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L’ontologie r´ ealiste des objets et propri´ et´ es

Dans le document L'ontologie réaliste du théisme (Page 65-74)

Premi` ere d´ efense du r´ ealisme th´eiste

2.2 Le r´ ealisme du th´ eisme

2.2.5 L’ontologie r´ ealiste des objets et propri´ et´ es

Il ne suffit pas de dire que l’analyse des croyances religieuses ou du th´eisme m`ene `a l’explicitation d’une ontologie r´ealiste, il faut encore justifier qu’une ontologie r´ealiste n´ecessaire pour interpr´eter (T2) est possible. Il faut montrer qu’il est l´egitime d’interpr´eter des propositions pr´edicatives sous la forme de propositions o`u une propri´et´e est attribu´ee `a un objet. Pour cela, il faut expliquer un peu plus ce qui justifie le recours aux cat´egories d’objet et de propri´et´es sans entrer dans le d´etail de l’application de ces cat´egories `a Dieu.

On doit d’abord distinguer les concepts, les pr´edicats et les propri´et´es (Nef, 2009, p.195-200 et Lowe, 2002a, p.353-550). Un objet satisfait ou tombe sous un concept qui est une entit´e mentale tandis qu’un pr´edicat qui est une entit´e linguistique, est attribu´e `a un sujet. Une propri´et´e serait exemplifi´ee ou instanci´ee51. Saisir un concept permet alors de connaitre la signification d’un pr´edicat en le rapportant `a une propri´et´e. Mais cette situation n’est pas universelle. On pourrait penser qu’un pr´edicat a tou-jours pour signification une propri´et´e. Dans une phrase de la forme S est P, P d´esigne une propri´et´e qui est attribu´ee `a l’objet d´esign´e par

50. Lowe, E. (2002a). A Survey of Metaphysics. Oxford University Press, Paris. 51. Nous reviendrons sur cette diff´erence `a la page 357.

S et le fait que S est P rend alors vraie la phrase ou la proposition exprim´ee par la phrase. Mais un paradoxe apparait aussitˆot : le pr´edicat

non pr´edicablene peut pas avoir pour signification la propri´et´e de non-pr´edicabilit´e. Car si l’on utilise le pr´edicat non pr´edicable alors il n’y a pas de propri´et´e qui soit la signification de ce pr´edicat. Pour reconnaitre l’existence de propri´et´e `a partir de la s´emantique des pr´edicats, il faut donc faire une s´election parmi les pr´edicats pour savoir lesquels sont de v´eritables indicateurs de l’existence de propri´et´es. Cette s´election ne fait pas encore le partage entre la th´eorie abondante et la th´eorie restreinte des propri´et´es, elle permet seulement d’´eliminer les pr´edicats menant `a des paradoxes.

Cette s´election ne peut pas se faire seulement `a partir de l’analyse lin-guistique. Varzi (2010, p.44-5) utilise l’exemple suivant. Soient les deux propositions,

(2) Il y a une entaille dans cette toile. (2’) Cette toile est entaill´ee.

Les deux propositions s’impliquent mutuellement. Il n’est donc pas possible de savoir laquelle exprime le mieux la r´ealit´e simplement `a partir de l’analyse linguistique. On ne peut d´eterminer si (2) ou (2’) est la bonne paraphrase indiquant ce qui est puisqu’elles sont ´equivalentes. Aucune ne parait plus fondamentale que l’autre. Faut-il supposer l’existence d’une entaille ou bien seulement supposer la propri´et´e d’ˆetre entaill´e ? On le voit, l’analyse du langage n’est pas l’unique voie de l’analyse philosophique contrairement `a ce que d´efendait Strawson (1973, p.9)52. On doit chercher l’engagement ontologique effectif d’une proposition et non son engagement ontologique apparent (Varzi, 2010, p.43).

