’enseignant apprend de ses expériences professionnelles. C’est un savoir qui demeure de l’ordre du privé, « son jugement et les raisons qui le sous-tendent ne sont jamais connus ni testés publiquement » (ibid., p. 23). Ainsi, un enseignant « peut avoir de l’expérience mais les explications qu’il donne pour justifier son action peuvent être erronées » (ibid., p. 23). La limite du savoir d’expérience est « d’être fait de présupposés et d’arguments qui ne sont pas vérifiés à l’aide de méthodologies scientifiques » (ibid., p. 23).

Le savoir d’action pédagogique

« le savoir d’action pédagogique est le savoir d’expérience des enseignants rendu enfin public et passé au crible de la preuve de la recherche qui se déroule en classe » (ibid., p. 23).

En France, G. Malglaive (1990), dans son travail de recherche sur la formation des adultes, organise sa réflexion relative aux savoirs à partir de la question suivante : « les savoirs pertinents pour être enseignés sont-ils pertinents pour agir ? ». Ses analyses le conduisent à distinguer quatre types de savoirs qui, avec des statuts différents, participent à l’activité professionnelle. Cette typologie sera souvent reprise dans le champ de l’éducation.

Le savoir théorique

« Le savoir théorique ne dit pas ce qu’il faut faire, mais conduit à agir avec discernement, à construire des procédures rigoureuse en donnant le moyen de savoir à quelles conditions on peut faire ce que l’on veut faire, et quelles en seront les conséquences » (Malglaive, 1990, p. 71). Le savoir théorique a une valeur heuristique, il

« permet d’agir en toute clarté », il est « le fondement indispensable des savoirs qui règlent l’action » (ibid., p. 71). Le savoir théorique permet « un contrôle permanent de l’action exercé sur le réel en donnant à connaître les transformations qu’il subit au cours de cette action » (ibid., p. 72).

Les savoirs procéduraux

Les savoirs procéduraux sont ces savoirs qui règlent l’action. Comme l’explique G.

Malglaive, « toute action produit deux sortes d’effets sur le réel qu’elle cherche à transformer : des effets voulus et des effets non voulus. Ce sont les enchaînements d’opérations, les règles et les conditions à respecter pour obtenir les effets voulus et n’obtenir qu’eux qui s’organisent en plan d’action et constituent, lorsqu’ils sont formalisés, ce que nous appelons les savoirs procéduraux » (ibid., p. 77).

Les savoirs pratiques

La maîtrise des savoirs procéduraux, construits à partir des savoirs théoriques doivent permettre d’obtenir la transformation voulue de l’objet sur lequel l’individu agit.

Or, la réalité est souvent bien plus complexe que la connaissance que l’on peut en avoir à partir de la théorie. De ce fait, les savoirs théoriques et les savoirs procéduraux ne permettent pas toujours d’arriver à la réussite de l’action. Dans ce cas, ces savoirs doivent être relayés « par un autre type de savoir, directement issu de l’action, de ses réussites et de ses échecs, de ses contraintes et de ses aléas » (ibid., p. 78). Ce savoir, c’est le savoir

A propos de ces trois types de savoirs, on peut retenir que les savoirs théoriques et procéduraux font l’objet d’une formalisation qui passe par des langages spécifiques, ils sont objectivés ; alors que le savoir pratique est « beaucoup moins structuré et codifié » (ibid., p. 78). Il est très subjectif et aussi probablement moins énonçable par le praticien.

Le savoir en usage

Dans l’action professionnelle, ces différents savoirs forment un système, « une totalité, complexe et mouvante mais structurée, opératoire » (ibid., p. 87). C’est cet ensemble qui est nommé « le savoir en usage ». Ce savoir trouve donc sa nature dans l’action, « pour être ce qu’il est le savoir en usage doit nécessairement s’investir dans l’action » (ibid., p. 89).

Dans une approche sociologique, R. Bourdoncle (1994) aborde la question des savoirs professionnels à partir des trois principales perspectives de la sociologie des professions.

Pour les sociologues fonctionnalistes, « les professions sont des activités qui permettent de résoudre rigoureusement des problèmes toujours individualisés, mais répondant à des besoins sociaux importants, comme la santé ou la justice. Pour ce faire, les professionnels mobilisent des savoirs scientifiques ou rationnels de haut niveau de généralité, qui peuvent donc s’appliquer à de nombreux cas individuels et résoudre leur problème » (Bourdoncle, 1994, p. 78-79).

Pour les interactionnistes, « les professions ne sont pas des activités caractérisées par des savoirs de haut niveau, qui leur permettraient de résoudre efficacement des problèmes individuels importants, comme l’affirmaient les fonctionnalistes. Pour les interactionnistes, il s’agit simplement d’un savoir d’expérience, qui dépend de la situation et ne peut être acquis qu’en situation, c’est-à-dire sur le tas » (ibid., p. 84).

