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Une coordination improbable

Dans le document Vieillir en milieu rural (Page 53-57)

ARDECHE Sexe Age Situation 

I.1.  Deux territoires ruraux, appartenant au rural isolé, restant très marqués par l’activité agricole

I.1.2.  Deux territoires ruraux contrastés mais comparables, appartenant au rural isolé, très vieillissants

I.2.1.4.  Une coordination improbable

En Ardèche, l’absence de formation des aides à domicile semble nuire potentiellement à  une  possible  coordination  avec  les  intervenants  du  secteur  du  soin  qui  sont,  essentiellement des professionnels en exercice libéral. 

Le  partage  des  rôles  avec  les  auxiliaires  de  vie  ou  aides  à  domicile  ne  se  fait  pas  sans  peine,  chacun  de  ces  acteurs  professionnels  gardant  jalousement  sa  place.  Une  rivalité  s’est  au  fil  du  temps  installée,  les  IDE  contestant  les  qualités  professionnelles  des  auxiliaires de vie : « Elles marchent régulièrement sur nos plates‐bandes : elles prétendent faire  les  toilettes  et  vont  même  parfois  jusqu’à  distribuer  les  médicaments  sans  aucune  compétence.  Vous  vous  rendez  compte  des  risques ! ».  (Entretien  IDE  libérale  Montpezat).    Cette  contestation n’est peut‐être d’ailleurs pas sans fondement puisque les responsables des  services  d’aide  à  domicile  évoquent  tout  à  la  fois  la  difficulté  de  trouver  du  personnel  fiable,  engagé  et  formé  ou  susceptible  de  s’engager  dans  un  processus  de  formation :  « La  continuité  de  présence  pose  problème  dans  le  maintien  à  domicile  et  aussi  le  manque  de  compétence. On a beaucoup de mal à trouver des filles qui accepteraient de se former et le plus  souvent  elles  ne  veulent  faire  que  des  temps  partiels  pour  se  faire  un  petit  complément  de  revenus. » (Responsable du service d’aides à domicile de Montpezat sous Bauzon). 

La  rivalité  avec  les  institutions  d’accueil  pour  personnes  âgées  est  également  sensible  mais  elle  n’est  pas  une  spécificité  de  ce  milieu  et  de  ce  territoire.  En  effet,  dans  l’ensemble du secteur gérontologique, il n’est pas rare de constater une ligne de fracture  entre les intervenants du domicile et ceux des institutions. Ces oppositions relèvent de  partis pris quasi idéologiques pour l’une ou l’autre des formes d’accompagnement et de  prise en charge des personnes vieillissantes. 

Au‐delà de ces positionnements conflictuels c’est l’ignorance mutuelle qui domine et le  secteur  libéral  semble  fonctionner  en  vase  clos,  sans  interactions  avec  d’autres  acteurs  du secteur public ou associatif. Les IDE libérales disent ne pas connaître les assistantes  sociales (du Conseil Général ou des Caisses de Retraite) intervenant sur le territoire et la  seule concertation qu’elles mentionnent se passe avec le médecin traitant des personnes.   Cependant, les médecins ne paraissent pas tous vouloir endosser un rôle de référent ou  de coordination des intervenants libéraux, même si au niveau de la région Rhône‐Alpes,  le  colloque  de  l’Union  Régionale  de  Médecine  Libérale  laisse  apparaître  une  mobilisation  collective  pour  faire  reconnaître  les  compétences  des  médecins  libéraux  dans le domaine de la formation des personnels intervenant à domicile mais aussi dans  la  réflexion  à  l’échelon  local  pour  la  mise  en  œuvre  de  politiques  gérontologiques  ad  hoc. (URML, 2005). 

En tout état de cause, ces professionnels du secteur libéral ne s’associent pas facilement  aux  réflexions  éventuelles  menées  par  les organismes  publics  tels  les communautés  de  communes  et  leur  expérience  reste  de  l’ordre  de  la  confrontation  singulière  avec  l’usager,  du  domaine  de  l’intime.  Cependant  elles  peuvent  se  positionner  comme  porteuses d’initiatives qui se situent en prolongement de leurs pratiques et n’envisagent  pas  alors  un  fonctionnement  concerté  avec  l’ensemble  des  acteurs  du  territoire.  Elles  n’attendent  du  domaine  public  que  des  soutiens  d’ordre  financiers  et  logistiques  pour  des projets dont elles entendent garder la maîtrise.  

