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La figure sacralisée du maire

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 133-137)

ARDECHE Sexe Age Situation 

I. 3.3.2.3 L’entraide et la solidarité

III.2.  Le rapport au politique : entre distance et proximité

III.2.1.  La distance à l’égard du niveau national et la méfiance à l’égard des positions partisanes : question de compétence ?

III.2.2.2.  La figure sacralisée du maire

 

La conduite de l’action politique locale est incarnée dans la figure du maire. Le Maire est  non seulement le proche, celui que l’on connaît, qui est parfois, si l’on remonte à trois ou  quatre  générations,  inscrit  dans  une  lignée  familiale  mais  aussi  celui  qui  porte  au  quotidien le souci de ses administrés, de ses concitoyens. « le maire c’est Z, Patrick Z, (…)  non, non, non, ma mère c’était une Z mais ça a rien à voir justement, moi je croyais que c’était  un petit peu des parentés de ma mère mais non non non par contre lui c’est un neveu de Mme C,  c’est un neveu, c’est le fils de la sœur de Mme C… » (Brunier P, 07, 2)  Il incarne également la  communauté  d’appartenance,  dont  les  liens  sont  d’autant  plus  forts  qu’elle  se  trouve  géographiquement un peu à l’écart d’autres communes voire du monde. «  on fait partie  de la commune de Roux et on fait partie de la paroisse de Montpezat »  

 

(Madame  Brunier,  07,  2)  Ce  sentiment  d’appartenance  fort  induit  également  une  solidarité indéfectible à l’égard du maire qui est reconnu pour porter les intérêts de tous  et de chacun. Aucune des personnes interrogées n’a émis la moindre critique à l’égard  de l’action du maire ou de son conseil municipal. Au contraire ce sont les difficultés de  l’exercice d’un mandat de maire qui sont soulignées, de même que l’impuissance dans  laquelle il peut se trouver du fait de l’absence de moyens. « Eh bien, il fait tout ce qu’il peut  mais dans une petite commune, c’est pas facile, hein, il y a pas trop de commerces, il y a pas de  taxes professionnelles » (Tassy, 07, 1) Les actions menées sont commentées le plus souvent  positivement,  quelqu’en  soit  la  nature.  ‐qu’est‐ce  que  vous  pensez ?  –  « ça  se  passe  bien  oh  oui, oui, oui, qu’est ce que vous voulez, ce) qu’ils peuvent pas faire, il y a pas de miracles à faire,  c’est pas comme à Grenoble où c’est des grandes villes, ici ils font avec les moyens qu’ils ont hein  et si on leur donne pas  d’argent comment voulez vous qu’ils fassent mais si je trouve qu’ils se  débrouille bien, ils vont nous enfouir les lignes électriques et le téléphone je vous dis pas comment  ça va être pendant des mois, mais bon. »  (Madame Brunier, 07, 2)  Ce qui est fait pour l’ensemble des habitants en terme d’aménagements, de voiries, ou  comme ici d’enfouissement de lignes électriques est perçu comme une amélioration du  bien  commun,  même  si  ces  travaux  ne  viennent  pas  transformer  fondamentalement  la  vie des habitants. ‐ c’est du travail d’être maire dans une petite commune – « il s’en occupe bien  il va faire enfouir nos lignes. » (Monsieur Collange, 07, 1) 

Globalement,  même  si  des  regrets  s’expriment  quant  à  l’absence  ou  l’insuffisance  de  services, la responsabilité n’est jamais rejetée sur l’équipe municipale. «  moi des politiques  j’attends rien, on peut mettre n’importe qui je vois qu’ils sont tous les mêmes –et au niveau local,  sur la commune ? – ah ben nous on a un bon maire, faut pas se plaindre, ici on a un bon maire » 

