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Les apports de la sociologie de l’éducation

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 158-169)

Tâche didactique de l’enseignant

Chapitre 6 Pratiques d’enseignement et apprentissages des élèves

2. Les apports de la sociologie de l’éducation

Les travaux de recherche conduits dans le cadre de la sociologie de l’éducation, permettent de porter un regard différent sur la question des relations entre pratiques d’enseignement et apprentissages scolaires des élèves. Toutefois, il convient de rappeler que l’intérêt de la sociologie de l’éducation pour la question des savoirs scolaires est relativement récent; « la sociologie de l’éducation ne s’est guère intéressée, au cours de ces trente dernières années, à la question des savoirs, de leurs transmissions et leurs appropriations » (Lahire, 1999, p. 15). Selon cet auteur, c’est en Grande-Bretagne, que cette question a été le plus travaillée, en particulier, « la manière dont l’école, d’une part sélectionne, parmi l’ensemble des savoirs existants dans le monde social, ce qu’il est légitime d’enseigner et, d’autre part, met spécifiquement en forme ces savoirs afin de les

“ transmettre ” aux élèves » (ibid., p. 16), dans le cadre de ce qui est appelé la sociologie du curriculum. En France, le sociologue M. Verret, en 1974, propose le concept de

« transposition didactique » qui sera repris, en didactique des mathématiques, par Y.

Chevallard, mais cette réflexion sur l’élaboration des savoirs scolaires a rencontré peu d’échos chez les sociologues de l’éducation.

Dans ce contexte, on peut considérer que ce sont les travaux relatifs à l’échec, et aux difficultés scolaires – questions qui émergent dans le débat public à partir des années 1980 – qui vont conduire la sociologie de l’éducation à mettre au cœur de sa réflexion la question des relations entre pratiques d’enseignement et apprentissages scolaires.

Sans prétendre à une présentation exhaustive des recherches et des concepts qu’elles ont mobilisées et / ou élaborées, nous présentons les apports qui nous semblent être pertinents dans le cadre de notre réflexion sur les relations entre pratiques enseignantes et apprentissages des élèves.

La notion de rapport au(x) savoir(s)

L’origine de la notion de rapport au savoir et sa référenciation théorique sont relativement floues. Toutefois, on peut considérer que le concept de rapport au savoir est principalement élaboré depuis les années 1980, dans deux champs de recherche : celui d’orientation psychanalytique et celui d’orientation sociologique. En France, deux équipes de recherche, relevant chacune d’un de ces champs, travaillent sur ce thème. Dans le cadre des travaux du Centre de Recherches en Education et Formation (CREF, Université de Paris X), les apports théoriques des travaux de l’équipe « savoirs et rapport au savoir » fondée par Jacky Beillerot, ont fait l’objet d’une publication dans un ouvrage collectif :

Beillerot, J., Blanchard-Laville, C. et Mosconi, N. (1996), Pour une approche clinique du rapport au savoir. Dans cette perspective, la question essentielle est celle, pour un sujet singulier en situation, du savoir comme objet de désir. Comme l’écrit J. Beillerot, « le désir est fondamental, il est une aspiration première » (Beillerot, Blanchard-Laville, & Mosconi, 1996, p. 65), mais il précise que « ce n’est pas le savoir qui est visé comme objet de satisfaction ; ce qui est visé c’est l’idée de savoir, le savoir sur le savoir » (ibid., p. 69).

Pour ces chercheurs, un des enjeux est donc de « comprendre comment on passe du désir de savoir (comme recherche de jouissance) à la volonté de savoir, au désir d’apprendre, et qui plus est d’apprendre et savoir telle ou telle chose » (Charlot, 2003, p. 37).

Les travaux de l’équipe Escol (Education, Socialisation et Collectivités Locales, Université de Paris VIII) s’inscrivent dans la perspective sociologique. On peut considérer que les ouvrages de B. Charlot, E. Bautier et J.-Y. Rochex (1992) Ecole et savoir dans les banlieues…et ailleurs, et, de B. Charlot (1997) Du rapport au savoir. Eléments pour une théorie, servent de programme théorique à cette approche sociologique de la notion de rapport au savoir.

