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RESPECTIVES DES PARTIES

3. Obligations des parties dans un accréditif irrévocable avec intervention d'une seule banque intervention d'une seule banque

3.1. Obligations de la banque émettrice, mandataire et assignée Dans une opération d'accréditif, la banque émettrice assume le double rôle de

3.1.2. Vérification des documents

Une des obligations principales de la banque émettrice, en sa qualité de man-dataire, est d'"[ ... ] examiner avec un soin raisonnable tous les documents stipulés dans le crédit pour vérifier s'ils présentent ou non l'apparence de conformité avec les termes et les conditions du crédit" (art. 13 a RUU)202. Ce n'est en effet que si les documents convenus sont présentés, leur conformité établie, et toutes les conditions du crédit documentaire remplies, que la ban-que émettrice pourra réaliser l'accréditif (art. 9 a RUU).

La banque ne doit examiner que la conformité formelle ou apparente des documents, sans avoir à vérifier s'ils correspondent effectivement à la mar-chandise expédiée par le vendeur; en d'autres termes, la banque n'est pas appelée à s'assurer de la conformité matérielle des documents reçus203 . La conformité apparente204 des documents stipulés avec les conditions de l'ac-créditif sera déterminée en fonction des pratiques bancaires internationales telles que reflétées dans les RUU (art. 13 a RUU)205.

La banque doit s'assurer que les documents ne sont ni entachés de vices de forme, ni incompatibles entre eux206 avant de les accepter. Elle doit égale-ment vérifier que les docuégale-ments qui lui sont présentés ne sont ni faux ni falsifiés, sans avoir toutefois à entreprendre des vérifications approfondies lui permettant de conclure "à coup sûr" à l'authenticité des documents; la banque doit en effet s'en tenir à l'apparence de conformité de ces demiers207.

202 À propos du devoir de vérification de la banque émettrice et de la banque désignée en général, cf. BÜHLER (1997), pp. 72-75; DOHM (1993a), pp. 5-6; BODMER (1991), l'abstrac-tion du crédit documentaire, cf. infra chapitre VII.

204 Cf. à ce sujet ATF 88 II 341, 344-345 = JT 1963 I 345, 347; TEVINI Du PASQUIER (1990), p. 136, n. 44, et les références citées.

205 Cf. à ce sujet infi·a chapitre IX.

206 Art. 13 a RUU.

207 La banque doit examiner si les documents ne constituent pas des faux grossiers, ou ne sont pas altérés par des falsifications grossières. Devant examiner les documents dans un délai relativement bref et s'en tenir à leur apparence de conformité, la banque n'a en revanche pas à procéder à un examen approfondi de l'authenticité des documents.

Pour ce faire, elle procédera, confo1mément à l'exigence de "soin raisonna-ble" prévue à l'art. 13 a RUU, à un examen des documents ni trop superfi-ciel, ni trop approfondi dès lors que la banque est tenue d'agir avec rapidité.

La vérification des documents doit en effet intervenir dans un délai raisonna-ble, d'une durée maximale de sept jours ouvrés (art. 13 b RUU)208. La doc-trine suisse parle d'une vérification devant correspondre à un "examen cons-ciencieux d'un expert en la matière"209. La banque devra également contrôler que les documents lui sont présentés dans le délai de validité prévu par l' ac-créditif.

La dernière révision des RUU précise que les banques n'examineront pas les documents non requis dans le crédit. Si elles reçoivent de tels docu-ments, elles les réexpédieront à celui qui les a présentés ou les transmettront sans encourir de responsabilité (art. 13 a if RUU). Et si un accréditif con-tient des conditions sans indication des documents à présenter en conformité avec ces conditions, les banques considéreront ces conditions comme non indiquées et n'en tiendront pas compte (art. 13 c RUU).

La vérification diligente des documents présentés par le bénéficiaire constitue une tâche essentielle de la banque. Elle doit en effet notamment permettre de découvrir une fraude éventuelle affectant les documents (présentation de do-cuments faux ou falsifiés). La mesure de l'attention que la banque manda-taire doit vouer à l'examen de la conformité des documents est donc détermi-nante pour apprécier sa responsabilité en cas de fraude non décelée qui pe1mettrait au fraudeur d'obtenir indûment le paiement de la somme d'accré-ditif210.