(Monsieur  Lassagne  J.,  07,2)  On  peut  expliquer  ce  phénomène  de  deux  manières,  d’une  part  le  maire  est  inséré  dans  la  communauté  locale  et  il  partage  avec  ses  habitants  l’absence  de  ressources,  la  pauvreté  de  ces  zones  rurales  isolées,  d’autre  part  les  personnes  rencontrées  en  ce  milieu  se  satisfont  de  peu  de  services,  habituées  qu’elles  sont à s’auto‐suffire ou encore à compter sur des solidarités familiales ou de voisinages.  « eh  bien  ici  on  a  notre  maison  de  retraite,  on  a  médicalisé,  on  a  des  aide‐ménagères  pour  les  personnes qui veulent, qui peuvent rester chez elles. Eh ben oui, moi je crois que les gens vont pas  aller se plaindre. » (Madame Henry, 07,1)  Le maire est présenté le plus souvent comme un « bon « maire et comme « notre maire ».  Il ne s’agit ni de compétence, ni de résultats obtenus dans l’action publique menée mais  de sa proximité et de son souci de l’autre ainsi que de sa capacité à rester semblable aux  personnes qu’il représente. Sa disponibilité est également un gage de sa légitimité.  «  ah  mais si vous avez besoin, vous allez en mairie bien sûr si vous avez quelque chose à demander ou  quelque chose un service de quelque chose c’est bien à eux, la secrétaire elle vient deux fois par  semaine et si vous avez autre chose, vous essayez de joindre votre maire, ce qui est normal, c’est  bien  comme  ça  qu’on  fait,  mais  bon  m’enfin  que  quand  on  en  a  vraiment  besoin   »  (Madame  Brunier, 07 2) 

Le  maire,  ses  adjoints  et  la  secrétaire  de  mairie  sont  tout  à  la  fois  des  figures  locales,  auxquelles  s’arrime  un  fort  sentiment  d’appartenance  mais  aussi  des  recours  toujours  disponibles, quelques soient les difficultés de la population (Faure, 1991). Il exerce aussi  une  fonction  de  médiation  vis‐à‐vis  des  autorités  départementales  et  dans  son  rôle  d’intercession,  exerce  pleinement  ce  pouvoir  périphérique  décrit  par  Gremion.  Néanmoins sur les territoires investigués et dans les communes qui ne sont pas chef‐lieu  de  canton,  le  maire  n’est  pas  un  notable.  Une  position  notabiliaire  (Worms,  1966)  générerait sans doute une distance sociale qui mettrait en cause les modes relationnels  décrits plus haut.     III.2.2.3. Une identification inégale des instances de l’action publique .    Il s’avère difficile pour les personnes rencontrées d’identifier clairement les niveaux de  compétence national, départemental ou local dans l’absolu mais aussi dans le domaine  des aides procurées. Aussi n’est‐il pas rare d’entendre certaines personnes affirmer que  l’APA  est  octroyée  par  la  commune.(Monsieur  Collange,  07,  1).    D’une  manière  plus  globale, tout service rendu est le plus souvent attribué à l’initiative communale, tant « la  mairie » est le lieu du recours spontané des personnes.  

