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L’enseignant-type des textes officiels

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 30-36)

2. Des modèles de l’enseignant à l’enseignant-type des textes officiels

2.2 L’enseignant-type des textes officiels

Depuis la fin des années 1980, une série de textes officiels fixe les attentes de l’institution relatives au métier d’enseignant et à son exercice. A travers les rapports, les référentiels de compétences, le cahier des charges pour la formation des maîtres (2006), se dessinent les contours d’un métier prescrit et requis. C’est la figure de cet enseignant-type que nous allons présenter.

Trois textes, vont nous servir de point d’appui pour étayer notre réflexion : le rapport Bancel (1989), le « référentiel de compétences et capacités caractéristiques du professeur des écoles » (1994) et le cahier des charges de la formation des maîtres en IUFM (2006).

Le rapport Bancel (1989): « Créer une nouvelle dynamique de la formation des maîtres »

Ce texte de portée générale sur la formation des maîtres, s’inscrit dans une logique de changement. Dans un contexte en mutation rapide, la réponse aux différents problèmes et défis auxquels est confrontée l’institution scolaire est la professionnalisation. Il faut professionnaliser les enseignants, d’où la mise en avant d’une professionnalité nouvelle qui passe par une professionnalisation de la formation. Ce sont les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (à prendre dans le sens des enseignants du premier et du second degré) qui vont assurer la formation de ces « nouveaux » maîtres. Pour les enseignants du premier degré, cette création marque une rupture forte ; avec la fin des écoles normales, ils seront formés, au moins en théorie, avec les autres enseignants.

Cette nouvelle formation doit permettre « de faire acquérir aux futurs enseignants un solide savoir universitaire au contact des lieux où s'élabore ce savoir et des compétences correspondant véritablement aux activités concrètes qu'ils devront assumer dans les divers établissements où ils seront affectés. C'est à cette condition qu'ils seront en mesure de suivre l'évolution de plus en plus rapide des connaissances et de contribuer, dans l'exercice efficace et épanouissant de leur métier, à la réalisation des objectifs tant quantitatifs que qualitatifs de la politique éducative nationale » (Bancel, 1989, p. 3).

La professionnalité qui se dessine s’articule autour de « solides savoirs universitaires », les savoirs de haut niveau caractéristiques d’une profession, et de compétences. Elle doit permettre aux enseignants de faire face aux évolutions, et aussi d’être efficaces. C’est selon les termes de l’auteur une « professionnalité globale » mais dans un sens différent de celui de V. Lang.

« Chacune de ces compétences met en œuvre trois pôles de connaissances qui délimitent les contours d'une professionnalité globale » (ibid., p. 3).

Cette professionnalité globale articule, pour tous les enseignants, sept compétences et

« trois pôles de connaissances ». Ces sept compétences et les trois pôles de connaissances sont repris dans le tableau suivant.

Ce rapport marque la reconnaissance d’une professionnalité enseignante spécifique :

« l'acte d'enseigner met en œuvre un ensemble très complexe de connaissances et de savoir-faire» (Bancel, 1989, p. 5). Il dessine une professionnalité enseignante nouvelle, « à l’organisation traditionnelle d’un plan d’action pédagogique viennent s’ajouter des compétences expertes en situation d’apprentissage, orientation, animation de projets et partenariat » (Barrère, 2002, p. 7). A ces « compétences expertes », s’ajoutent de nouveaux savoirs de référence : en psychologie, en sociologie etc. Pour les enseignants de l’école primaire, cette nouvelle professionnalité « laisse peu de place au messianisme républicain antérieur » (Peyronie, 1998, p. 17).

La professionnalité décrite dans ce rapport impose la figure de l’expertise professionnelle de l’enseignant (expertise fondée sur la maîtrise de compétences) gage d’efficacité, tant dans le second degré que pour les enseignants du premier degré. Ce rapport marque une rupture fondamentale dans la conception que l’institution a de l’enseignant et de l’exercice de ce métier. Il suppose le passage de la « professionnalité globale » (Lang, 1999) à une professionnalité que l’on peut qualifier de techniciste et spécialisée.

Le référentiel de compétences et capacités caractéristiques du professeur des écoles (1994)

Ce référentiel décline dans toutes ses dimensions, pour le professeur des écoles, « la professionnalité globale » telle qu’elle est décrite dans le rapport Bancel. Il se présente sous la forme d’une liste de trente-cinq savoirs ou savoir-faire que le professeur des écoles doit pouvoir mobiliser dans le cadre de l’exercice de son métier. Trois entrées organisent cette liste :

- Le professeur des écoles doit être capable d'enseigner à tous les niveaux de l'école primaire.

