• Aucun résultat trouvé

Le refus de manifester un engagement partisan 

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 125-128)

ARDECHE Sexe Age Situation 

I. 3.3.2.3 L’entraide et la solidarité

III.2.  Le rapport au politique : entre distance et proximité

III.2.1.  La distance à l’égard du niveau national et la méfiance à l’égard des positions partisanes : question de compétence ?

III.2.1.1.  Le refus de manifester un engagement partisan 

Les  différents  propos  concernant  la  sphère  de  la  politique  partisane  se  font  le  plus  souvent sur un registre « par défaut » cʹest‐à‐dire que les personnes enquêtées expriment  rarement  leur  opinion  ou  leur  positionnement  sur  un  échiquier  politique  de  droite  à  gauche mais laissent entendre ce que pourrait être leur positionnement s’ils en avaient  un, tout en laissant planer le doute sur le fait même qu’ils puissent avoir une idée en la  matière.  Une  certaine  forme  de  distance  à  l’égard  de  causes  partisanes  s’exprime  ainsi  qui ne met pas en cause l’engagement local. (Ion, 1997) 

Ainsi,  leurs  prises  de  position  sont  rarement  énoncées  sur  un  registre  personnel  mais  plutôt  comme  se  référant  aux  opinions  du  cru  ou  d’un  milieu  ou  encore  comme  prolongement  d’une  tradition  familiale.  Ainsi  cet  homme  de  la  Creuse,  conseiller  municipal depuis 1953 : «Le département de la Creuse est à gauche. Les maçons de la Creuse  vivaient dans la ceinture rouge parisienne, ils étaient exploités. C’était pas les 35 heures….Mon  père  était  plutôt  à  gauche.  Ils  n’avaient  pas  fait  d’études. »  (Monsieur  Abrial,  23,  1).  Cet  homme justifie le positionnement  des habitants de la région par un faisceau d’éléments  qui  relient  un  contexte  historique  et  géographique,  une  position  sociale,  et  l’histoire  familiale.  

D’autres expriment plus clairement leur refus de se positionner de façon partisane. Tout  engagement relevant du politique semble être honni : « syndiqué ? ah non, il faisait pas de  politique, c’est sûr qu’il avait ses opinions, mais il ne faisait pas de politique, non, non, là‐dessus,  il  était  pas  syndiqué,  moi  j’ai  jamais  été  syndiqué,  voyez. »  De  même  la  fréquentation  de  l’église paraît associé à une prise de position non souhaitée : « non, non, moi je vous dis, je  suis comme mon père, je fais pas de politique, je suis pas pour, je suis pas contre, chacun a ses  opinions… » (Monsieur Dutel, 23, 1). 

Même  des  personnes  ayant  eu  ou  ayant  encore  un  engagement  au  sein  d’une  municipalité se défendent d’un quelconque positionnement partisan. Ainsi à propos de  ses mandats au conseil municipal, cet homme se défend d’avoir eu un positionnement  alors  même  qu’il  souligne  l’adhésion  partisane  des  élus  locaux.  « c’est  moi  qui  me  suis  présenté,  j’ai  été  voir  quelques  personnes  que  je  connaissais  un  peu,  j’aurais  pu  rester  plus  longtemps  mais  en  plus  j’étais  pas  dans  mon  milieu.  Ici  ils  sont  communistes,  je  n’étais  ni  communiste, ni socialiste, je fais pas de politique, les gens votent pour ceux qui sont communistes  dans  la  Creuse,  c’est  pas  une  région  riche,  ils  sont  très  à  gauche,  disons  qu’ils  sont  socialistes…quand  il  faut  voter,  ils  votent  communistes. »(Mr  Rajot,  Creuse,  1).  Ainsi,  plusieurs personnes dans le département de la Creuse évoquent la tradition de vote de  gauche,  voire  de  vote  communiste  dans  ce  département  mais  aucune  des  personnes  rencontrées  n’a  affirmé  devant  nous  ces  options  politiques.  A  chaque  fois  qu’il  a  été  question de cette tradition communiste, nos interlocuteurs l’ont justifiée par la tradition,  l’histoire et la « pauvreté » du département.  