Le  conseil  général  est  identifié  comme  devant  intervenir  seulement  en  appoint  des  initiatives communales, comme un soutien financier possible et nécessaire. Par ailleurs,  de  même  que  la  fonction  de  Maire  est  très  personnalisée,  s’incarnant  dans  un  homme  connu dont on apprécie les qualités d’homme avant tout, la conseil général est identifié  à son représentant. « –Montpezat c’est le canton ? – Montpezat c’est toujours le canton mais  quand  même  le  conseiller  général  est  à  St  Cirgues »  (C  Lassagne,  ARD  2).    Ainsi  ce  ne  sont  jamais  les  services  du  Conseil  général  qui  sont  mentionnés  mais  seulement  les  élus  et  plus  précisément  celui  qui  est  l’ élu  du  canton.  «   ‐vs  avez  connaissance  de  ce  que  fait  le  Conseil  Général ?‐  Ben  oui,  je  le  connaissais  bien,  il  venait  souvent,  maintenant,  il  est  à  St  Cirgues –  il  venait  faire  quoi ?‐  oh  ben  il  débloque  les  subventions,  c’est  lui  qui  débloque  l’argent….pour  l’agriculture  et  même  pour  la commune  quoi.  Pour  la  commune, des  aides  aux  voiries, des aides à l’aménagement de certaines choses quoi, à la mairie, comme à Mazan, il y a eu  beaucoup de frais, mais il y a eu beaucoup d’aides, le CG a bien aidé… »(M. Lassagne, 07, 2)  On  retrouve  ici  les  éléments  d’une  autre  enquête  (Gucher,  Conseil  Général    38,  2001)  qui  témoignait du rôle attribué au conseil général. La déclaration la plus fréquente consistait  à affirmer que le conseil général devait venir en soutien aux communes, puis venait la  mise en place de transports publics. Spontanément les personnes attachent plus d’intérêt  à  ce  qui  se  passe  au  niveau  communal  et  font  davantage  confiance  à  la  représentation  qu’assure  leur  maire  qu’à  celle  d’autres  élus.    «   ‐savez  vous  entre  le  maire  et  le  CG  qui  intervient ?‐  oh  ben  moi  plutôt  c’est  la  mairie,  le  conseil  général  je  sais  pas  q’il  leur  donne  beaucoup d’argent – à qui ?‐ à la mairie, parce qu’il y a tellement de choses à faire, vous voyez  bien maintenant toutes les routes c’est le Conseil général qui l’a fait faire comme là bas au Pont  de  la  Beaume,  vous  avez  vu ? »  (Madame  Brunier,  07,  2)  Ces  éléments  ne  diffèrent  pas  véritablement de ce qui se joue sur la scène politique nationale dans la mesure où pour  l’ensemble des français, le maire est l’élu envers lequel la confiance est la plus grande.  Néanmoins, c’est ici la personnalisation de la fonction qu’il convient de souligner.  En revanche, le niveau de l’intercommunalité apparaît comme étant bien identifié par la  plupart des personnes rencontrées. L’information sur les projets en cours semble bonne  et la compréhension des enjeux des regroupements de commune assez adéquate. La loi  Solidarité  et  Renouvellement  Urbain  qui  a  déterminé  ces  nouvelles  articulations  était  initialement  fondée  sur  l’analyse  des  besoins  des  territoires  ruraux.  Il  semble  que  le  résultat soit probant dans la mesure où contrairement aux milieux urbains dans lesquels  l’intercommunalité  semble  brouiller  l’identification  des  compétences  respectives  des  différents  acteurs,  en  milieu  rural  la  reconnaissance  de  l’intercommunalité  semble  supplanter  progressivement  la  reconnaissance  du  Conseil  général.  (Gucher,  Mollier,  Boisseau, 2006). « –vous pensez que c’est bien le syndicat intercommunal ?  oui je pense oui je  pense  si  moi  je  pense  que  bon,  si  peut‐être  une  commune  n’a  pas  trop  d’argent  pour  payer  certaines choses l’autre commune le paie.. » (Madame Brunier, 07, 2) 

