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Nouvelle forme d’appropriation des savoirs; nouveau rapport au monde

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 133-136)

Tâche didactique de l’enseignant

Chapitre 5 Les savoirs scolaires

1.2 Nouvelle forme d’appropriation des savoirs; nouveau rapport au monde

Dans les formes sociales orales, « le mode de connaissance » est étroitement lié aux

« formes de relations sociales à travers lesquelles il se construit » (ibid., p. 25). De plus, comme les savoirs ne sont pas objectivés, l’apprentissage et donc l’appropriation de ceux-ci, ne peut se faire que « par le faire, le voir faire », voire par « ouï-dire » autant de modalités qui ne nécessitent « pas d’explications et qui ne passe pas nécessairement par le langage verbal » (ibid., p. 25). Dans de telles conditions, on peut considérer que l’apprentissage relève « d’apprentissage sur le tas, par immersion, par frayage », c'est-à-dire, d’un mode d’apprentissage qui relève d’un « processus anthropologique fondamental

sont indissociables » (Pastré, 2006, p. 2). C’est dans le monde familier, dans celui de l’expérience quotidienne du travail ou de la famille que s’effectuent alors les apprentissages, « les enfants sont placés dans le flux du faire et du dire et “ apprennent ” dans ce flux même » (Vincent, 1994, p. 25). Aussi, comme l’apprentissage se déroule au cours de la pratique et n’est pas séparée de celle-ci, le « savoir », dans cette situation, a un statut particulier, « il n’existe pas hors des situations de son effectuation, de sa mobilisation et indissociablement de son apprentissage » (ibid., p. 26).

Dans le contexte de société où dominent les formes scripturales-scolaires de relations sociales, les conditions de l’appropriation des savoirs sont très différentes. Le mouvement de constitution de la forme scolaire entraîne, en effet, une rupture avec les modes d’apprentissages antérieurs. Les caractéristiques des savoirs scolaires, posent alors « un problème historiquement inédit quant au mode de transmission des savoirs » (ibid., p. 31).

Les élèves, doivent s’approprier des savoirs décontextualisés, et qui « ont acquis leur cohérence dans / par l’écriture (à travers un travail de classification, de découpage, d’articulation, de mise en relation, de comparaison, de hiérarchisation, etc.) ». Aussi, ces savoirs nécessitent des « processus spécifiques de transmission, notamment le langage verbal » (ibid., p. 31). A des modes de transmission spécifique, on peut penser que répondent des processus d’appropriation spécifiques.

Si l’on peut considérer de façon sommaire, qu’apprendre à l’école consiste, pour les élèves, à intérioriser des savoirs scripturaux, P. Pastré (2006), dans Apprendre à faire, nous permet de mieux comprendre la spécificité de l’apprentissage scolaire. Alors que dans les sociétés dominées par les formes sociales orales, on apprend dans l’activité de travail, c'est-à-dire comme l’explique P. Pastré (2006) que l’activité productive et l’activité constructive – celle qui transforme le travailleur dans / par son travail – constituent un couple inséparable ». Dans ce cas, l’activité constructive, « n’est qu’un effet, qui n’est généralement ni voulu ni conscient. On peut parler alors d’apprentissage incident » (Pastré, 2006, p. 2). A l’école, « l’activité constructive devient le but de l’activité ; l’activité productive, qui, notons-le, ne disparaît pas, devient le moyen de réalisation de l’activité constructive. On a alors un apprentissage, non plus incident, mais intentionnel » (ibid., p.

2). Dans la mesure où l’école est « coupée » du travail, « une activité productive de la part des élèves pour servir de support à leur apprentissage » (Ibid, p. 3) est donc une condition nécessaire, et, suffisante.

L’école, en tant que lieu spécifique où s’inscrivent des formes de relations sociales liées au processus de transmission-appropriation de savoirs scolaires, instaure un autre rapport au temps et à l’espace de l’apprentissage. En ce sens elle est à l’origine d’un nouveau rapport au monde. Avec l’émergence de la forme scolaire, le temps de l’apprentissage est lui aussi séparé du temps de la pratique. Dans le cadre de l’école, le temps de l’apprentissage est un temps spécifique, avec ses modalités de découpage, par exemple le temps des cycles à l’école primaire, qui organisent et rythment les apprentissages des élèves. La temporalité de l’apprendre est donc déconnectée de celle du travail. De même, en temps que lieu spécifique, l’école est dissociée des autres lieux sociaux où s’effectuaient précédemment les apprentissages. Du fait de cette coupure, c’est un monde médiatisé par les savoirs scolaires, qui va être donné à apprendre. Ce n’est qu’ensuite que les élèves découvriront le monde du travail. Enfin, les modalités de mise en forme des savoirs scolaires, ne sont pas elles aussi sans effet sur le rapport au monde des élèves. En effet, « pour accéder à n’importe quel type de savoir scolaire, il faut maîtriser la

“ langue écrite ” […]. L’école est devenue le lieu d’apprentissage de la langue. C’est tout un rapport au langage et au monde que les pédagogues entendent inculquer aux élèves » (Vincent, 1994, p. 36). L’école, instaure donc un type nouveau de rapport au monde, un rapport réflexif et distancié vis à vis de ce qui relève de l’expérience familière. Dès lors, on peut considérer que « la forme scolaire de relations sociales est la forme sociale constitutive de ce que l’on peut appeler un rapport scriptural-scolaire au langage et au monde » (ibid., p. 36). Une telle considération, de la langue et des différents langages dans lesquels sont mis en forme les savoirs scolaires (codification), un élément clé dans le processus de transmission-appropiration des savoirs scolaires.

Dans les sociétés où dominent les formes sociales orales, les enfants apprennent par une « immersion » dans le monde des pratiques sociales, dans un rapport immédiat au monde. Tels, par exemple, ces enfants décrits par Delbos et Jorion (1984), qui apprennent le métier de paludier au contact des hommes sur le marais. Pour l’élève, apprendre passe par l’Ecole et le rapport scriptural-scolaire au langage et au monde qu’elle instaure.

Le concept de forme scolaire permet, notamment, de mettre en avant une spécificité des savoirs scolaires : des savoirs décontextualisés, objectivés, codifiés et scripturaux, et, l’instauration d’un rapport au monde particulier. Par contre, ce concept, de par ses

qui les structurent. Toutefois, avant d’aborder ces questions il est important de nous arrêter sur la notion de discipline scolaire, telle qu’elle a pu être définie dans le champ des sciences de l’éducation.

Dans le document UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE (Page 133-136)