• Aucun résultat trouvé

3.3.2.1 Valeurs familiales

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 74-77)

ARDECHE Sexe Age Situation 

I. 3.3.2.1 Valeurs familiales

La  famille  apparaît  ici,    tout  comme  au  niveau  européen  (European  Value  Survey,  Futuribles, 2002) est citée au rang des valeurs et principes fondateurs de la vie. En effet,  dans le développement des propos, tout au long des entretiens, la famille apparaît à la  fois  comme  schème  organisateur  de  l’existence,  comme  souci,  préoccupation,  comme  lieu  d’exercice  d’un  rôle  privilégié  d’entraide  et  de  soutien  entre  les  générations  alors  qu’elle n’apparaît pas à ce niveau « institutionnel » dans les propos des répondants des  zones urbaines et péri‐urbaines. C’est tout à la fois une vision hétéronomique et morale  du monde qui se révèle ainsi. En effet,  la famille en milieu rural est considérée comme  une  famille  élargie  (ascendants,  descendants  et  collatéraux).  Elle  est  portée  au  niveau  des valeurs en tant que lignée, souche et référentiel culturel. Les ruraux expriment ainsi  fréquemment un souci collectif pour l’avenir de leurs enfants et leurs petits‐enfants. « Je 

m’inquiète tous les jours pour nos enfants sur la route, et à cause de la violence à l’école pour nos  petits‐enfants.  Il  n’y  a  plus  de  justice ».  Ils  engagent  ainsi  dans  leurs  pensées  et  leurs  préoccupations  l’ensemble  de  la  cellule  familiale.  A  la  question  « quels  sont  vos  buts  dans la vie ? », les réponses mettent majoritairement en évidence cette préoccupation du  bien‐être des enfants et de la réussite des enfants, comme s’il ne pouvait ici y avoir de  place  pour  des  aspirations  strictement  individuelles  qui  ne  s’articuleraient  pas  à  l’existence et à la survie du groupe familial.  Le rapport aux ascendants se décline sur le registre du devoir moral. « moi ma maman est  tombée malade en 58, j’ai commencé à travailler à l’usine en 58, j’avais quatorze ans et alors ma  maman était handicapée elle avait la polyarthrite chronique, elle est devenue handicapée. Alors de  nos jours il y a les aide‐ménagères, il y a tout ce qu’il faut mais à mon époque à moi, il n’y avait  rien. Alors qu’est‐ce qu’il fallait faire, il fallait la laisser à l’hôpital elle allait y rester des mois ?  Alors mon père il m’a dit « écoute qu’est‐ce qu’on va faire de maman, on la met dans une maison,  qu’est‐ce  que  tu  penses  faire ? »  alors  j’ai  dit  « non  papa,  maman  je  la  garde,  je  m’en  occupe  moi .Je l’ai soignée toute sa vie, elle était en fauteuil roulant, ses soins et tout, je m’en repends pas  d’avoir  fait  ce  que  j’ai  fait.  J’ai  pas  de  regrets,  je  suis  heureuse,  malheureusement,  peuchère,  la  maladie elle a évolué…Maintenant les gens vous avec votre travail, vous les voyez les gens, dès  qu’il  y  a  un  petit  bobo,  ils  mettent  les  parents…Si  on  peut  garder  les  parents  à  la  maison  jusqu’au  bout  ou  une  partie  de  leur  vieillesse…Je  sais  pas  vous  mais  à  l’époque  on  gardait  ses  parents  c’était  le  devoir  de  toute  les  familles,  ma  cousine  vous  le  dira,  c’était  de  garder  ses  parents. C’était quelque chose de grave de mettre les parents dans les hôpitaux, dans les maisons  de retraite que maintenant… » (Madame Brunier, 07, 2). La famille est donc bien sûr le lieu  d’expression de liens et de solidarités (voir infra partie II) mais également comme enjeu  moral  (Lenoir,  2007).Le  devoir  qui  lie  les  générations  les  unes  aux  autres  s’exprime  en  termes de valeurs mais aussi de pratiques. Toutes les personnes natives, rencontrées sur  le  territoire  ardéchois,  ont  gardé  à  domicile  leurs  parents  âgés  et  s’en  sont  occupés  même dans la maladie et jusqu’à la mort. La plupart des parents est d’ailleurs morte à  leur  domicile  ou  au  domicile  des  enfants.  On  retrouve  ici  l’expression  d’une  solidarité  du  devoir  qui  s’oppose  à  la  solidarité  élective  des  jeunes  générations  et  du  monde  urbain.  (De  Singly,  2003).  Ces  conduites  semblent  se  transmettre  aux  générations  plus  jeunes puisque les trois fils de la personne qui s’exprime ainsi, encore célibataires à 35  ans, installés professionnellement en milieu urbain, viennent passer tous les week‐ends  chez leurs parents.  

