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Des frontières floues entre le registre professionnel et le registre des solidarités informelles, le service public et les services libéraux ou 

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 59-61)

ARDECHE Sexe Age Situation 

I.1.  Deux territoires ruraux, appartenant au rural isolé, restant très marqués par l’activité agricole

I.1.2.  Deux territoires ruraux contrastés mais comparables, appartenant au rural isolé, très vieillissants

I.2.1.7. Des frontières floues entre le registre professionnel et le registre des solidarités informelles, le service public et les services libéraux ou 

marchands.  

Globalement, on peut dire que ces territoires sont relativement bien couverts en services  gérontologiques.  En  tout  état  de  cause,  ils  suffisent  à  satisfaire  les  demandes  qui  leur  sont  adressées.  Cependant,  leur  adéquation  aux  demandes  ou  aux  besoins  des  populations  semble  essentiellement  tenir  à  leur  souplesse  et  repose  sur  deux  éléments  clefs. 

       ‐   une frontière floue entre registre professionnel  et solidarité locale. 

Les  modalités  d’intervention  de  ces  services  diffèrent  fortement  de  ce  qu’on  peut  rencontrer en milieu urbain et il faut souligner l’improbable frontière entre ce qui ressort  du cadre de l’intervention professionnelle et ce qui découle d’une relation de proximité  liée  à  une  appartenance  commune  au  territoire.  Ainsi,  les  facteurs  sont  ils  mis  à  contribution  pour  quelques  courses,  de  même  que  les  infirmières.  Les  médicaments  peuvent  être  achetés  par  les  voisins  ou  l’IDE…  Chacun  joue  sa  partie  professionnelle  mais  intervient  aussi  du  fait  de  sa  participation  à  cette  société  d’interconnaissance  où  chacun  se  sent  co‐  responsable  de  la  personne  vieillissante  en  difficulté :« Mon  cousin  s’approvisionne  pour  une  semaine  et  le  facteur  amène  le  pain  parce  qu’il  ne  conduit  pas,  ma  cousine  non  plus… »  (Madame  Brunier,  07).  Cette  mobilisation  d’acteurs  non  professionnels du secteur gérontologique se retrouve également en Creuse où le service  de  portage  de  repas  à  domicile  ne  prévoit  pas  le  pain  accompagnant  le  repas  pour  permettre la visite quotidienne du boulanger. Cette absence de limites se trouve à tous  les  niveaux  de  l’intervention  publique.  De  même  que  les  professionnels  de  l’aide  à  domicile assurent des fonctions relevant des solidarités de voisinage, les élus locaux sont  amenés  à  intervenir  bien  au‐delà  des  frontières  officielles  de  leur  mandat.  C’est  toute  une  économie  de  services  réciproques  qui  se  développe  et  à  laquelle  chacun  participe,  quelle que soit sa position professionnelle.  

Il  apparaît  dans  ces  territoires  que  l’imbrication  de  la  sphère  privée  et  de  la  sphère  publique est ancienne. En effet, l’inscription des familles, des personnes vieillissantes, de  leur  voisinage  sur  un  territoire  restreint  génère  une  proximité  de  vie  dans  laquelle  chacun trouve sa place, sans conflit avec l’autre. La géographie du territoire, les rigueurs  climatiques  génèrent  de  forts  liens  d’interdépendance  entre  les  habitants  des  mêmes 

hameaux et le professionnel est tout autant un voisin qu’un spécialiste de l’intervention  gérontologique.  Par  ailleurs,  la  pénurie  d’intervenants,  les  distances  rendent  indispensables l’articulation entre les interventions professionnelles et les interventions  de  voisins,  de  familles  ou  d’amis,  chacun  étant  convaincu  de  la  place  juste  de  la  personne  âgée  à  cet  endroit.  On  peut  souligner  qu’il  apparaît  ici  normal  que  les  pompiers véhiculent les infirmières jusqu’à leur lieu d’intervention en cas de neige trop  abondante. Et chacun est également convaincu de l’aide qu’il pourra recevoir en cas de  besoin,  quelques  soient  les  conditions  de  l’intervention.  Et  si  le  secours  ne  vient  pas,  c’est tout simplement qu’il est rendu impossible par le climat et l’état des routes.  

‐ une frontière imprécise entre Service public et services marchands ou libéraux. 

Sur  ces  territoires  inégalement  pourvus  en  acteurs  gérontologiques  « traditionnels »  (services  d’aide  et  de  soins  à  domicile…),  d’autres  acteurs,  notamment  du  secteur  marchand (restaurateurs par exemple ou taxis…) se sont imposés comme compléments  essentiels des actions départementales ou municipales. Le service de repas du territoire  creusois  est  assuré  par  l’association  de  développement  local  qui  met  à  contribution  le  charcutier  traiteur  de  la  vielle  proche  pour  la  fabrication  des  repas.    Du  fait  de  la  nécessité et de la proximité, il n’est pas rare que le restaurateur local se soit offert comme  pouvant  fournir  des  repas  à  domicile  à  des  personnes  isolées  de  même  que  des  taxis  effectuent non seulement le transport mais aussi l’accompagnement des personnes pour  des  consultations  médicales  ou  des  courses.  Cette  organisation  informelle  mais  fonctionnelle  se  rapproche  des  usages  quotidiens  des  gens  âgés  qui  ne  semblent  pas  établir  de  frontières  entre  ce  qui  s’inscrit  dans  des  aides  émanant  de  la  sphère  privée  (famille, amis, voisins) et ce qui s’inscrit dans le cadre d’une offre de service public ou  parapublic.  Et  lorsqu’on  demande  aux  personnes  interviewées  ce  qui  existe  comme  services pour les personnes âgées sur leur territoire, elles mentionnent de manière non  distincte tout aussi bien les commerces, que les services publics ou encore que les aides  spécifiques.  « des  aide‐ménagères  il  y  en  a  de  plus  en  plus  qui  en  prennent,  ils  sont  subventionnés et puis il y a les soins à domicile à Genouillat, il y a des gens qui viennent les lever  et  les  coucher…(…)  Le  taxi  ambulance,  à  Bordessoule,  ça  a  pris  de  l’ampleur  depuis  quelques  années, ça s’est beaucoup développé. Sinon, il y a le café dépôt de pain, la restauration à midi, des  jeux de grattage, je peux vous dire que ça marche. » (Monsieur Courbon, 23, 1) 

Certaines  offres  de  services  renvoient  tout  autant  au  registre  de  l’aide  aux  personnes  âgées qu’à la vie locale qui s’organise autour des derniers commerces restant.  

Cependant, la place faite aux initiatives privées semble plus importante en Creuse qu’en  Ardèche.  En  effet,  l’EHPAD  existant  est  de  gestion  privée  et  le  système  des  villas‐ familys se développe également sur ce territoire.38 

En  tout  état  de  cause,  la  réorganisation  des  compétences  et  l’apparition  d’acteurs  potentiels du secteur marchand nécessitent l’invention d’arrangements qui relèvent tout  autant  de  la  volonté  politique  locale  que  des  atouts  d’une  société  d’interconnaissance  dans laquelle la proximité joue tantôt comme facteur de mise en synergie des potentiels  existants,  tantôt  comme  alibi  d’une  mise  en  concurrence  de  nature  à  desservir  les  populations  locales.  L’invention  au  quotidien  rendue  nécessaire  par  les  logiques  administratives  et  politiques  se  heurte  parfois  aux  logiques  d’intérêts  sectoriels.  (Argoud, Bessac, Daure, 2006). 

 

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