3.1.2.1. Refus des documents et principe "paiement contre documents"

L'art. 14 RUU indique ce que la banque désignée pour réaliser l'accréditif doit faire en cas de présentation de documents irréguliers.

Cela signifie qu'elle ne pourrait être tenue responsable d'avoir accepté des documents si parfaitement falsifiés qu'elle ne pouvait en déceler le défaut d'authenticité. Sur cette problématique, cf. infi·a chapitres IX et XII, 1.1.

208 Cf. infra chapitre VI, 2.

209 DOHM (1993a), p. 5; TEVINI Du PASQUIER (1990), p. 137; SCHÂRRER (1980), p. 92;

J. HARTMANN (1974), p. 99.

210 Cf. à ce sujet infra chapitre XII, 1.1.

CHAPITRE IV - NATURE JURIDIQUE DES RAPPORTS D'ACCRÉDITIF ET OBLIGATIONS DES PARTIES

Si, après un examen diligent des documents, la banque estime que ceux-ci ne présentent pas l'apparence de conformité avec les conditions et termes du crédit, elle doit refuser de les accepter (art. 14 b RUU). Avant de prendre une décision de refus des documents, la banque peut, de sa propre initiative, approcher le donneur d'ordre afin d'obtenir de celui-ci la levée des irrégula-rités, sans que cette démarche n'entraîne de prorogation du délai d'examen prévu à l'art. 13 b RUU (art. 14 c RUU). Si le donneur d'ordre accepte que les documents soient levés en dépit de leurs irrégularités, la banque sera en droit de réaliser l'accréditif et de payer le bénéficiaire.

Lorsque la banque décide de refuser les documents, elle doit notifier son refus au bénéficiaire par télécommunication ou, si cela n'est pas possible, sans délai par d'autres moyens rapides, et cela au plus tard à la fin du sep-tième jour ouvré suivant le jour de réception des documents (aii. 14 d i RUU)211. La banque devra également indiquer toutes les irrégularités qui l'amènent à refuser les documents (art. 14 d ii RUU). Elle devra enfin rendre les documents au bénéficiaire, ou à tout le moins les mettre à disposition de ce demier212.

À défaut, la banque ne pourra plus invoquer le fait que les documents ne sont pas en conformité avec les termes et conditions du crédit (art. 14 e RUU).

Il s'agit là du principe de droit coutumier ''paiement contre documents", exprimé à l'art. 14 e RUU213. Cette règle est une !ex specialis par rapport à

2lI Au sujet du délai d'examen des documents (notion de "délai raisonnable" de l'art. 13 b RUU) et de notification du refus des documents, cf. infra chapitre VI, 2.

212 ATF 104 II 275, 278-279

=

JT 1979 I 497, 499-500. Au sujet des obligations de la banque en cas de refus des documents, cf. en général LOMBARDINI (1994), pp. 146-153.

En droit étranger, cf. p. ex. SCHÜTZE (1996), no. 404 ss; ZAHN/EBERDING/EHRLICH (1986), no. 2/114 SS et 2/312 SS.

Au sujet des conséquences attachées à un refus tardif des documents, cf. en général BARTODZIEJ (1987), pp. 1 SS.

213 Le principe paiement contre documents est une règle de droit coutumier qui s'impose-rait aux parties à l'opération d'accréditif même en l'absence d'une disposition ex-presse des RUU; cf. SCHÔNLE (1993), Vorbemerkungen zu Art. 184-551, no. 68; TEVINI Du PASQUIER (1990), p. 194. La coutume (art. 1 al. 2 CC) est l'une des sources de droit à laquelle le juge recourt en cas d'absence de réglementation légale en une ma-tière donnée; elle s'impose aux parties, sans même qu'une déclaration de volonté de leur paii soit nécessaire, dès qu'elle réalise la condition objective de l'opinio iuris, et la condition subjective de l'opinio necessatis. En d'autres termes, il doit s'agir d'un usage implanté dans une collectivité et considéré par elle comme obligatoire; TEVINI Du PASQUIER (1990), p. 36 et les références de doctrine citées.