Au départ des travaux de cette équipe, un constat : celui des trajectoires scolaires atypiques (au regard de la théorie de la reproduction formulée par Bourdieu et Passeron en 1970) de certains élèves issus de catégories sociales défavorisées. Pour rendre compte de ces réussites improbables, Charlot, Bautier et Rochex (1992) mobilisent la notion de

« rapport au savoir » qu’ils définissent comme « une relation de sens, et donc de valeur, entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produits du savoir » (Charlot, Bautier

& Rochex., 1992, p. 29). Ils précisent ensuite que :

- « le rapport au savoir est rapport à des processus (l’acte d’apprendre et ce que peut spécifier cet acte) et à des produits (les savoirs comme compétences acquises et comme objets culturels, institutionnels, sociaux);

- le rapport au savoir est à la fois relation de sens et relation de valeur : l’individu valorise ce qui fait sens pour lui, ou, inversement, confère du sens à ce qui pour lui présente une valeur ;

- s’il est possible d’écrire qu’un individu “ a ” un rapport au savoir, ce n’est pas très rigoureux ; à strictement parler, nous n’« avons » pas un rapport au savoir, nous

- [au singulier], l’expression rapport au savoir renvoie au savoir conçu comme activité humaine spécifique parmi l’ensemble des activités humaines (au fait d’apprendre et de savoir), ou comme produit de cette activité, éventuellement autonomisé vis-à-vis de l’activité qui l’a engendré (au “ champ de savoir ”). Le pluriel est pertinent lorsqu’on vise des savoirs appréhendés à travers les contenus, les activités, les lieux, les personnes, qui, dans leur diversité, particularisent l’acte d’apprendre et les produits de cet acte. Dans ce cas, il est préférable de parler des rapports aux savoirs – mais on peut utiliser l’expression “ rapport aux savoirs ” pour désigner la relation à un ensemble hiérarchisé de savoirs » (ibid., p. 29-30).

Depuis sa formalisation dans les années 1980, la notion de « rapport au savoir » a été mobilisée dans des perspectives variées, à tel point qu’elle « apparaît actuellement assez éclatée ». D’où la nécessité ressentie par B. Charlot, (qui l’avait théorisée dans son ouvrage de 1997), de revenir sur « les points d’ancrage théorique, qui, en deçà de cette diversité, définissent la notion » (Charlot, 2001, p. 5). Nous reprenons quelques uns de ces points d’ancrage pour nourrir notre réflexion afin de mieux comprendre les relations entre pratiques et savoirs.

- Quelle que soit l’entrée disciplinaire, « il s’agit toujours de comprendre comment s’opère la connexion entre un sujet et un savoir ou, plus généralement, comment s’enclenche un processus d’apprentissage, une entrée dans l’apprendre» (ibid., p. 11).

- « La problématique du rapport au savoir pose une dialectique entre intériorité et extériorité, entre sens et efficacité », ce qui conduit B. Charlot à définir l’acte d’apprendre comme une forme d’appropriation : « apprendre, c’est s’approprier ce qui est appris, le faire sien, “ l’intérioriser ”. Mais apprendre c’est aussi s’approprier un savoir, une pratique, une forme de relation aux autres et à soi-même…qui existe avant que je ne l’apprenne, en dehors de moi » (ibid., p. 12). Il précise ensuite la dialectique entre sens et efficacité de l’apprentissage.

- Pour B. Charlot la question du sens conféré par un sujet – un élève – aux situations d’enseignement-apprentissage qui le confronte aux savoirs, est essentielle,« ce qui est appris ne peut être approprié par un sujet que si cela éveille en lui certains échos : si cela fait sens pour lui ». Il ajoute une condition à l’appropriation d’un savoir : la confrontation avec la normativité de celui-ci, de ce fait « le sujet ne peut apprendre que s’il entre dans certaines activités normées, celles qui permettent de s’approprier ce savoir ou cet “ apprendre ” spécifique (ce ne sont pas les mêmes lorsqu’il s’agit

d’apprendre les mathématiques, l’histoire, le métier de policier ou la solidarité…) » (ibid., p. 12).

Il ajoute qu’« entrer dans un savoir, c’est entrer dans certaines formes de rapport au savoir, dans certaines formes de rapport au monde, aux autres et à soi-même ». Aussi, selon B. Charlot « s’interroger sur la transmission d’un savoir implique que l’on s’interroge aussi sur la posture que suppose l’appropriation de ce savoir, sur l’entrée dans certaines formes de rapport au monde, aux autres et à soi-même» (ibid., p. 13-14). Quelles postures supposent l’appropriation de savoirs géographiques ? Les pratiques des enseignants, lors des séances de géographies qu’ils conçoivent et mettent en œuvre, prennent-elles en compte ces spécificités ?