C’est pourquoi la paraphrase d’´enonc´es th´eistes selon le sch´ema (T2) doit permettre de donner les conditions de v´erit´e de ces ´enonc´es. Pour qu’il y ait un v´eritable r´ealisme, des entit´es doivent rendre vraies les proposi-tions. Ces entit´es doivent exister ind´ependamment de l’esprit ou du discours, ind´ependamment des concepts et des pr´edicats (voir section 2.4). Mais pour-quoi faire le partage entre objet et propri´et´e et pourpour-quoi le r´ealisme doit-il

commencer par ce partage ? En suivantPlantinga (2007, p.276-7)53 et Fine (2005, p.22)54, on partira de l’existence de propositions singuli`eres pour montrer qu’il y a, pour le r´ealiste, des objets qui poss`edent des propri´et´es. Une proposition a un caract`ere intentionnel, elle permet d’attribuer des propri´et´es `a des objets. Ainsi, une proposition singuli`ere, `a propos de S et de la forme <S est P> ou <P(S)>, si elle est vraie, suppose qu’un objet d´esign´e par S a la propri´et´e d´esign´ee par P. Ceci suppose que non seulement certains pr´edicats font r´ef´erence `a des entit´es, les propri´et´es correspondantes, mais aussi que les noms propres d´esignent des objets. Fine montre que d`es qu’une proposition contient un authentique nom propre, elle est singuli`ere et qu’elle attribue une propri´et´e `a un objet55.

Une proposition singuli`ere est simplement une proposition qui a pour cons´equence qu’un objet x a une certaine propri´et´e. (Fine, 2005, p.22)

Quand j’utilise le nom Aristote, j’attribue de re des propri´et´es `a Aris-tote puisque je fais r´ef´erence directement `a l’entit´e ArisAris-tote et que je lui attribue une propri´et´e. L’analyse des conditions de v´erit´e des propositions singuli`eres montre donc qu’il faut recourir aux deux cat´egories, celle d’objet et celle de propri´et´e. Nous montrerons dans le chapitre 5 queDieuest un authentique nom propre si Dieu existe et que cela permet de d´efendre l’exis-tence d’authentiques propositions singuli`eres. Quand au particularisme, il faut distinguer un particularisme mod´er´e et un particularisme fort. Sans trancher pour le moment entre ces deux versions, on peut voir que dans le particularisme mod´er´e, les propositions singuli`eres attribuent des propri´et´es `a un objet singulier tandis que dans le particularisme fort, les propositions singuli`eres attribuent des propri´et´es singuli`eres `a un objet singulier (Nef, 2009, p.268).

Il est int´eressant d’approfondir ce qu’est l’attribution car cela renforce la d´erivation du r´ealisme ontologique `a partir des croyances religieuses. Il est

53. Plantinga, A. (1987/2007). Deux Concepts de la Modalit´e, in Nef, F. et Garcia, E., (´eds) (2007). Textes-Clefs de M´etaphysique Contemporaine. Vrin, Paris.

54. Fine, K. (2005). Modality and Tense. Clarendon Press, Oxford.

55. Il n’est pas utile ici de tenir compte de la restriction que Fine ajoute quand il dit qu’il peut se passer des propositions et que seuls peuvent suffire des�de re sayings�.

difficile d’isoler le croire-en de la personne qui croit en quelque chose. Par contre, il paraissait plus simple (voir p.50) d’isoler le contenu propositionnel du sujet qui croit ou con¸coit ce contenu. Cela peut, `a tord, inciter certains `a penser que l’analyse des contenus propositionnels des croyances religieuses est une fausse route puisque le croyant n’est plus pris en compte. Mais il est possible donner une th´eorie des attributs qui rendent compte de la place du sujet croyant. On peut d´efinir, comme le fait Chisholm (1996, p.12)56, l’attribut en fonction de l’attitude propositionnelle .

ˆ

Etre-F est un attribut =ef il est possible qu’ˆetre-F soit le contenu d’un acte de croire.

L’attribut peut donc entrer dans deux types de relation : 1) il peut ˆetre exemplifi´e ou instanci´e et alors il entre dans des relations ontologiques, et 2) il peut ˆetre l’objet d’attitudes intentionnelles. On peut comprendre l’ap-parente polys´emie de l’attribut qui est `a la fois la propri´et´e d’un objet et ce que l’on attribue `a un objet. L’instanciation de F par x rend possible une attribution de F `a x par y. Cette attribution ne se fait pas subjectivement puisque l’attribut est le contenu objectif d’une proposition, ce qui pr´eserve le r´ealisme57.

La d´erivation du th´eisme r´ealiste `a partir des croyances religieuses ´etant faite, il nous faut pr´eciser le sens du concept de v´erit´e et son lien avec notre enquˆete ontologique r´ealiste. Ceci doit permettre de renforcer les ar-guments pour le r´ealisme et de pr´eparer la discussion des diverses formes d’antir´ealisme.