Les sociologies critiques et conflictualistes, mettent en avant des « savoirs éthiques ». Ces savoirs font de l’enseignant un « artisan moral qui assume à la fois la fin et les moyens et qui est capable de remplir de manière responsable son rôle d’agent de la société adulte auprès de l’enfance, c'est-à-dire en pleine conscience des valeurs qu’il met constamment en jeu. Pour cela il faut qu’il devienne conscient des contraintes qui pèsent sur son action, qu’elles soient internes et liées à sa position sociale, ses intérêts et sa personnalité ; contextuelles et liées à l’environnement social, avec ses exigences et ses valeurs ; organisationnelles et liées au fonctionnement même de l’établissement ;

épistémiques et dues au savoir enseigné et aux valeurs qu’il véhicule » (ibid., p. 90-92).

Dans la conclusion de son article R. Bourdoncle, estime que plutôt que de choisir entre ces différentes approches, il serait préférable de les prendre toutes en compte dans la mesure où chacune « semble nécessaire pour que le sujet construise une pratique professionnelle » (ibid., 1994, p. 93). On peut donc retenir, dans cette perspective que trois types de savoirs sont nécessaires à la réalisation de l’activité professionnelle de l’enseignant : des savoirs scientifiques, des savoirs d’expérience, et, des savoirs éthiques.

M. Develay (1994) considère qu’aujourd’hui, pour faire face aux exigences du métier, l’enseignant doit maîtriser des savoirs qui relèvent de trois domaines :

- la maîtrise de savoirs disciplinaires et de leur épistémologie ; - le champ de la didactique et de la pédagogie ;

- le domaine de la psychologie.

Il présente ces savoirs nécessaires autour de la formule suivante : « les deux D (savoirs et savoir-faire disciplinaires et didactiques) et les deux P (savoirs pédagogiques et psychologiques) » (Develay, 1994, p. 83). Chacun de ces champs de savoirs est nécessaire à l’exercice professionnel, « il n’est pas possible d’aider un élève à apprendre des mathématiques, de la biologie ou de l’EPS sans posséder la connaissance de ces disciplines, des connaissances sur les élèves et les méthodes qui permettent d’enseigner » (ibid., p. 84). Mais M. Develay insiste sur la nécessité pour l’enseignant de connaître et maîtriser les disciplines qu’il a à enseigner. Ainsi pour enseigner, de la géographie par exemple, il faut certes connaître des notions de géographie, savoir de la géographie, mais aussi savoir « ce qu’est cette discipline en tant que corps de savoir constitué et en cours de constitution, quelles sont les méthodes qui permettent de produire du savoir dans cette discipline et que l’on ne retrouve pas forcément dans une autre discipline » (ibid., p. 84-85).

Il précise que la maîtrise d’une discipline, n’est pas « un savoir pointu comme celui de l’agrégation dans quelques domaines triés et sans grande relation avec les programmes », mais que c’est « un savoir de haut niveau », qui permet de « prendre un recul distancié vis-à-vis de la structure de la discipline, un savoir des contenus et de leur épistémologie » (ibid., p. 84). Dans le contexte de la polyvalence, caractéristique des enseignants du premier degré, une telle perspective conduit à s’interroger, d’une part, sur

M. Altet (1996) rappelle que les classifications des savoirs enseignants sont nombreuses et varient en fonction des paradigmes de recherche, mais, qu’au-delà des différences, elles ont en commun de témoigner de la « pluralité des savoirs enseignants ».

Pour M. Altet les différentes classification mettent peu en avant la nature des savoirs des enseignants. Elle propose donc, en référence au modèle de l’enseignant-professionnel, une classification qui distingue deux grandes catégories de savoirs. Cette classification reprend en quelque sorte, en précisant, et, en distinguant, les savoirs de l’enseignant tels qu’ils ont été proposés par les chercheurs qui s’inscrivent dans le courant de la psychologie cognitive (Malglaive, Barbier, par exemple) :

1. Les savoirs théoriques, de l’ordre du déclaratif, parmi lesquels on peut distinguer - les savoirs à enseigner, savoirs disciplinaires, savoirs constitués par les sciences, et

savoirs didactisés à faire acquérir aux élèves, savoirs constitués, extérieurs à l’enseignant.

- les savoirs pour enseigner, savoirs pédagogiques sur la gestion interactive en classe, savoirs didactiques dans les différentes disciplines, savoirs de la culture enseignante.

M. Altet précise que ces savoirs théoriques sont indissociables.

2. Les savoirs pratiques issus des expériences quotidiennes de la profession,

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 114-120)