- Enfin, « l’intérêt de la notion de rapport au savoir est de poser le problème en termes de relations et non pas de traits, de caractéristiques individuelles. Dire que les individus ont un rapport au savoir, c’est soit commettre une erreur, soit utiliser une formule commode mais dangereuse. En fait le rapport au savoir est constitué d’un ensemble de relations, de l’ensemble des rapports qu’un individu entretient avec le fait d’apprendre, avec le savoir, avec tel ou tel savoir ou “ apprendre ”. Ces relations varient avec le type de savoir, avec les circonstances (y compris institutionnelles) et elles ne présentent pas une parfaite stabilité dans le temps. Autrement dit, un individu est engagé dans une pluralité de rapports au(x) savoir(s) » (ibid., p. 14-15).

La question des rapports au(x) savoir(s), constitutifs du rapport au savoir, des acteurs engagés dans le processus de transmission-appropriation des savoirs scolaires est essentielle dans la compréhension de ce dernier. A cette question, est liée celle du sens conféré par l’enseignant et les élèves aux situations dans lesquelles des savoirs scolaires sont en jeu.

La notion de « secondarisation »

La scolarisation des savoirs aboutit à des savoirs particuliers qui supposent des modalités d’appropriation spécifiques au monde de l’école. Dans la mesure où tous les élèves, dans leur diversité sociale, n’entretiennent pas le même rapport au(x) savoir(s), l’entrée dans les apprentissages scolaires ne va peut-être pas de soi pour tous.

Dans les années 1960, le sociologue B. Bernstein, s’intéresse aux processus de

comment les processus éducatifs et pédagogiques interviennent dans « la reproduction » des classes sociales. Il élabore la théorie des codes de communication dans laquelle il distingue « le code restreint de la classe ouvrière et le code élaboré de la classe moyenne.

Les codes restreints sont dépendants du contexte et particularistes, tandis que les codes élaborés sont indépendants du contexte et universalistes » (Sadovnik, 2001, p. 716). Pour Bernstein, « Le fait qu’un code élaboré soit nécessaire à la réussite scolaire implique que les enfants de la classe ouvrière sont défavorisés par le code dominant de l’école » (ibid., p.

717). C’est dans le cadre de cette théorie qu’il propose la notion de « pédagogie visible (classification forte et énoncé fort) et invisible (classification faible et énoncé faible) », « la classification se rapporte à l’organisation des connaissances en un programme d’études, l’énoncé se rapporte à la transmission des connaissances par les méthodes pédagogiques » (ibid., p. 718). Aussi, dans une pédagogie dite « invisible », l’accent est peu mis sur la transmission de savoirs et savoir-faire spécifiques, et le contrôle, par l’enseignant, sur ce processus est plus implicite qu’explicite.

Les travaux de Bernstein, sont considérés par de très nombreux sociologues comme étant d’un apport fondamental à la sociologie de l’éducation. En s’intéressant à ce qui se passe dans l’école à partir de recherches empiriques, ils ouvrent des perspectives de réflexion et de recherche sur l’inégalité des élèves face aux spécificités des savoirs scolaires et à leurs modes de transmission.

Pour les chercheurs de l’équipe Escol, les inégalités scolaires en matière d’apprentissages et d’accès aux savoirs « peuvent être considérée comme résultant de la confrontation entre, d’une part, les dispositions socio-cognitives et socio-langagières des élèves, liées à leur mode de socialisation, et qui les préparent de façon fort inégale à faire face aux réquisits des apprentissages scolaires et, d’autre part, l’opacité et le caractère implicite de ces réquisits » (Bautier & Goigoux, 2004, p. 90). Une hypothèse qui « renoue avec les réflexions et questionnements initiés par B. Bernstein » (ibid., p. 90).

C’est dans ce cadre qu’est élaborée la notion de « secondarisation » (Bautier &

Goigoux, 2004 ; Bautier & Rochex, 2004). Le terme et cette notion, sont issus des travaux de Mikhaïl Bakhtine (1895-1975). M. Bakthine opère une distinction entre genres de discours premiers et genres de discours seconds, pour une champ de pratiques, la production littéraire, éloigné du champ scolaire.