56. Chisholm, R. M. (1996). A Realistic theory of Categories : an Essay on Ontology. Cambridge University Press, Cambridge.

57. On pourrait se demander s’il ne faut pas ajouter la cat´egorie de fait pour pouvoir rendre compte, dans un cadre r´ealiste, de l’ontologie implicite du th´eisme. La cat´egorie de fait parait impliquer par la th´eorie de la v´erit´e que nous avons mentionn´e : une proposition pr´edicative est rendue vraie par le fait que l’objet poss`ede la propri´et´e (voir Russell, B. (1912/2005). Probl`emes de Philosophie. Payot, Paris.). Nous ne trancherons pas ce point d`es maintenant car il suppose de mieux comprendre la th´eorie de la v´erit´e que nous d´efendrons, ce qui sera fait dans la section 2.4.

2.3 Antir´ealisme et s´emantique : le d´efi de

Dummett

A modern-dress version of Kant’s view

Lowe

On pourrait contester les d´erivations que nous venons de pr´esenter en montrant qu’elles reposent sur une mauvaise s´emantique. En effet, en intro-duisant l’attribution de propri´et´e au cœur du r´ealisme, il peut sembler que l’on fasse de la proc´edure ou de la m´ethode d’attribution une condition pour que l’objet ait une propri´et´e. Nous avons essay´e de montrer que ce pers-pectivisme ´etait inoffensif contre la pr´etention au r´ealisme. Mais Dummett a propos´e une analyse s´emantique qui elle aussi vise `a prendre en compte la place du sujet pensant et parlant, ce qui le conduit `a une discussion sur les conditions de v´erit´e qui ne pourraient pas, selon lui, ˆetre sp´ecifi´ees dans le mod`ele r´ealiste. C’est pourquoi il nous faut directement affronter ses objections.

2.3.1 Question de jure s´emantique

Le point important n’est pas l’existence des objets

math´ematiques, mais l’objectivit´e de la v´erit´e math´ematique

Kreisel cit´e par Dummett

Selon Dummett, le r´ealisme m´etaphysique, ou plutˆot ontologique mais Dummett ne semble pas faire de diff´erence, ne serait ´epist´emiquement coh´e-rent que si les faits, la r´ealit´e telle qu’elle est et qui rend vrais les ´enonc´es, croyances ou propositions m´etaphysiques, ´etaient directement accessibles. Telle serait le rˆole de l’intuition ontologique. Pour faire de la m´etaphysique

sans commencer par la question de jure, a reflective insight of the meta-physician devrait exister (Dummett, 1991c, p.15)58. La critique de l’in-tuition noum´enale doit permettre selon Dummett de discuter des droits de la seule mani`ere de faire de la m´etaphysique sans passer par la s´emantique antir´ealiste. Le r´ealisme que nous d´efendons, notamment celui de l’attribu-tion serait donc d´ependant d’une pr´etenl’attribu-tion surhumaine `a l’intuil’attribu-tion intel-lectuelle. Or, la pens´ee et le langage humains ne fonctionnent pas sur la base d’une telle intuition et Dummett refuse de discuter des th`eses ontolo-giques directement au nom d’une critique au sens kantien. Dummett (1978, p.458)59 prend ses distances avec le kantisme strict en pr´ecisant que faire de Kant le philosophe ayant trouv´e la m´ethode d´efinitive en philosophie en une illusion typiquement philosophique. Il reste cependant dans le prolonge-ment de son approche de la m´etaphysique mˆeme si, contraireprolonge-ment `a Kant, Dummett propose une critique qui n’est pas une ´etude du sujet transcen-dantal tout en ´etant bien une ´etude des conditions transcentranscen-dantales de la pens´ee.

Le point de d´epart de la philosophie doit ˆetre une analyse de la structure fondamentale de nos pens´ees. (Dummett, 1991a, p.2)60

La critique des conditions de la pens´ee est donc la condition de toute onto-logie et ainsi Dummett se situe aussi explicitement dans la lign´ee de Frege dont il reprend l’id´ee qu’une loi logique n’est pas une loi de la nature mais une loi des lois de la nature61. Le renouveau de la logique math´ematique

58. Dummett, M. (1991c). The Logical Basis of Metaphysics. Harvard Univ Press, Harvard.

59. Dummett, M. (1978). Truth and other Enigmas. Harvard Univ Press, Harvard. 60. Dummett, M. (1988/1991a). Les Origines de la Philosophie Analytique. Galli-mard, Paris.