- Le professeur des écoles doit être capable d'enseigner dans une classe.

- Le professeur des écoles doit être capable d'enseigner dans une école.

La lecture de ce référentiel permet de constater que sur les trente-cinq savoirs ou savoir-faire que l’enseignant se doit de maîtriser, vingt-deux se rapportent au processus d’enseignement-apprentissage. Processus qui doit être maîtrisé pour tous les niveaux de l’école primaire et pour toutes les disciplines au programme (Annexe 1). Il constitue le cœur de cette nouvelle professionnalité prescrite par l’institution. L’enseignant de l’école primaire doit donc être un spécialiste des apprentissages. Alors que la pédagogie était

« l’emblème » du métier d’instituteur, la didactique pourrait bien être celui du professeur des écoles. Un passage de l’un à l’autre qui n’est probablement pas sans soumettre les enseignants à une certaine tension.

Alors que la classe à longtemps constitué l’espace unique de professionnalité pour les instituteurs, le référentiel de 1994 représente là encore une évolution importante. En effet, l’exercice du métier d’enseignant ne se limite plus à la classe. Il est exigé du professeur des écoles d’être capable d’exercer son métier à l’échelle de la classe – ce qui est traditionnel – mais aussi dans l’école et dans l’environnement extérieur. L’insistance mise sur les apprentissages dont le maître « doit assurer la continuité et la cohérence » conduit à des évolutions importantes. Désormais, il faut être capable de travailler en équipe, le maître doit également inscrire son activité dans « le cadre d'un projet d'école et d’un projet de cycle » (Référentiel de compétences, 1994). Autant de références à de nouvelles modalités de travail qui changent, elles aussi, l’exercice du métier d’enseignant à l’école primaire.

Le cahier des charges de la formation des maîtres en IUFM (2006)

Quinze ans après la mise en place des IUFM, la loi Fillon sur l’Ecole (2005) conduit à une modification du statut de ces instituts, et à une réforme de la formation des enseignants. Les nouvelles modalités de cette formation et ses objectifs sont contenus dans

« le cahier des charges de la formation des maîtres ». A partir de septembre 2007, il constitue le nouveau cadre réglementaire dans lequel doit être maintenant pensée et organisée la formation des enseignants en France.

« Enseigner est un métier qui s’apprend ». Une telle affirmation met en avant l’existence et le caractère transmissible de connaissances, de savoir-faire, de comportements professionnels, tout ce qui participe d’une professionnalité enseignante.

Elle pose aussi la question de la nature de cette professionnalité, et de ses modalités de construction.

« Le législateur a voulu que les compétences professionnelles des professeurs se construisent dans la durée – de la formation disciplinaire de base à l’adaptation au premier emploi – et que la formation professionnelle soit conçue sur le principe de l’alternance ».

Dans ce nouveau contexte, la formation des Professeurs des écoles est modifiée : quel parcours de professionnalisation, vers quelle professionnalité enseignante ?

L’article 5 du cahier des charges a fixé dix compétences qui doivent faire l’objet d’une « maîtrise suffisante » à l’issue de la formation professionnelle initiale. Elles s’imposent à tous les enseignants formés en IUFM, quelle que soit leur fonction, (« un seul référentiel de compétences pour tout type d’enseignant »). Toutefois, elles font l’objet de spécifications particulières pour les professeurs des écoles. Des sept compétences du rapport Bancel, la professionnalité enseignante prescrite par le cahier des charges passe à dix compétences. Entre 1989 et 2007, la professionnalité enseignante s’est donc

« enrichie » de trois compétences nouvelles. Comme si, pour répondre à des exigences sociales et aussi faire face à l’évolution des contextes professionnels, toute réflexion sur la professionnalité enseignante ne pouvait s’empêcher d’ajouter de nouvelles compétences à une liste déjà bien fournie.

Les dix compétences professionnelles :

- agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable ; - maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer ;

- prendre en compte la diversité des élèves ; - évaluer les élèves ;

- maîtriser les technologies de l’information et de la communication ;

- travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école ; - se former et innover.

Chaque compétence est ensuite déclinée en connaissances, capacités et attitudes, soit un total de 123 items (Annexe 2).

A titre d’exemple, et par ce que ce point est en rapport direct avec notre recherche, nous présentons ci-dessous la façon dont est présentée la compétence 3 relative à la maîtrise des disciplines. On notera que cette maîtrise seule ne suffit plus, puisqu’il a été ajouté « avoir une bonne culture générale ». Ce qui peut paraître superflu au regard de l’ensemble des disciplines à maîtriser, ensemble qui devrait garantir une bonne culture générale.

Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale

Connaissances

Le professeur des écoles connaît :

- les objectifs de l’école primaire et du collège ;

- les concepts et notions, les démarches et les méthodes dans chacun des champs disciplinaires enseignés à l’école primaire.

Capacités

Le professeur des écoles est capable :

- d’organiser les divers enseignements en les articulantentre eux dans le cadre de la polyvalence ; - de profiter de la polyvalence pour construire les apprentissages fondamentaux ;

- d’insérer dans les apprentissages les exercices spécifiques et systématiques pour développer les automatismes (lecture, écriture, calcul, grammaire, orthographe, éducation physique, etc.).

Attitudes

La maîtrise scientifique et disciplinaire du professeur le conduit à : - une attitude de rigueur scientifique ;

- à participer à la construction d’une culture commune des élèves.

Le « cahier des charges » marque une évolution majeure dans la façon dont sont rédigés les textes officiels, et, de fait, dans les prescriptions relatives au métier d’enseignant. Dans la mesure où la présentation de ces dix compétences n’est pas hiérarchisée (mis à part l’ordre d’énonciation), d’une part, et, qu’elles sont toutes déclarées

« également indispensables », d’autre part, il est bien difficile d’identifier ce qui pourrait constituer le « cœur du métier » d’enseignant.

De plus, aucun des précédents textes ne fixait dans le détail autant de compétences, de « savoirs professionnels », d’attitudes nécessaires à l’exercice du métier. Des éléments nouveaux s’ajoutent et viennent dessiner les contours d’une nouvelle professionnalité.

Ainsi, la dimension éthique est fortement renforcée, de même que la prise en compte individuelle des élèves ; le maître doit également s’investir à tous les niveaux de l’institution scolaire, utiliser les nouvelles technologies, prendre l’initiative de se former et d’innover. Il doit réussir (responsabilité pédagogique) son double mandat : instruire et socialiser (respect des règles, des valeurs ; valeur du travail individuel et collectif) chaque élève. A la « professionnalité globale » du rapport Bancel, le « cahier des charges » substitue, une « professionnalité totale » dans le sens où le maître « agent de l’Etat » doit être capable de tout faire et doit tout savoir faire.

Alors que dans le rapport Bancel, le terme de professionnalité est explicite, il ne figure plus dans les textes suivants. Pourtant, ces textes rédigés en termes de compétences professionnelles, de connaissances, et aussi de capacités et d’attitudes pour le plus récent, définissent bien ce que devrait être la professionnalité enseignante. Ils disent ce que doit être l’idéal à atteindre pour un enseignant. Le cahier des charges pour la formation des maîtres est le premier texte officiel qui exprime avec autant de précision ce que doit être le métier d’enseignant aujourd’hui pour l’Institution. En ce sens il définit, pour l’école élémentaire (et aussi pour le second degré), un enseignant-type. C'est sur la base de cette professionnalité « idéale » que seront évalués et certifiés par l’institution les professeurs des écoles stagiaires. Cet idéal représente également la norme à partir de laquelle les inspecteurs de l’éducation nationale pourront évaluer les enseignants dans l’exercice de leur métier. Il est donc possible d’écrire que ces dix compétences sont à la fois prescrites et requises par l’Institution.

Les textes officiels et notamment les référentiels de compétences portent en eux des modèles d’enseignant – toujours implicites dans les textes – qui sont des constructions, inscrites dans des paradigmes différents. Ainsi, le cahier des charges pour la formation des maîtres, peut être référé pour une part importante de son contenu au modèle de l’enseignant «professionnel, praticien réfléchi » (Altet, 1996). Il s’inscrit dans un contexte général qui est celui de l’évolution nécessaire du métier d’enseignant et donc de la formation de ces derniers, évolution qu’ils anticipent ou accompagnent. Dans ce contexte, et dans les divers écrits qui s’y rapportent, se trouvent toujours associées les notions de profession, professionnalisation et de professionnalité.

Ces notions de profession, de métier, de professionnalisation et de professionnalité s’inscrivent dans un champ sémantique complexe et polysémique (au moins dans le monde francophone) toujours présent dès que sont abordées les questions relatives au(x)

« métier(s) » d’enseignant, à leurs évolutions et à la formation à ce(s) « métier(s) ». Il nous semble donc important de préciser la signification de chacune de ces notions et les relations qui existent entre elles. Ceci nous permettra de présenter la signification que nous entendons donner à la notion de professionnalité dans le cadre de notre travail.

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 30-36)