On  retrouve  ce  type  de  position  dans  le  département  de  l’Ardèche  où  rares  sont  les  personnes qui ont exprimé clairement leur choix politique. Mais de la même façon qu’en  Creuse, certains évoquent les traditions politiques du vote qu’ils relient à une partie du  territoire.  Ainsi  cet  homme  qui  insiste  sur  les  différences  de  « mentalités »  entre  le  plateau ardéchois et la plaine ou le bas, souligne les options politiques différenciées des  deux zones du territoire. « On ne sait pas exactement, écoutez pour la politique, le canton et la  vallée,  ça  varie,  le  plateau,  tout  le  plateau,  c’est  à  droite,  je  dirais  franchement  et  là  bas  en 

descendant, c’est la gauche, ici, c’est que la droite, ici, tout le plateau, c’est que la droite » (Jean  Lassagne, 2, 07) 

Cependant, quelques rares personnes au détour d’un propos plus général concernant les  valeurs  ou  les  modalités  de  leur  existence  laissent  entrevoir  leur  positionnement  politique. « Nous on a été, comment on peut dire ça, on a été élevé un peu à la dure…l’autorité  et  maintenant  vous  savez  quoi,  moi  je  suis  bien  content  de  voir,  ils  peuvent  pas  tout  faire  et  aujourd’hui  les  jeunes  pénibles,  il  y  en  a  beaucoup,  ils  en  sont  pas  maîtres,  ils  en  sont  pas  maîtres, moi je vous cache pas au niveau national, je me plains pas. » (Lassagne Roger, 07, 2).  Ou encore, à propos d’une comparaison entre la vie d’avant et la vie actuelle « ils font pas  mal  de  maisons  de  retraite,  il  y  a  des  aides,  si,  si  moi  je  trouve  quand  même  qu’ils  s’occupent  maintenant  bien  des  personnes  âgées…Chirac  a  fait  beaucoup  pour  tout  ça »  (  P.  Brunier,  Ardèche, 2) 

Un seul couple exprime, ses opinions politiques de manière directe et en soulignant la  différence  avec  les  opinions  supposées  communes  des  habitants  du  plateau  ardéchois.  « je ne me gêne pas pour le dire. On n’aime pas, on n’aime pas ce gouvernement, pas du tout… »   « le  plateau  tout  le  plateau  c’est  à  droite  je  dirais  franchement  et  là  bas  en  descendant  c’est  la  gauche, ici c’est que la droite, ici tout le plateau, c’est que la droite ». Mais en même temps la  méfiance  et  une  certaine  forme  de  mise  à  distance  s’imposent    « moi  des  politiques,  j’attends rien, on peut mettre n’importe qui, je vois qu’ils sont tous les mêmes » (Jean Lassagne,  07,2). 

La réserve observée quant à l’expression d’opinions politiques ne diffère finalement pas  beaucoup  de  ce  qui  peut  être  analysé  sur  l’ensemble  de  la  population  française.  Cependant,  cette  retenue  peut  s’envisager  de  deux  manières  différentes :  d’une  part,  comme  l’expression  d’un  désintérêt  ou  d’une  conscience  de  la  distance  entre  le  « pouvoir central et le pouvoir périphérique » mais aussi d’autre part comme le souci de  préserver  ce  qui  est  considéré  comme  étant  du  registre  de  l’intime.  L’appréciation  de  non  compétence  que  les  personnes  interrogées  portent  sur  elles‐mêmes  semble  constituer  un  obstacle  à  l’expression  de  points  de  vue  politiques. « pouh,  j’y  comprends  pas trop en ce moment, tout ce chômage, tous ces jeunes… »(P. Brunier, Ardèche, 2) . Mais si ce  jugement  d’incompétence  porte  ici  autant  sur  la  situation  globale  du  pays  que  sur  les  débats  politiciens,  il  n’empêche  pas  l’expression  au  fil  du  dialogue  d’avis  argumentés  sur certaines thématiques.  