61. Il faut cependant remarquer que Dummett consid`ere que Frege ne fait qu’amorcer le tournant linguistique, car il manquerait chez Frege une prise en compte (wittgenstei-nienne) de l’assertion des propositions. L`a o`u Frege reste profond´ement r´ealiste, Dummett repr´esente une forme ´elabor´ee d’antir´ealisme. Ainsi, chez Frege, les propositions tirent leur objectivit´e de leur appartenance `a un monde tandis que pour Dummett, l’aspect social et r´egul´e de la pratique linguistique assure l’objectivit´e des contenus de nos as-sertions. Voir : Dummett, M. (1988/1991a). Les Origines de la Philosophie Analytique. Gallimard, Paris, chap.1.

par Frege permet de tirer une le¸con sur la mani`ere de faire de la philoso-phie. La philosophie de la pens´ee sera une philosophie du jugement (Dum-mett, 1991a, p.3). La signification est autant un probl`eme de philosophie du langage que de philosophie de la pens´ee et la clarification des struc-tures logiques de la signification d’un ´enonc´e devient l’´etape premi`ere de la m´etaphysique.

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Etudier directement des probl`emes m´etaphysiques comme nous voulons le faire poserait donc un probl`eme de m´ethode. Il faudrait s’assurer que l’on peut ´enoncer des v´erit´es sur telle ou telle entit´e avant de chercher ces ´eventuelles v´erit´es. L’examen du r´ealisme suppose l’examen pr´ealable des conditions de v´erit´e des ´enonc´es, conditions qui rel`event de la s´emantique rendant compte de la compr´ehension des ´enonc´es et de leur v´erit´e. Dummett reformule alors en une seule opposition, l’opposition des r´ealismes et des an-tir´ealismes qui traversent plusieurs domaines (esprit, universaux, propri´et´es morales, esth´etiques, etc.) : l’opposition fondamentale est celle du r´ealisme s´emantique et de l’antir´ealisme s´emantique (Dummett, 1991c, chap. 1).

Le r´ealisme s´emantique pose que les conditions de v´erit´e d’un ´enonc´e sont des faits ind´ependants de notre connaissance, de notre langage ou de notre pens´ee. L’antir´ealisme refuse l’id´ee de conditions de v´erit´e ind´epen-dantes de notre acc`es `a ces conditions, cette ind´ependance serait un non-sens. Dans le cadre de l’antir´ealisme s´emantique, un ´enonc´e n’est pas vrai ind´ependamment de notre v´erification ou mieux on ne peut pas se poser la question de la v´erit´e d’une proposition sans donner les conditions de la v´erification de cette proposition. On peut alors, avec pr´ecaution, rappro-cher Dummett du positivisme et certaines formulations laissent `a penser qu’il reformule le crit`ere de v´erification sur lequel nous reviendrons dans la section 3.2.

La v´erit´e, ainsi con¸cue, devra ˆetre expliqu´ee comme consistant dans une possibilit´e objective, pour un observateur correctement plac´e, de v´erifier l’´enonc´e. (Dummett, 1991c, p.338)

L’insistance sur la v´erification ne fait pas de Dummett un parfait positiviste. Dummett n’´enonce pas ici un crit`ere v´erificationniste de la signification

selon lequel un ´enonc´e n’a de sens que s’il existe une v´erification actuelle ou possible de l’´enonc´e. La signification d’un ´enonc´e est plutˆot la m´ethode de v´erification de l’´enonc´e. Dummett ne souscrit pas non plus `a un quelconque ph´enom´enalisme puisque la v´erification ne consiste pas toujours `a rapporter les ´enonc´es `a des ´enonc´es observationnels qui eux-mˆemes tirent leur v´erit´e de l’observation.

Il n’y a que pour les ´enonc´es d’une certaine classe restreinte –les ´enonc´es d’observations– que la v´erification sera d’un genre purement observationnel, sans la m´ediation d’une chaˆıne de raisonnements ou d’aucun autre processus mental, linguistique ou symbolique. (Dum-mett, 1991b, p.99)62

Pas plus qu’il n’est `a proprement parler positiviste63, Dummett n’est r´edu-ctionniste. Son antir´ealisme ne proc`ede pas `a la r´eduction d’une classe d’´enonc´es `a une autre classe, car, g´en´eralement, la classe de r´eduction est comprise de mani`ere r´ealiste. Ainsi les ph´enom´enistes sont antir´ealistes pour les objets m´esoscopiques mais r´ealistes pour les sense-data (Dummett, 1991c, p.322).

