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Usages contemporains du kantisme

Dans le document L'ontologie réaliste du théisme (Page 174-185)

R´ eponses aux objections antir´ealistes

3.4 Usages contemporains du kantisme

3.4.1 Dieu comme symbole (Kaufman)

Croire en Dieu/C’est d´esirer ardemment Son existence/ C’est aussi agir comme s’Il existait

De Unamuno, cit´e par Kaufman

Selon la th`ese principale de Gordon Kaufman dans Le Probl`eme de Dieu Aujourd’hui79, les concepts utilis´es pour dire Dieu ont un sens symbolique parce qu’ils ont une double r´ef´erence correspondant `a la diff´erence entre chose en soi et ph´enom`ene.

Kaufman pose le probl`eme en termes s´emantiques. Le nomDieu est devenu probl´ematique car on ne sait pas `a quoi il r´ef`ere. Deux raisons expliquent ce d´esarroi : d’une part, la crise moderne qui ˆote une part de cr´edibilit´e aux discours th´eologiques et invite `a la d´emythologisation ; d’autre part, Dieu lui-mˆeme qui, par sa transcendance, rend impossible une appr´ehension directe de son existence et de sa nature. Le th`eme moderne et contemporain de la critique de la religion et de la th´eologie est donc in-terpr´et´e, par le th´eologien Kaufman, en lien direct avec la nature de Dieu et l’´ecart entre le fini et l’infini. La d´emythologisation est alors l’occasion d’une prise de conscience critique des possibilit´es authentiques de discours sur Dieu qui respecte sa transcendance. Ce retournement suppose acquis le

besoin d’une d´emythologisation qui int`egre l’approche r´ealiste dans sa cri-tique, car le m´etaphysicien r´ealiste serait pris dans l’illusion ou la na¨ıvet´e d’une sp´eculation sur Dieu sans conscience de la transcendance de Dieu. N´eanmoins, disons le d’embl´ee. Le r´ealisme ontologique n’a rien `a voir avec le litt´eralisme dans la lecture des textes religieux et, si Dieu est inconnais-sable directement, pourquoi donc invoquer une de ses propri´et´es essentielles comme la transcendance pour justifier le symbolisme g´en´eralis´e ?

3.4.1.1 Le r´ef´erent accessible.

La nature de Dieu est cens´ee d´eterminer une s´emantique th´eologique. Aucune repr´esentation de Dieu en tant que tel n’est possible, toute repr´esen-tation th´eologique est une construction dans laquelle le nom de Dieu a deux r´ef´erents (Kaufman, 1975, chap. 5). Dieu se r´ef`ere directement `a un Dieu accessible et indirectement `a un r´ef´erent r´eel, Dieu qui reste `a jamais inconnu, telle la chose en soi.

Le v´eritable r´ef´erent correspondant `a Dieu ne nous est jamais accessible, pas plus qu’il n’est offert `a notre observation ou `a notre exp´erience. Il doit demeurer toujours un X inconnu, une simple id´ee-limite sans contenu. (Kaufman, 1975, p.114)80

Le Dieu accessible est une construction historique et culturelle n´ecessaire pour entrer en relation avec le r´ef´erent r´eel, construction dont le statut ontologique est d’ˆetre une entit´e mentale ayant une fonction symbolique. La s´emantique de Kaufman pose probl`eme mais nous reviendrons plus tard sur le nom propre et l’essence de Dieu. Focalisons-nous sur le kantisme inavou´e81 car les deux concepts de r´ef´erent r´eel et de r´ef´erent accessible m`enent `a des contradictions.

80. Plantinga remarque malicieusement que ce r´ef´erent r´eel est tout sauf le r´ef´erent r´eel du discours th´eologique mais plutˆot le r´ef´erent auquel�Dieu�ne r´eussit pas `a r´ef´erer.

81. Kaufman semble bien utiliser un mod`ele kantien quand il fait r´ef´erence `a un X inconnu mais le mod`ele qu’il conceptualise le plus est celui de l’usage des noms propres de personne. Il utilise ainsi un mod`ele o`u l’int´eriorit´e n’est connue que par l’ext´eriorit´e qui est accessible directement. Kaufman (1975, p.12-7 et p.88) d´esavoue cependant le dualisme sujet-objet quand il est trop rigide.