Sur  les  pentes  et  sur  le  plateau,  il  semble  que  les  secrétariats  de  mairie  constituent  un  lieu de recueil et de mise en commun d’informations dans la mesure où les personnes  qui  bénéficient  de  services  sont  connues  chacune  individuellement,  et  que  leur  environnement de voisinage et familial est également connu. Les acteurs de terrain sont  inscrits localement et participent d’une forme de communauté villageoise qui permet à  chaque intervenant de rencontrer les autres intervenants et de se concerter de manière  informelle sur la place ou à la boulangerie du bourg. Aucune rivalité professionnelle ne  s’exprime ici et la mise en commun d’informations semble plutôt spontanée. Toutefois, il  n’est pas possible de parler de coordination formalisée et méthodique.  

Il  est  donc  possible  d’affirmer  que  selon  les  caractéristiques  de  telle  ou  telle  partie  du  territoire,  ce  sont  tantôt  des  rivalités  et  des  concurrences  qui  s’expriment,  tantôt  une 

complémentarité  qui  s’explique  sans  doute  au  moins  partiellement  par  la  pénurie  de  moyens  en  services,  en  structures  et  en  intervenants  professionnels.  Ce  qui  amène  chacun  à  devoir  compter  sur  l’autre  et  à  les  prendre  en  compte  également  la  sphère  familiale et tous intervenants susceptibles d’apporter une contribution au mieux être des  gens âgés, quelles que soient leurs fonctions. On retrouve donc ici les habituels freins à  la  coordination,  largement  analysés  par  ailleurs  (Frossard,  Boitard,  Jasso‐Mosqueda,  2001),  mais  qui  ont  été  en  milieux  urbains,  parfois  dépassés,  grâce  à  l’impulsion  gouvernementale donnée aux dispositifs de coordination avec le décret de 2001 portant  création des Centres Locaux d’Information et de Coordination.  

L’absence  de  coordination  formalisée  ne  paraît  pas  de  nature  à  poser  problème,  aux  dires  des  divers  intervenants.  Mais,  on  peut  s’interroger  sur  les  limites  de  la  confidentialité des échanges d’informations qui se font de manière informelle et parfois  dans  des  lieux  publics.  Le  respect  de  la  vie  privée  des  personnes  peut  être  menacé  lorsque des professionnels –qu’ils soient du secteur para‐médical ou des administratifs  comme les secrétaires de mairie‐ échangent des informations dans des lieux non adaptés  tels que les commerces locaux.  

En  Creuse,  aucune  coordination  formelle  n’a  pu  aboutir.  Un  projet  de  Centre  Local  d’Information  et  de  Coordination  gérontologique  (CLIC)  a  été  cependant  initié  par  le  service de soins à domicile mais n’a pu aboutir, faute de financement. On retrouve ici les  difficultés de la mise en œuvre du décret de 2001, en fonction des rivalités des porteurs  potentiels  sur  un  territoire  mais  également  des  retards  dans  le  financement  des  expériences  de  coordination.  (Amyot,  2006).    Néanmoins,  contrairement  aux  rivalités  entre  professionnels  qui  s’expriment  en  Ardèche,  il  semble  qu’une  forme  de  coordination se soit mise en place puisque les différents services se concertent une fois  par mois sur les dossiers partagés.      I.2.1.5. Les maisons de retraite, emblèmes incontournables d’une localité,  en Ardèche.   Le territoire creusois semble peu doté en établissement d’accueil pour personnes âgées.  En effet, il n’existe qu’un EHPAD37, établissement privé, de 80 places, dont l’agrément  au titre de l’aide sociale a été dénoncé depuis 1984. La place à l’initiative privée semble  avoir  été  largement  laissée  par  les  communes  qui  n’ont  pas  développé,  contrairement  aux  communes  ardéchoises,  une  politique  volontariste  de  développement  d’établissements  d’hébergement.  Le  développement  des  services  de  soutien  à  domicile  semble avoir fait l’objet d’une volonté politique plus forte.  