Ces  éléments  viennent  bousculer  la  tradition  rurale  selon  laquelle  le  canton  reste  un  repère  politico‐administratif  fort  pour  les  ruraux.  L’intercommunalité  semble  progressivement trouver une valorisation certaine pour les habitants de ces communes  isolées. « Pour l’avenir ils vont agglomérer les communes. –vous en pensez quoi ?‐ la commune  de  Mazan,  il  y  a  quand  même  un,  de  bonnes  petites  ressources,  elle  touche,  il  y  a  douze  cent  hectares de bois communal, de bois forestier et elle touche un impôt, ça lui rapporte de l’argent,  40MM  par  an  et  ça  permettrait  de  couvrir  beaucoup  de  choses.(…)  comme  les  routes,  je  veux  dire, les routes communales, c’est la ruine des communes, je le sais, j’ai été président 50 ans du  syndicat –et les communes agglomérées, vous en pensez quoi ?‐ moi je sais pas, je sais pas quoi  dire(…) il y en a beaucoup qui étaient contre (…) oui mais de moins en moins y’a du monde, il y  a un moment donné ça va arriver, qu’est‐ce que vous voulez, pour les subventions, les aides, ils  vont  faire,  je  pense »  (Roger  Lassagne,  07,  2). Néanmoins,  la  fonction  plus  symbolique  du  canton  comme  élément  d’une  division  républicaine  et  jacobine  de  la  Nation  ne  paraît  pas  pouvoir  être  gommé  tout  à  fait.  « Le  lien  particulier  entretenu  par  la  paysannerie  française  avec  la  République  peut  constituer  un  élément  explicatif  de    cet  attachement  des  anciens  agriculteurs  à  une  définition  traditionnelle  de  la  citoyenneté.  Dans  le  mouvement  que  nous  tentons  ici  d’éclairer,  il  n’y  a  pas  une  campagne  en  soi,  hors  de  toute  histoire.  Il  y  a  une  campagne  dans  un  pays  qui  comme  les  autres,  cherche  ses  marques  pour  un  futur  incertain ;  mais  à  la  différence  des  autres,  le  cherche  à  partir  d’une  histoire  républicaine,  jacobine  où  la  campagne  fut  le  socle  d’un  corps  collectif  spatialisé dont l’Etat parisien était la tête unique. » (Hervieu, Viard, 2001). 

Néanmoins  le  risque  que  les  intérêts  communaux  spécifiques  viennent  se  dissoudre  dans  les  pratiques  d’intercommunalité  est  clairement  identifié  par  les  personnes  rencontrées.  

« . Maintenant on sait pas ce que ça va faire cette communauté‐ expliquez moi‐ eh ben c’est les  communes qui se rassemblent. 5 ou 6 communes qui sont rassemblées, obligatoirement. Le préfet  a  été  obligé.  J’ai  l’impression  que  ça  aussi  ne  sera  pas  bien‐  pourquoi ?‐  parce  que  chaque  commune pensera pour sa commune. (…) » (Jean Lassagne, 07, 2) 

Malgré  tout  la  nécessité  de  faire  front  commun  pour  envisager  le  développement  des  territoires  ruraux  enclavés  est  envisagée  de  façon  très  consciente  par  les  habitants.  « la  communauté  de  communes,  je  peux  pas  être  contre,  j’étais  au  CM  quand  elle  a  été  crée  pour  l’école.  Après  ça  s’est transformé…On  a  aidé quelqu’un  à monter  une chocolaterie,  ça  a  été  un  fiasco, c’était un farfelu, c’était peut être une erreur, ils avaient pas de bons renseignements, pour  Nouziers, ça a pas été mirobolant, pour la Cellette, a a aidé à rouvrir une auberge…avec le maire  de Nouziers ça se passe mal, ils sont pas du même bord…Ils veulent être un peu au dessus du lot,  c’est mon point de vue… Quand il y en a deux, ça peut pas marcher » (Monsieur Courbon, 23,  2).  

Ainsi,  globalement,  au‐delà  de  leur  attachement  indéfectible  à  la  commune,  les  personnes interviewées témoignent d’un intérêt certain pour les formes renouvelées de  l’action  publique  locale.  Leur  connaissance  des  enjeux  de  ces  nouvelles  manières  d’envisager l’action publique est sans aucun doute liée à leur connaissance précise, liées  à  l’expérience  vécue,  des  difficultés  auxquelles  se  confrontent  ces  territoires  ruraux  enclavés mais aussi de leur proximité avec leur maire, qui assure, à l’image des saints de  tous  les  temps,  un  rôle  capital  d’intercession  en  leur  faveur.  Cette  familiarité  avec  l’action  publique  se  traduit  et/ou  s’explique  également  par  les  engagements  nombreux  et  assumés  comme  une  évidence,  que  ces  personnes  développent  au  sein  de  leur  communauté de vie.  

 

III.3. La spécificité rurale des définitions et réalités de l’intégration sociale des 

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