l'art. 402 al. 1 C0214 qui détermine à quelles conditions la banque manda-taire peut obtenir de son mandant le remboursement de ses frais, à savoir de la somme d'accréditif payée au bénéficiaire215 . En effet, si la banque reçoit des documents qui ne sont pas conformes aux conditions du crédit et les accepte néanmoins - ou ne les refuse pas en temps utile et ne les met pas à disposition de celui qui les a présentés, ou ne les lui réexpédie pas, avec indication des motifs de refus216 - , elle ne sera plus fondée à faire valoir leur non-conformité pour refuser au bénéficiaire le paiement de la somme d'ac-créditif217. Naturellement, dans un tel cas la banque violerait les instructions reçues de son mandant et ne pourrait, dès lors, en principe pas se retourner contre ce dernier pour demander le remboursement de ses frais (art. 3 98 al. 2, et 402 al. 1 CO a contrario)218 . Sur la base du même principe, lorsque la banque décide de refuser les documents, elle ne peut ni les conserver, ni dis-poser de la marchandise, à défaut de quoi elle sera obligée de payer le mon-tant intégral de l'accréditif; en effet, selon le Tribunal fédéral,"[ ... ] tout com-portement de la banque émettrice qui prive le bénéficiaire ou la banque remettante du pouvoir de disposer de la marchandise doit produire les mêmes effets qu'une acceptation sans réserve des documents [ ... ]"219.

Ce principe s'applique non seulement dans une opération quadrangu-laire, entre banque émettrice et banque désignée (banque notificatrice domi-cile de paiement ou confirmante) comme le mentionne expressément l'art. 14 e RUU, mais également, dans une opération triangulaire, aux rapports entre la banque émettrice et le bénéficiaire, ainsi qu'entre le donneur d'ordre et la banque émettrice220. Dans ce dernier cas donc, même si la banque émettrice exécutait imparfaitement son mandat, elle obtiendrait une créance en

rem-21 4 L'art. 402 al. 1 CO est en effet une nonne de droit dispositif à laquelle les parties peuvent déroger; idem, pp. 163-164, et les références citées sous n. 162.

215 Cf. infra chapitre IV, 3.3.1.

216 Art. 14 d et e RUU.

217 ATF 122 III 73, 77; ATF 111II76, 79-80 = JT 1985 I 590, 591-592; ATF 104 II 275, 278

= JT 1979 I 497, 499-500; ATF 1 OO II 145, 150 = JT 1975 I 326, 331; ATF 93 II 329, 342

=

JT 1969 I 130, 140-141; ATF 90 II 302, 307

=

JT 1965 I 120, 124; ATF 78 II 42, 52

=

JT 1952 I 514, 520; DOHM (1993), p. 12; TEVINI Du PASQUIER (1990), pp. 142-145, 185-188, 192-198, et 204-208; ULRICH (1989), p. 159; SCHÔNLE (1987), pp. 314-322;

idem (1983), p. 55; REICHWEIN (1965), p. 57. En droit étranger, cf. ZAHN (1976), p. 145.

218 DOHM (1993), p. 12.

219 ATF 111 II 76, 79 = JT 1985 I 590, 591-592, avec les références de jurisprudence et de doctrine citées.

22

°

Cf. p. ex. ATF 111 II 76, 79-80 = JT 1985 I 590, 591-592. Cf. aussi DOHM (1993), p. 12; TEVINI DU PASQUIER (1990), p. 143, n. 71, p. 175; J. HARTMANN (1974), pp. 107 ss, notamment p. 110, n. 18.

CHAPITRE N -NATURE JURIDIQUE DES RAPPORTS D'ACCRÉDITIF ET OBLIGATIONS DES PARTIES

boursement de ses frais contre le donneur d'ordre, si celui-ci disposait des documents et/ou de la marchandise (principe du paiement contre documents appliqué en tant que lex specialis à l'art. 402 al. 1 C0)221.