En  revanche,  le  canton  ardéchois  étudié,  bénéficie  de  deux  établissements  de  taille  importante,  alors  même  que  d’autres  établissements  d’accueil  hors  du  canton,  se  trouvent  néanmoins  dans  un  périmètre  restreint  de  10  à  20  kilomètres.    Il  importe  de  souligner  que  l’Ardèche  bénéficie  d’un  taux  d’équipements  en  maisons  de  retraites  médicalisées  (EHPAD  aujourd’hui)  supérieur  aux  moyennes  régionales.  Ces  établissements sont le plus souvent anciens mais rénovés et ils expriment d’une part une  vision  ancienne  de  ce  que  les  collectivités  locales  pensaient  devoir  faire  pour  les  personnes âgées mais aussi le souci conjugué de l’emploi local porté par les maires de  ces  communes  rurales  dans  lesquelles  le  travail  est  rare.  Ils  confirment  également  l’existence de trajectoires de prise en charge pré‐pensées par les élus, les professionnels  mais aussi la société civile locale qui conduisent inévitablement –sauf cas de mort rapide  et brutale‐ la personne évoluant vers la dépendance de son domicile à un établissement  (Gucher, 2005).  En effet, comme partout en France, le poids électoral des personnes retraitées et âgées et  la tradition d’assistance aux vieillards ont amené les maires à s’intéresser à l’avenir des  anciens.  La  maison  de  retraite,  élément  le  plus  visible  d’une  politique  a  souvent  été  brandie comme un étendard flambant pour dire l’intérêt porté par les édiles locaux aux  plus âgés de leurs concitoyens. Ces constructions emblématiques se sont aussi  inscrites  dans une vision aujourd’hui désuète du vieillissement. La représentation des plus âgés  s’articulait  autour  de  leur  besoin  de  calme,  de  tranquillité,  de  repos  et  de  présence  bienveillante.  Ces  représentations  persistent  aujourd’hui  néanmoins  du  côté  des  habitants  de  ces  territoires.  « encore  qu’à  Montpezat,  je  trouve  que  …Robert,  il  est  pas  mal  parce que bon, on le fait pas lever tôt le matin, qu’à huit heures et demi, on lui porte son déjeuner.  Tandis  que  Charles,  là,  au  début  qu’il  était  fatigué,  on  les  faisait  lever  à  7  heures  et  demi.  Je  trouve  que  quand  même,  c’était  pas  bien.(…)  Tandis  que  Robert,  qu’à  huit  heures  et  demi  il  déjeune, il mange qu’à midi, il mange qu’à sept heures le soir. Tandis qu’à Clair‐matin, comme  Charles maintenant que le soir il peut pas aller manger, c’est 6h moins le quart. Ça fait de bonne  heure ».  (Sœur  Brunier  C  et  R,  07,  3).  Offrir  un  lieu  de  vie  confortable,  sécurisant,  à  des  personnes  confrontées  jour  après  jour  aux  difficultés  matérielles  générées  par  un  environnement naturel parfois hostile à ceux qui n’ont plus autant de capacités pour y  faire  face,  apparaissait  comme  un  devoir  collectif  de  la  communauté  incarnée  par  la  volonté du maire.  

Cependant,  peu  de  solutions  alternatives  ont  vu  le  jour  dans  ce  territoire  rural  et  la  maison  de  retraite  est  restée  la  référence  en  matière  de  politique  gérontologique.  Un  récent numéro de l’Express  titré « Seniors : où vit on le mieux en France ? »  classe les  départements  à  partir  notamment    du  nombre  de  places  d’hébergements  en  EHPAD.  L’Ardèche  est  classée  « n°  1  de  l’action  sociale »  avec  un  titre  éloquent  « Ardèche  de  cœur  avec  les  anciens »  en  raison  du  grand  nombre  de  places  disponibles  en 

établissements  (Express,  2007).Il  est  intéressant  de  constater  que  les  habitants  de  ces  lieux ont toujours en tête cette seule référence dans le domaine des actions municipales  en  direction  des  vieux.  « ah,  tout  le  monde  le  souhaite,  hé.(une  maison  de  retraite)  Tout  le  monde le souhaite. Et le maire, lui, le pauvre il fait tout ce qu’il peut » (Mesdames Tassy, 07 ,3) 

La  diversité  des  reliefs,  des  climats  et  des  mentalités,  sur  le  territoire  ardéchois,  sans  doute  aussi  l’identité  locale  très  forte  ont  suscité  une  revendication  collective  forte  à  avoir une maison de retraite au plus près de chez soi. Les maires ont également soutenu  ces revendications pour des raisons économiques. La lutte contre l’exode rural passant  en  partie  par  le  maintien  d’emplois  au  pays,  les  maisons  de  retraite,  tout  comme  les  hôpitaux  locaux  d’ailleurs,  ont  été  « utilisées »  comme  supports  d’emplois.  La  mobilisation des maires reposait donc sur un double motif : offrir aux anciens un lieu de  vie confortable pour leurs vieux jours mais aussi revitaliser le tissu économique local.   Ainsi ces établissements constituent une ressource importante pour l’économie locale et  les personnes qui y travaillent sont majoritairement des femmes de la localité ou de la  région.  Néanmoins  le  nécessaire  recours  à  des  personnels  plus  qualifiés  pour  les  soins  dans  le  cadre  des  transformations  de  ces  établissements  en  EHPAD  ne  trouve  pas  toujours de solution localement et il est alors difficile de recruter des infirmières venues  d’ailleurs et prêtes à s’implanter dans ces territoires isolés et relativement fermés, dans  lesquels le logement de nouveaux arrivants se pose comme problème. 

 

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