Le r´ef´erent accessible est un concept incoh´erent s’il doit expliquer ce que croient les croyants. En effet, si l’on suit Kaufman, les propri´et´es que spon-tan´ement ou na¨ıvement les croyants attribuent `a Dieu, sont en r´ealit´e des propri´et´es qu’il faut attribuer au r´ef´erent accessible, c’est-`a-dire au symbole et non `a la r´ealit´e ultime de Dieu. Mais demande Plantinga (2000, p.37), comment attribuer la propri´et´e d’ˆetre le cr´eateur du ciel et de la terre `a un symbole ? L’objection de Plantinga qui met au jour une erreur de cat´egorie, semble tout `a fait valable si l’on en juge par les confusions que Kaufman entrevoit lui-mˆeme sans les r´esoudre. Ainsi, Kaufman (1975, p.116) explique que

c’est le Dieu accessible dont nous parlons, auquel nous pensons lorsque nous pronon¸cons le motDieu. En ce sens,Dieud´esigne, pour tous les usages pratiques, quelque chose qui est essentiellement une construction mentale ou imaginative.

Pour ´eviter toute mauvaise interpr´etation de cette phrase, Kaufman ajoute imm´ediatement que les croyants ne s’adressent pas `a une id´ee mais

plutˆot qu’ils ont des id´ees ou des images du Dieu accessible et non pas de quelque X absolument inconnu.

On a l’impression qu’il y a deux Dieux accessibles : l’un est une repr´esenta-tion accessible, l’autre un r´ef´erent plus ind´ependant de nos repr´esentarepr´esenta-tions et aussi accessible au sens o`u il est bien un r´ef´erent du discours. En effet, Kaufman prend soin d’´eviter la r´eduction de Dieu `a une simple repr´esentation mentale, historique ou culturelle tout en ´etant non r´ealiste. Si l’on opte pour la deuxi`eme interpr´etation, Kaufman est r´ealiste, ce que le reste de l’ouvrage d´ement. Si l’on opte pour la premi`ere, Kaufman est incoh´erent, ce que le reste de l’ouvrage confirme.

3.4.1.2 La transcendance de Dieu

Le concept d’un Dieu accessible est d´evelopp´e `a partir d’un sch´ema kantien : ce qui est connu est ce qui peut ˆetre identifi´e comme un ob-jet d’exp´erience, or un obob-jet d’exp´erience est n´ecessairement fini. Dieu est donc, en tant que tel, impossible `a exp´erimenter, il ne peut v´eritablement

venir dans l’exp´erience humaine, ce qui est conforme `a la critique kantienne (Kaufman, 1975, p.26). L’impossibilit´e d’une exp´erience de Dieu repose sur le raisonnement suivant, raisonnement r´ecurrent sous diff´erentes formes chez de nombreux auteurs, et dont la faiblesse parait pourtant flagrante.

(1) Dieu est, par d´efinition, infini.

(2) Donc Dieu transcende l’exp´erience humaine qui est toujours finie. (3) Donc Dieu ne peut ˆetre exp´eriment´e que dans une construction

ima-ginative qui n’est pas Dieu en soi.

(4) Il est impossible de connaˆıtre Dieu en soi.

L’ambigu¨ıt´e est dans (2), car que veut-on dire quand on dit que Dieu trans-cende l’exp´erience humaine ? (1) n’implique pas que Dieu soit totalement inaccessible mais que Dieu est toujours plus que ce que nous pouvons en saisir. Or, de la nature de Dieu, on peut conclure, comme le fait Plantinga (2000, p.34), qu’une exp´erience de Dieu est possible82.

(1) Dieu est par d´efinition infini.

(2’) Dieu est omniscient et omnipotent.

(3’) Dieu est capable de se manifester `a l’ˆetre humain.

La proposition (3’) ne comporte pas de contradiction apparente et donc semble tout `a fait acceptable et bien plus justifi´ee que (3).

3.4.1.3 Le r´ef´erent r´eel

Mais d´efendre l’exp´erience possible et l’accessibilit´e possible de Dieu ne consiste-t-il pas `a faire fi de la d´emythologisation que tout philosophe, qui plus est contemporain, c’est-`a-dire ayant au moins lu Feuerbach, Nietzsche, Freud, Bultmann, Heidegger et Derrida, devrait assumer ? Le r´ef´erent r´eel inaccessible n’est-il pas, comme la chose en soi chez Kant, la garantie d’une conscience critique des conditions de possibilit´e d’une pens´ee th´eologique ? En r´ealit´e, trois probl`emes minent le recours au r´ef´erent r´eel.

