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Des rapports différenciés et hiérarchisés aux disciplines

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 104-109)

Tâche didactique de l’enseignant

Chapitre 3 La polyvalence des enseignants

2. La construction d’un modèle : « le maître polyvalent »

3.2 Des rapports différenciés et hiérarchisés aux disciplines

Dans le cadre de l’exercice de la polyvalence, les enseignants n’investissent pas toutes les disciplines présentes au cycle 3 à l’école primaire de la même façon : certaines sont valorisées, d’autres négligées.

Une réponse extrême apportée à la difficile mise en œuvre de la polyvalence, se trouve dans le non enseignement d’une ou de plusieurs disciplines. En effet, l’enquête révèle que certaines disciplines ne sont pas enseignées, par exemple 54.2% des enseignants de l’école élémentaire qui ont répondu à l’enquête, déclarent ne pas enseigner les langues vivantes. D’autres sont au contraire toujours enseignées, c’est le cas notamment des mathématiques et du français. Une autre façon de procéder est « la délégation » d’une discipline à un collègue ou à un intervenant extérieur. Dans ce cas les résultats de l’enquête mettent en avant que les enseignants du cycle 3 se réservent très majoritairement l’enseignement des mathématiques et du français. De manière encore majoritaire, mais avec une hiérarchie de préférence, ils conservent l’histoire, la géographie puis les sciences de la vie et de la terre. La physique technologie est bien souvent déléguée, voire délaissée.

Un abandon relatif, associé à une très forte propension à une délégation à des intervenants extérieurs, caractérisent les disciplines sportives et artistiques au sein desquelles l’éducation musicale constitue « le parent pauvre de l’enseignement » (Baillat & Mazaud, 2002, p. 95).

Horaires prescrits pour chaque champs disciplinaires

(B.O n°5 12 avril 2007 Hors-Série)

Pour chaque champ disciplinaire les textes officiels prescrivent des horaires à respecter. Ceux-ci sont donnés avec un horaire minimum et un horaire maximum, comme indiqué dans le tableau ci-dessus.

Au-delà de la liberté d’utiliser les horaires minimum ou maximum, ce qui traduit déjà une hiérarchie établie par l’enseignant entre les disciplines, les résultats de l’enquête mettent en évidence d’importantes variations quant aux horaires déclarés pour chaque discipline. A partir des déclarations des enseignants, des horaires moyen d’enseignement de chaque discipline ont été établis. Il apparaît alors que, par rapport aux horaires officiels,

« chaque discipline est soit excédentaire, soit déficitaire. Les horaires officiels ne sont respectés de près que pour les mathématiques et le français. Les activités de “ découverte du monde ” se trouvent scindées en deux : d’une part l’histoire, la géographie et les

discipline excédentaire : les arts visuels alors que la musique, et surtout l’EPS sont déficitaires » (Baillat, 2001, p. 45). Ces résultats témoignent d’une part, d’un engagement personnel très différencié des enseignants dans les différentes disciplines, et, d’autre part des statuts différents qu’ils leur accordent.

Enfin, les résultats de cette recherche mettent en évidence que les enseignants n’attribuent pas les mêmes objectifs d’apprentissage aux différentes disciplines. Lorsque les enseignants doivent hiérarchiser trois objectifs pour une même séance dans une discipline : un objectif conceptuel, un objectif transversal, et, un objectif de mémorisation de connaissances singulières ou l’entraînement à une technique propre à la discipline, on constate que ce troisième objectif, indépendamment du cycle et de la discipline est toujours classé au troisième rang. Les auteurs du rapport de recherche soulignent que « ce résultat massif se démarque de ceux obtenus dans d’autres études qui soulignaient encore récemment le caractère très factuel de certains enseignements à l’école élémentaire » (Baillat, 2003, p. 51). Le classement des deux premiers objectifs, varie selon les disciplines, mais « peu de disciplines bénéficient d’un enseignement à visée conceptuelle : les seules pour lesquelles l’objectif conceptuel est toujours dominant sont l’histoire, la géographie et les arts plastiques » (ibid., p. 52). Le choix, souvent privilégié, des objectifs transversaux effectué par les enseignants est « confirmé par leur adhésion massive à l’affirmation selon laquelle l’objectif de l’enseignement primaire est en priorité de faire acquérir des compétences intellectuelles générales plutôt que d’initier l’élève à des disciplines » (ibid., p. 52). De tels résultats interrogent fortement la professionnalité des enseignants du premier degré, celle-ci ne serait pas fortement organisée par la transmission-appropriation de savoirs scolaires disciplinaires, et l’entrée des élèves dans les disciplines scolaires.