Les genres premiers, sont fortement liés à l’expérience personnelle du sujet, au contexte dans lesquels ils sont produits, « ils peuvent être décrits comme relevant d’une production spontanée, immédiate, liée au contexte qui la suscite et n’existant que par lui et dans “ l’oubli ” d’un quelconque apprentissage ou travail sous-jacent » (Bautier & Rochex, 2004, p. 201).

Les genres seconds sont « dérivés » des premiers ; ils les ressaisissent et les

« travaillent dans une finalité qui s’émancipe de la conjoncturalité de leur production » (ibid., p. 201). Les genres seconds nécessitent « une production discursive qui signifie bien au-delà de l’interaction dans laquelle elle peut conjoncturellement se situer » (ibid., p.

201).

Pour les chercheurs de l’équipe Escol, la réussite scolaire d’un élève, et a contrario ses difficultés scolaires, suppose « qu’il soit capable et s’autorise à faire circuler les savoirs et les activités d’un moment et d’un objet scolaire à un autre. Pour cela, il faut au préalable qu’il ait constitué le monde des objets scolaires comme un monde d’objets à interroger sur lesquels il peut (et doit) exercer des activités de pensée et un travail spécifique » (Bautier

& Goigoux, 2004, p. 90-91). Ce sont ces activités de pensée spécifiques que ces auteurs nomment « attitude de secondarisation » Le processus de secondarisation peut donc être défini comme un travail de transformation, reconfiguration et recontextualisation cognitive des significations et des expériences premières par les élèves. Il consiste à passer d’une maîtrise pratique du monde et des savoirs (registre premier) à leur maîtrise symbolique (registre second). L’« attitude de secondarisation », nécessite donc de la part de l’élève, qu’il soit capable d’abstraire les objets de savoirs de leur contexte de présentation (décontextualisation) et qu’il leur attribue une autre finalité (recontextualisation).

Ce processus est inhérent à la nature même des savoirs scolaires et à la scolarisation, comme l’ont mis en évidence les travaux de recherche portant sur la forme scolaire (Vincent, 1994).

L’objectif de secondarisation fonde donc la socialisation scolaire : c’est ce qui en fait la spécificité, par contraste avec d’autres lieux et modes de socialisation, tels que la famille ou les médias. Les situations d’enseignement-apprentissage doivent donc aider les élèves à opérer cette transformation.

Ces considérations ne sont pas très éloignées de celles du philosophe et sociologue

« distance » entre « un sens premier du monde » et un « univers second », et distingue une

« culture première » d’une « culture seconde ». La « culture première » est l’expression d’un rapport premier au monde, c’est la culture du « vécu », de l’immédiateté, celle qui par exemple se transmet dans la famille. La « culture seconde » se dégage de la « culture première » par des processus de mise à distance, comme par exemple les procédés de connaissance. Dans cette perspective l’école serait un lieu où, par le jeu des différentes disciplines scolaires, peut s’effectuer le passage de la « culture première » à la « culture seconde ». Le rôle de l’enseignant, à travers ses pratiques d’enseignement, serait alors d’aider l’élève à passer de sa « culture première » à la « culture seconde ».

Au cœur de la notion de secondarisation, se trouve la question du sens que les élèves attribuent aux tâches et objets de savoirs auxquels ils sont confrontés dans les situations d’enseignement-apprentissage. Il semble que tous les élèves n’attribuent pas aux tâches proposées la même visée que l’enseignant et que certains d’entre eux ont des difficultés pour identifier les enjeux cognitifs des exercices auxquels ils se livrent. De ce fait, il est important de considérer qu’« activité conjointe ne signifie pas significations partagées » (Bautier & Rochex, 2004). En effet, pour certains élèves, « la centration sur le sens ordinaire, quotidien, des tâches, des objets ou des mots semble les empêcher de construire ces objets dans leur dimension seconde », de même « les savoirs peuvent être assimilés aux savoirs d’action scolaire, ponctuels (et de ce fait évalués à ce titre : répondre à une question, chercher un document, coller des vignettes, remettre en ordre des images, participer aux échanges verbaux), et n’incluent pas ce que ces actions permettent d’apprendre au-delà de leur mise en œuvre » (Bautier & Goigoux, 2004, p. 91).