82. Swinburne (2004, p.319) d´eveloppe aussi un argument de ce type quand il dit :

�un Dieu omnipotent peut causer une exp´erience priv´ee, d’une mani`ere telle qu’une table ne le peut pas�.

(1) La diff´erence entre les deux r´ef´erents interdit d’attribuer des pro-pri´et´es formelles au r´ef´erent r´eel inaccessible qui n’est donc pas iden-tique `a soi, pas plus qu’il n’a la propri´et´e d’ˆetre le r´ef´erent du terme

Dieu (Plantinga, 2000, p.38). Ce probl`eme est d´ej`a pr´esent chez Kant puisqu’il interdit la connaissance de ce type de propri´et´es pour la chose en soi. Cependant, on pourrait toujours r´epondre en att´enuant l’ineffabilit´e du r´ef´erent r´eel car ces propri´et´es appartiennent ´evidem-ment `a toute entit´e. Mais il n’y aurait l`a aucune v´eritable connais-sance, bien que ces propositions aient une valeur de v´erit´e.

(2) La relation entre le r´ef´erent r´eel et le r´ef´erent accessible est hors d’at-teinte, ce qui rend difficilement contrˆolable la repr´esentation que l’on se donne de Dieu. Si rien de ce qu’est Dieu en soi n’est connu, rien de ce qu’Dieu ne limite notre production imaginative ind´ependamment de nos conventions et de nos pratiques. La porte est ouverte `a l’ar-bitraire, ce que Kaufman ne veut sˆurement pas. On voit ainsi que l’aporie kantienne quant `a la relation entre chose en soi et ph´enom`ene apparaˆıt ici aussi.

(3) Si Dieu n’a pas les propri´et´es du r´ef´erent accessible, quelles que soient ses propri´et´es, formelles ou non, Plantinga (2000, p.38) montre qu’il n’est pas sage, omnipotent, r´edempteur. On en vient `a se demander si le r´ef´erent r´eel est bien un r´ef´erent du mot Dieu .

Le refus de l’usage de concepts dans des jugements d´eterminants afin de connaˆıtre Dieu ne rend donc pas compte de ce que disent les croyants et m`ene, involontairement, `a un scepticisme ou `a un ath´eisme de facto que l’insistance de Kaufman sur la pratique religieuse rapproche du fid´eisme wittgensteinien simplement temp´er´e ici par l’insistance sur le Dieu r´eel dont on ne sait rien. Reconnaissons `a Kaufman le refus affich´e d’une r´eduction de son propos `a un pur et simple ath´eisme.

Faire de Dieu quelque chose de purement imaginaire, c’est r´eduire la dualit´e de niveau de la notion de Dieu. (Kaufman, 1975, p.148)

Mais, dans un passage qui pr´ec`ede, l’absence de connaissance du r´ef´erent r´eel s’ajoute `a une omnipr´esence de la pratique au d´etriment de l’affirmation de propositions ayant une valeur de v´erit´e.

La justification du discours sur Dieu et de la foi en lui est d’abord pra-tique : un monde gouvern´e par Dieu est un univers moral, un univers dans lequel l’action et la morale ont une signification m´etaphysique et dans lequel, par cons´equent, nos faibles dispositions `a la vie mo-rale sont encourag´ees et renforc´ees. L’engagement envers Dieu, la foi en Dieu, la croyance en Dieu sont des attitudes pratiques d’un sujet qui s’efforce de se repr´esenter, `a l’aide des seules images ou du seul symbolisme disponibles, un monde dans lequel l’action et le s´erieux de la vie ont un sens ultime. (Kaufman, 1975, p.143.)

On reconnait le sch´ema kantien mais sans la r´ef´erence ni `a la loi morale, ni `a la raison pratique. Bien qu’un Dieu r´eel pr´eside `a l’engagement moral et existentiel, la dualit´e accessible/r´eel fragilise le propos car ce dernier repose sur des insuffisances que nous avons vues. De plus, cet engagement, cette foi et cette croyance supposent que l’on fasse r´ef´erence `a un Dieu dont on admet qu’il est bon ou omnipotent, c’est-`a-dire que (T1) et (T2) sont n´ecessaire pour introduire plus de coh´erence dans la conception de l’engagement et de la foi d´ecrits par Kaufman.