A partir des déclarations que font les enseignants, il ressort très nettement que la mise en œuvre de la polyvalence au quotidien, installe une hiérarchie entre les disciplines présentes à l’école primaire. Dès lors, il est possible de regrouper les disciplines scolaires dans des catégories aux statuts différents. L’exercice de la polyvalence tel qu’il est possible de le décrire à partir des pratiques déclarées des enseignants, met en évidence, un « noyau dur » de l’activité professionnelle. Ce sont les matières qu’il n’est pas possible de ne pas enseigner, c’est le socle du genre professionnel, le « cœur » du métier, hérité de plus d’un siècle d’histoire : les mathématiques et le français. A ce « cœur » est agrégé une

périphérie : les autres disciplines. Cette périphérie se subdivise en deux sous-ensembles : les disciplines intermédiaires et les disciplines (l’usage du terme n’est pas toujours assuré dans ce dernier groupe) marginalisées, voire délaissées.

Les deux disciplines du « cœur » ne sont pratiquement jamais déléguées ; c’est pour ces disciplines que les enseignants veillent le plus scrupuleusement à la conformité des horaires. On peut aussi penser que ce sont ces disciplines qui font l’objet d’une plus grande attention de leur part quant aux contenus enseignés et aux apprentissages réalisés par les élèves.

Les disciplines intermédiaires feraient l’objet d’une attention moins soutenue : les enseignants prendraient des libertés quant à la gestion des horaires, à la mise en œuvre des programmes ; la vigilance par rapport aux contenus de savoirs à enseigner serait moins forte. On peut émettre l’hypothèse d’un sentiment de responsabilité vis à vis de l’enseignement de ces disciplines moins important que pour les précédentes. Des disciplines comme l’histoire, la géographie, les sciences seraient dans ce groupe.

Enfin, les disciplines marginalisées, délaissées sont celles pour lesquelles la propension à ne pas les enseigner ou à les confier à des intervenants extérieurs est la plus importante : les disciplines artistiques et l’éducation physique et sportive constitueraient ce dernier groupe.

Cette répartition des disciplines scolaires relève des déclarations des enseignants, elle comporte probablement aussi une part d’arbitraire inhérente à ce processus de catégorisation. Il est fort probable que d’un enseignant à l’autre, en fonction de divers facteurs, certaines disciplines fassent l’objet d’une valorisation particulière, c’est l’effet du style professionnel ; mais en tout état de cause, ces partitions individuelles ne touche pas le

« cœur » du métier.

Conclusion

La notion de polyvalence est affectée dans la littérature d’une pluralité de sens. Sans être véritablement définie, elle est utilisée dans les nombreux textes officiels qui portent sur l’enseignement et les enseignants du premier degré. De cette littérature institutionnelle,

Le modèle du « maître polyvalent », qui s’est construit progressivement, suscite aujourd’hui beaucoup d’interrogations, au point que certains auteurs n’hésitent pas à parler d’un modèle en crise, « la polyvalence en France est aujourd’hui, si ce n’est en crise, tout au moins en débat.[…]. C’est sa faisabilité même qui est régulièrement remise en cause.

Mais si le débat sur la polyvalence paraît si difficile à dénouer, c’est que chaque enseignant la revendique tout en la contestant » (Prairat & Rétornaz, 2002, p. 588).

Ce rapport complexe à la polyvalence cache probablement un exercice difficile du métier d’enseignant de l’école primaire au quotidien dans le contexte actuel. Les enquêtes essentiellement fondées sur des pratiques déclarées nous ont déjà permis d’approcher cette professionnalité enseignante. Pour poursuivre ce travail de connaissance, il nous semble indispensable aujourd’hui de dépasser ce stade et d’aborder, dans ce contexte, la question à partir des pratiques d’enseignement–apprentissage liées à une discipline scolaire, la géographie dans le quotidien de la classe.

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 104-109)