Dans ces conditions, il est possible que s’instaure, dans le déroulement d’une situation d’enseignement-apprentissage, un décalage entre l’objectif poursuivi par l’enseignant – objectif souvent implicite, non exprimé verbalement – et ce que les élèves en comprennent. Cette opacité, ce décalage, conduisent alors à des malentendus. Ces malentendus « socio-cognitifs » portent sur les postures et activités intellectuelles requises par l’appropriation des savoirs et de la culture scolaires ; ils peuvent leurrer durablement certains élèves quant à la nature du travail intellectuel et des activités pertinentes pour apprendre (Bautier & Rochex, 1997-2007). Ils ne sont pas sans conséquences sur l’interprétation par les élèves des situations scolaires, ils peuvent les conduire « à ne pas ou à ne guère pouvoir percevoir celles-ci autrement que comme juxtaposition hétéroclite de

tâches et d’exercices parcellaires, d’obligations formalistes et de rituels, dont la signification s’épuise dans leur effectuation ou leur observance » (Rochex, 2001, p. 349).

La notion de secondarisation semble donc avoir un pouvoir heuristique, « pour identifier les processus, individuels et sociaux, institutionnels et didactiques qui facilitent ou, au contraire, gênent, voire interdisent, l’appropriation des savoirs par des élèves appartenant à différents milieux sociaux » (ibid., p. 348).

Dans des contextes professionnels où l’hétérogénéité des élèves qui composent les classes est croissante, l’attention portée par les enseignants à ce « processus de secondarisation » est donc d’une grande importance dans la mesure où certains élèves ont du mal à adopter cette attitude, ce qui serait l’une des principales causes des difficultés scolaires. Parce que « l’exigence de secondarisation est au principe même de ce qui fait apprentissages, genres discursifs, objets et savoirs scolaires » (Bautier & Rochex, 2004, p.

202), à chaque niveau du cursus, on peut considérer qu’un des objectifs poursuivis au travers de l’étude des différentes disciplines présentes à l’école élémentaire est d’amener les élèves à quitter le registre premier, et à construire un rapport second au réel. Ainsi, un des enjeux, lors d’une séance de géographie, serait que l’enseignant permette aux élèves de comprendre que le niveau de pertinence de la tâche proposée ne se limite pas à la séance de géographie elle-même, voire à la réussite à l’évaluation à venir, afin qu’ils ne restent pas dans le registre premier. Mais qu’il leur permette de “ décoder ” les significations des tâches proposées, afin de favoriser la construction d’un rapport second au monde. Par exemple, en géographie, que l’enseignant explique aux élèves que l’enjeu n’est pas de colorier une carte, mais de comprendre l’organisation d’un espace ; qu’il permette aux élèves de comprendre qu’au-delà de la photographie paysagère qu’ils décrivent il y a une notion de portée générale.

Or, il semble que cette exigence demeure très largement implicite et opaque, aux yeux même des enseignants pour lesquels ces changements de statut et de registre vont de soi (Lahire, 1998). L’attitude de secondarisation est ainsi « davantage supposée ou requise par les enseignants que construite dans, avec et par l’école » (Bautier & Goigoux, 2004, p.

91).

Pratiques d’enseignement et construction d’un rapport second au monde

socialisation cognitive scolaire en ce qu’elle peut gêner, voire empêcher, les apprentissages et la construction des habitudes cognitives et langagières nécessaires pour apprendre à l’école » (Bautier, 2006, p. 105). Le point de vue adopté prend pour objet « la visée d’apprentissage » qui est « au cœur de l’activité enseignante », d’où une analyse des pratiques d’enseignement « centrée sur les apprentissages différenciés des élèves » (ibid., p. 108). Un tel point de vue conduit à s’interroger sur le rôle des pratiques d’enseignement en ce qu’elles peuvent construire chez les élèves « des manières de faire qui peuvent gêner, voire empêcher l’accès aux objets de savoir pourtant visés » (ibid., p. 107), et donc faire obstacle à la construction d’un rapport second au monde.

Selon E. Bautier, une telle analyse du travail des enseignants, nécessite d’être doublement contextualisée en prenant en compte, d’une part, le contexte de la classe et de

Selon E. Bautier, une telle analyse du travail des enseignants, nécessite d’être doublement contextualisée en prenant en compte, d’une part, le contexte de la classe et de

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