90 % des personnes enquêtées chez les anciens exploitants soulignent l’importance des  relations  entre  les  générations  et  les  motifs  de  ces  liens  s’articulent  autour  de  la  transmission,  du  maintien  de  la  continuité,  de  la  compréhension  mutuelle.  « pour  perpétuer les traditions », « pour transmettre les valeurs des anciens », « transmission du savoir  ancestral ». Mais c’est aussi le souhait de voir la vie se perpétuer sur le même modèle qui 

s’exprime : « il faut dire aux jeunes de rester à la campagne. Comme ça les jeunes aident leurs  parents ». (Monsieur Courbon, 23, 1). Ou encore « à mes enfants, je vais régler la succession  de  mon  mari,  je  vais  leur  transmettre  déjà  les  champs  que  mes  aieux  ont  possédés. »(Madame  Gallice,  23,  1)  La  vie  autonome  et  indépendante  des  jeunes  générations  n’est  pas  souhaitée  par  les  générations  les  plus  âgées  qui  voient  dans  la  coexistence  dans  une  même localité de plusieurs générations une source de bien être pour les plus âgés, mais  aussi une garantie de la continuité de ce qui a été entrepris par les plus anciens. « l’été on  est souvent trois générations, ma fille, mon petit fils et ça marche bien, impeccable ». « avec mon  fils on est toujours ensemble, ce matin on était ensemble, je faisais les lapins, mon fils faisait les  bêtes »(Monsieur Lassagne, Ardèche, 1).     I.3.3.2.2. Le travail et autres principes moraux. 

Le  travail  apparaît  également  comme  une  valeur  qui  se  développe  sur  différents  registres  mais  le  plus  souvent  sur  un  registre  moral.  Inglehart  souligne  que  selon  le  niveau  de  prospérité  d’un  pays,  le  travail  peut  être  apprécié  en  tant  que  support  d’appartenance,  porteurs  d’épanouissement  individuel  et  de  qualité  de  vie  (Galland,  Lemel,  2007).Chez  les  enquêtés  du  milieu  rural,  le  travail  est  mentionnée  en  tant  que  valeur principalement de la manière suivante : « le goût du travail bien fait ». Le terme  beau  travail  est  souvent  utilisé.  Ainsi  « mais  nos  enfants,  ils  sont  bien,  c’est  de  beaux  travailleurs, ils ont de bonnes situations, on les a élevés comme ça ». (Monsieur Lassagne, 07, 1).  Il faut ici souligner que les bonnes situations ne sont pas des situations pécuniairement  très favorables. Ainsi l’un des enfants a repris l’exploitation agricole et fait de l’élevage,  l’autre est institutrice et le troisième handicapé est employé à la DDE. Le travail apparaît  comme une valeur en soi qui protège contre une mauvaise conduite. « on leur dit profitez  de  votre  jeunesse,  mais  honnêtement,  aimez  le  travail ».(Monsieur  Lassagne,  07,  1).  On  n’est  pas très loin ici de la conception Webérienne selon laquelle le devoir s’accomplit dans le  travail (Beruf). (Weber, 1964) 

Assez  souvent,  cette  mention  se  poursuit  par  l’énoncé  d’autres  valeurs  ou  principes  fondateurs  de  l’existence  porteurs  de  connotations  morales  qui  n’apparaissent  pas  en  zones  urbaines :  valeurs  religieuses,  droiture,  conscience,  honnêteté,  charité,  foi,  bonté,  ouverture  aux  autres,  respect,  éducation,  politesse,  formation  religieuse,  discipline,  solidarité,  convivialité.  Plus  précisément,  dans  l’enquête  FDSEA,  la  foi  est  souvent  mentionnée  comme  principe  directeur  de  l’existence  ainsi  que  tous  ses  adjuvants :  moralité,  vie  chrétienne…. « j’ai  reçu  une  éducation  religieuse  et  toute  ma  vie  j’ai  essayé  de   garder cette voie. La fois vous redonne confiance dans les moments difficiles ». 

Même explicitement, La référence aux valeurs ou à une éducation judéo‐chrétienne est  très  présente,  dans  de  nombreux  entretiens.  La  foi  est  souvent  mentionnée  comme 

principe d’action mais certaines personnes évoquent aussi une appartenance de fait à la  religion  catholique,  acquise  par  l’éducation  mais  à  laquelle  les  personnes  consentent.  « elles ne vous le disent pas mais elles sont de ferventes catholiques ! Bon, moi je suis catholique  de  principe,  je  ne  renie  pas  mes  origines  mais  je  suis  non  croyant  alors  que  les  filles  là  le  sont  beaucoup plus… »(Monsieur Duron, 23, 1). C’est ce que nous nommons l’ethos du certificat  d’études  ou  encore  une  version  laïcisée  d’un  socle  de  valeurs  judéo‐chrétiennes.  Bertrand  Hervieu  mentionne  comme  une  caractéristique  de  la  civilisation  paysanne  « son  attachement  aux  traditions,  à  l’Eglise  catholique,  aux  cadres  stables  de  la  République  ou  aux  organisations  professionnelles  (qui)  est  pour  une  large  part  le  fruit  même de la relation forte entre le lieu, le métier et la lignée. » (Hervieu, Viard, 2001). Le  regret d’un temps où les principes moraux étaient clairs et encadrés par des institutions  principes se fait jour au détour des conversations, même si parfois les personnes qui ont  été élevées dans des écoles tenues par des religieux soulignent la trop grande emprise et  la trop forte contrainte des règles imposées. « y’avait le curé, la religion tenait plus de place,  les gendarmes ils en avaient peur tandis que là ils n’ont peur de personne »(Couple Collange, 07,   1). La foi apparaît aussi comme un recours pour faire face aux difficultés de l’existence.  « c’est la…la foi, la religion ! (qui a guidé notre vie). Moi je dis, celui qui a pas de religion, qui a  rien,  eh  ben…il  est  malheureux,  parce  que…quand  il  arrive  un  coup  dur,  eh  ben,  on  a  besoin  de…voila…s’accrocher. »(Monsieur Labiole et Madame Henry, 07, 1) 

 

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 74-77)

Outline

Documents relatifs