     

III.2.1.2. Un regard politique au delà des frontières   

En  effet,  dans  les  deux  départements,  certains    discours  portant  sur  des  thématiques  relevant  du  niveau  d’intervention  national  voire  européen  se  développent  et  laissent  parfois supposer le positionnement partisan qu’elles recèlent. Ainsi en ce qui concerne  les thématiques de  l’insécurité ou  de l’immigration, les propos tenus donnent à penser  sur  les  convictions  de  ceux  qui  les  portent,  même  si  en  aucune  façon,  les  personnes  concernées  expriment  explicitement  leurs  choix.  « on  vient  de  350  kms,  de  Dreux,  dans  l’Eure et Loire, il y en a peut‐être pas qui connaissent mais à la télé, ils en parlent assez souvent,  on est arrivé là pour ça d’ailleurs, c’était invivable à cause des étrangers, hein…(…) je sais que  quand mes deux fils, ils étaient à l’école, à la maternelle, les français il fallait les compter sur les  doigts  de  la  main,  alors  les  femmes,  c’était  même  pas  la  peine  que  le  soir  elles  sortent,  c’est  infect…je  vois  mes  beaux‐parents,  (…)  ils  ont  un  beau  pavillon,  dans  la  journée,  ils  peuvent  même  pas  ouvrir  les  portes  de  leur  garage,  ils  sont  obligés  de  les  fermer  à  clef… »(Mr  Dutel,  Creuse, 1) 

Le  salaire  des  femmes  au  foyer  et  le  chômage  sont  également  des  thématiques  sur  lesquelles certaines personnes expriment des idées argumentées qui viennent contredire  l’expression  première  de  leur  désintérêt  ou  de  leur  incompréhension  des  politiques  publiques.  « Moi des politiques, moi ce que je reproche surtout à la politique, c’est que surtout  pour les mères au foyer, ils ont rien fait, moi je sais pas ce qu’elle a fait votre mère, moi, ce que je  leur  reproche,  c’est  surtout  ça,  surtout  ça,  parce  que  une  mère,  c’est  du  travail  ce  qu’on  a  fait  quand même ! Moi j’ai jamais travaillé ailleurs mais c’est du travail ce qu’on fait, l’argent est mal  divisé, vous en avez qui ont des retraites de ministres presque et d’autres comme ici des petites  retraites agricoles, qu’est ce que c’est, heureusement que vous avez pas votre loyer à payer, que  vous faites pas des frais… ici bon nos sorties sont vite faites, on va pas au théâtre, on va pas au  cinéma, mais on pourrait pas, on pourrait pas, c’est ça que je leur reproche, que je reproche au  gouvernement, ça a mal été, les choses sont mal divisées, d’ailleurs , y’aurait moins de chômage,  si  les  femmes,  d’ailleurs,  vous  en  avez  beaucoup,  une  mère  qui  travaille,  son  salaire  qu’est  ce  qu’elle en a fait, elle l’a donné aux nourrices et elle a pas profité des enfants quand ils étaient tout  petits, c’est ça, aujourd’hui, vous vous mariez, vous avez des enfants, qu’est ce que vous ferez si  vous allez travailler à l’université, il faudra les faire garder ! Quand est ce que vous verrez vos  enfants ?  Vous  leur  faites  leur  petite  toilette,  vous  les  portez  à  la  nounou,  vous  repartez  au  travail,  c’est pas une vie ça, c’est pas une vie et y en a 90 % qui le font, voyez dans les villes, bon  vous vous le savez plus que nous, tout ce qu’il y a, ils font tout ce qu’ils veulent les enfants, tu  fais ce que tu veux, tu rentreras quand tu voudras, hop tu irais voler, tu iras faire n’importe quoi  quand il y a une mère au foyer quand même, les enfants arrivent, ils savent qu’il y a quelqu’un,  ils font un goûter, ils font leur devoir tranquillement, ils sont retenus, mais si vous travaillez !!  C’est ça pour moi, c’est ça que je reproche, c’est pour ça qu’ils auraient dû faire… y aurait moins 

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 125-128)

Outline

Documents relatifs