Ce n’est donc pas le principe positiviste de v´erification qui guide Dum-mett mais c’est la philosophie des math´ematiques qui joue un rˆole exem-plaire pour toute la s´emantique et pour les probl`emes m´etaphysiques (Dum-mett, 1978, chap. 14). La v´erit´e d’un ´enonc´e math´ematique s’explique soit par r´ef´erence `a des faits ind´ependants de nos pratiques math´ematiques, soit par la preuve que nous produisons ou pouvons produire. Pour dire que la v´erit´e d’un ´enonc´e math´ematique d´epend d’un fait, il faut que ce fait soit accessible et connu. Or il y a des ´enonc´es math´ematiques ind´ecidables en un temps fini, c’est-`a-dire dont aucune preuve n’est possible dans l’exp´erience du math´ematicien.

Nous pouvons dire qu’un ´enonc´e P doit ˆetre soit vrai soit faux, et qu’il doit y avoir quelque chose en vertu de quoi il est soit vrai soit

62. Dummett, M. (1978/1991b). Philosophie de la Logique. Editions de Minuit, Paris.

63. On sait par ailleurs que Dummett est chr´etien, ce qui l’´eloigne encore plus radica-lement du positivisme.

faux, seulement au cas o`u P est un ´enonc´e d’un genre tel que nous pourrions, en un laps de temps fini, nous mettre dans une position o`u nous serions justifi´es, soit `a l’asserter soit `a le nier ; autrement dit, seulement au cas o`u P est un ´enonc´e effectivement d´ecidable. (Dummett, 1991b, p.65)

Une ontologie r´ealiste des math´ematiques poserait que l’´enonc´e a une valeur de v´erit´e d´etermin´ee ind´ependamment de celui qui utilise l’´enonc´e. La signi-fication de l’´enonc´e n’est pas clarifi´ee nous dit Dummett, par l’invocation de faits d´epassant nos capacit´es de connaissance. Les conditions de v´erit´e des ´enonc´es math´ematiques semblent plutˆot dans les conditions d’assertion des ´enonc´es, c’est-`a-dire dans l’usage des ´enonc´es et dans les preuves que nous pouvons produire.

L’objection qui vient imm´ediatement `a l’esprit est de savoir si ce qui vaut pour les ´enonc´es math´ematiques vaut pour tout autre type d’´enonc´es. L’in-suffisance de la s´emantique des ´enonc´es math´ematiques pour la s´emantique en g´en´eral est reconnue par Dummett (1991c, p.337) mais ce dernier montre que l’importance de la preuve dans l’interpr´etation intuitionniste des math´e-matiques n’est qu’un cas particulier de la mani`ere pour un ´enonc´e d’ˆetre vrai. L’absence d’acc`es `a des faits ind´ependants mais r´eglant les condi-tions de v´erit´e des ´enonc´es se retrouve dans d’autres domaines. Pour les objets physiques, pour les ´etats mentaux ou pour le pass´e, les conditions de v´erit´e des ´enonc´es ne semblent pas d´ependre de faits qui bien souvent sont inaccessibles. Les ´etats mentaux d’autrui ne nous sont pas directe-ment accessibles, il faut qu’ils se manifestent. Le b´ehaviorisme semble in-dispensable pour la philosophie de l’esprit dit Dummett (1991c, p.322-3). Or le b´ehaviorisme implique assez naturellement le rejet de la bivalence dans les cas d’ind´etermination de notre connaissance des ´etats mentaux d’au-trui (Dummett, 1991c, p.327). L’intuitionnisme math´ematique est donc un mod`ele pertinent pour d´evelopper une s´emantique antir´ealiste plus g´en´erale refusant le principe de bivalence dont d´epend le r´ealisme selon lequel toute proposition est soit vraie soit fausse ind´ependamment de nous64. Discuter le

64. Il resterait un probl`eme important `a traiter. Dummett reconnaˆıt progressivement qu’il ne faut pas transf´erer le mod`ele math´ematique de la d´ecidabilit´e sans l’assouplir.

r´ealisme ou l’antir´ealisme m´etaphysique ou th´eiste suppose donc de discuter les conditions de v´erit´e des ´enonc´es.

Dans le document L'ontologie réaliste du théisme (Page 65-74)