3.4.2 Dieu au-del`a de tout concept (Hick)

Homme toujours debout sur le cap Pens´ee, `a ´ecarquiller les yeux sur les limites ou des choses, ou de la vue...

Valery

Passons maintenant `a la deuxi`eme forme d’usage contemporain du kan-tisme. Dans le stimulant An interpretation of Religion83, Hick utilise deux

83. Hick, J. (1989). An Interpretation of Religion : Human Responses to the Trans-cendent. Yale University Press, New Haven.

traditions : le kantisme et la th´eologie n´egative tout en tenant compte du ph´enom`ene que constitue le pluralisme religieux. Son travail s’appuie sur la diff´erence entre chose en soi et ph´enom`ene pour montrer la valeur du pluralisme religieux. Son argument principal consiste `a montrer que Dieu ´etant typiquement une chose en soi, les religions ne donnent qu’une connais-sance de ses manifestations et non de ce qu’il est en soi. Ainsi elles n’entrent pas en contradiction puisqu’elles expriment diff´erents aspects d’une mˆeme r´ealit´e. Nous voudrions montrer que sa d´efinition de la r´ef´erence `a Dieu se r´ev`ele plus fine et plus robuste que celle de Kaufman, bien que finalement insuffisante.

3.4.2.1 Kant et la th´eologie n´egative

Face `a la diversit´e des religions, le scepticisme semble ˆetre une r´eponse plus ad´equate que le dogmatisme qui trancherait en posant qu’une religion est vraie et que les autres sont fausses84. Cependant, Hick (1989, p.173) refuse l’alternative entre : 1) un langage religieux est vrai et `a prendre en un sens litt´eral et 2) tout langage religieux est relatif `a une culture et sans contenu factuel. Hick propose une troisi`eme alternative en interpr´etant chaque religion comme une forme

d’exp´erience, de conception et de vie en relation avec la R´ealit´e divine ultime qui transcende toutes nos visions vari´ees d’elle.(Hick, 1989, p. 235-6)

Refusant de r´eduire les religions `a des pratiques sans engagement r´ealiste, Hick reconnaˆıt le besoin de postuler ce qu’il nomme le R´eel qui se manifes-terait indirectement dans les religions. R´eel est le mot choisi pour sa neutralit´e et sa polyvalence plutˆot qu’absolu qui serait trop marqu´e par l’impersonnel ou Dieu qui renvoie `a des traditions d´etermin´ees. Hick d´efend donc (T1) si l’on accepte, comme il le fait, de nommer Dieu le R´eel. Par contre (T2) n’est pas accept´ee.

Nous ne pouvons pas dire que le R´eel an sich a les caract´eristiques partag´ees par ses manifestations, telles que (dans le cas du P`ere

c´eleste) l’amour et la justice ou (dans le cas de Brahman) la conscience et la f´elicit´e. Mais il est malgr´e tout le fondement noum´enal de ces caract´eristiques. (Hick, 1989, p.247)

Les exp´eriences religieuses et les discours qui les accompagnent et les fa¸con-nent, sont bien des exp´eriences indirectes du R´eel. Mais il faut ´eviter l’illu-sion transcendantale d’une connaissance du R´eel an sich car cette connais-sance supposerait n´ecessairement un acc`es au R´eel en soi et l’´elimination des pr´etentions des autres religions d´eveloppant d’autres interpr´etations du R´eel. Plus qu’une erreur, ce serait une faute ´egocentrique ou ethnocentrique. Pour parler de Dieu, il faut bien supposer une exp´erience de Dieu, mais cette exp´erience est aussi vari´ee que le sont les religions mondiales. Et tel semble ˆetre l’argument principal pour ne pas explorer une autre voie, qui sans tomber dans un r´ealisme na¨ıf ni dans le relativisme, chercherait quelles pro-positions peuvent ˆetre prises en un sens litt´eral et avoir une valeur de v´erit´e. Pour mieux comprendre l’argument de Hick, il faut y reconnaˆıtre la conjonction, inattendue peut-ˆetre, du kantisme et de la th´eologie n´egative85. L’interpr´etation de Kant par Hick (1989, p.245-9) fournit le premier ´el´ement d’un mod`ele permettant d’affirmer que nous ne connaissons de Dieu que ce que nous avons construit86 grˆace `a des concepts humains, concepts qui s’organisent autour de deux super-cat´egories, l’impersonnel et le personnel, qui d´eterminent les autres cat´egories utilis´ees pour penser et dire Dieu. Ces deux grandes cat´egories correspondent `a diverses formes de religion, ainsi le christianisme tombe sous la cat´egorie de la religion personnelle. Ensuite, ces deux cat´egories fondamentales se d´ecoupent en d’autres cat´egories linguistiques relativement `a la culture et `a l’histoire des diff´erentes religions. Hick propose ensuite de lire la diff´erence entre chose

85. On retrouvera, dans la section 3.5, ce parall`ele dans les analyses de Von Ivanka. 86. Hick (1989, p.241) consid`ere que les repr´esentations sont en partie notre propre construction�. Cette construction vaut pour le monde per¸cu comme pour Dieu exp´eriment´e et pens´e. Aux pages 162 et suivantes, Hick d´eveloppe une m´etaphore plus moniste et r´ealiste, celle du filtre. Il va mˆeme jusqu’`a dire que l’on peut ˆetre touch´e par le R´eel. Ce serait une relation sans m´ediation conceptuelle, mais le reste de l’ouvrage ne d´eveloppe pas ce point qui est donc plutˆot marginal.

en soi et ph´enom`enes de mani`ere n´egative : la chose en soi ou le noum`ene sont con¸cus n´egativement comme ce qui ne peut pas ˆetre un objet d’intui-tion sensible (Hick, 1989, p.241). Cette caract´erisad’intui-tion n´egative permet une transition vers des enjeux proprement th´eologiques car le R´eel n’est pas ce qui est connu grˆace `a des concepts positifs qui renverraient `a des propri´et´es que Hick nomme substantielles. Les seules propri´et´es positives connues sont celles du R´eel pour nous qui est l’´equivalent du ph´enom`ene chez Kant. Reste la voie n´egative pour connaˆıtre indirectement le R´eel `a partir de ce qu’il n’est pas, voie utilis´ee dans de nombreuses traditions et leur permet-tant de relativiser leur propre discours (Hick, 1989, p.235-6). On voit donc comment l’´epist´emologie kantienne vient soutenir la th´eologie n´egative et r´eciproquement87. Les conditions de la connaissance et la nature infinie et transcendante du R´eel font que le discours se divise en ´enonc´es religieux construits `a partir de l’exp´erience du R´eel pour nous et en discours n´egatif exprimant l’inaccessibilit´e du R´eel en soi.

On peut maintenant comprendre le rˆole que (T1) joue dans cette in-terpr´etation de la v´erit´e de ce discours sur Dieu. Tous les ´enonc´es religieux portant apparemment directement sur le R´eel sont mythologiquement vrais et non litt´eralement vrais.

La v´erit´e ou la fausset´e litt´erale d’une assertion factuelle consiste en sa conformit´e ou son absence de conformit´e avec un fait. (. . . ) Un jugement ou un ensemble de jugements `a propos de X est vrai mythologiquement s’il n’est pas vrai litt´eralement mais n´eanmoins tend `a ´evoquer une attitude dispositionnelle appropri´ee envers X. (Hick, 1989, p.348)

Loin de minimiser la question de la v´erit´e en lien avec celle de la r´ef´erence, Hick ancre son propos dans un r´ealisme v´eritablement minimaliste : l’exis-tence d’un Dieu inconnu, le R´eel, rend vraies les propositions `a propos de Dieu, `a condition de ne pas croire en une v´erit´e litt´erale de ces proposi-tions. Les ´enonc´es religieux sont litt´eralement vrais en ce qui concerne les

87. La partie suivante portera enti`erement sur la th´eologie n´egative. Hick nous parait beaucoup plus kantien que th´eologien n´egatif si l’on peut dire. C’est pourquoi, il figure dans cette partie et non dans la suivante.

manifestations du R´eel, mais ils sont mythologiquement vrais relativement au R´eel en soi dont l’existence n’est pas du tout remise en cause88.

Dans le document L'ontologie réaliste du théisme (Page 174-185)