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Critique du principe de v´ erification

Dans le document L'ontologie réaliste du théisme (Page 142-146)

R´ eponses aux objections antir´ealistes

3.2 Le d´ efi du positivisme

3.2.3 Critique du principe de v´ erification

Plutˆot que de chercher `a concilier l’inconciliable, c’est-`a-dire le positi-visme et la philosophie de la religion, il faut plutˆot mettre en question le principe de v´erification. Il faut admettre que le crit`ere positiviste de la signi-fication est fragile sur plusieurs points. Le probl`eme le plus ´evident est que le principe n’est pas vrai mais bien faux selon les crit`eres mˆemes du prin-cipe. Le principe s’autor´efute car il propose un crit`ere m´etapropositionnel th´eorique qui va bien au-del`a du travail scientifique, bien au-del`a de tout ´enonc´e analytiquement vrai ou synth´etiquement vrai. Quatre autres points m´eritent d’ˆetre soulign´e contre le v´erificationnisme.

(1) Comme souvent dans les critiques de la m´etaphysique, il semble bien qu’une m´etaphysique implicite soit pr´esuppos´ee. Le pr´esuppos´e en question est que tout fait est empiriquement accessible, c’est-`a-dire accessible directement ou non, grˆace `a une exp´erience sensible. On peut se demander si c’est le principe de v´erification qui soutient la th`ese que tous les faits sont des faits empiriques ou bien l’inverse. Le positiviste logique r´eduit la cat´egorie de fait `a celle de fait empirique pour asseoir son v´erificationnisme. Or, on ne peut trancher cette ques-tion m´etaphysique sur la nature des faits sans faire de la m´etaphysique et donc sans ´elargir consid´erablement les crit`eres de signification et de v´erit´e des ´enonc´es. Mais c’est impossible et interdit par le positiviste logique. Par cons´equent, sa d´efense du principe de v´erification reste injustifi´ee.

(2) On peut aussi fonder ontologiquement la v´erit´e d’une proposition sur des entit´es comme nous le faisons en ayant recours `a la th´eorie des v´erifacteurs et ne pas succomber au v´erificationnisme car le rendre-vrai est suffisamment robuste quand il est compris comme une fonda-tion essentielle. Ajouter que les faits doivent ˆetre accessibles empiri-quement introduit une limitation inutile que la th´eorie des v´erifacteurs ne demande pas.

(3) Plantinga (1967, p.167)43 remarque que le th´eologien (ou le

New-sophe) pourrait mˆeme refuser le principe en disant : les ´enonc´es th´eolo-giques ont un sens, ils n’ob´eissent pas au principe de v´erification, le principe de v´erification n’est pas un crit`ere de signification pour tous les ´enonc´es ayant un sens. On voit ici un mode de raisonnement que l’on retrouve souvent dans l’œuvre de Plantinga : ne pas se laisser imposer les termes du d´ebats par des philosophies non chr´etiennes ou mˆeme explicitement ath´ees.

(4) Mais du positivisme, il reste une exigence plus g´en´erale et appa-remment l´egitime que le th´eiste doit affronter. La v´erifiabilit´e est une exigence empirique, or le th´eisme n’est pas une th`ese seulement sur le transcendant mais sur le transcendant et l’empirique. Ayer (1956, p.161) consid`ere que les preuves de l’existence de Dieu qui semblent souvent partir de bases empiriques ne sont pas en r´ealit´e des d´emonstrations. Beaucoup de th´eistes admettraient ce point. En effet, les preuves ou mieux les arguments sont d’abord inductifs. Il s’agit d’argumenter pour confirmer le th´eisme sans croire d´emontrer la n´ecessit´e de l’existence de Dieu. Il faut tenir compte des pr´emisses empiriques et des modes de raisonnement communs aux sciences et `a la philosophie mais pas propres aux math´ematiques ou `a la logique44. Comme nous l’avons vu en introduction, nous ne d´efendons pas une strat´egie fondationnaliste. Les arguments pour l’existence de Dieu per-mettent uniquement de s’assurer de la rationalit´e et de la coh´erence de l’hypoth`ese th´eiste, notamment par rapport `a un ensemble de donn´ees empiriques (evidences). De plus, on peut comme Van Inwagen pen-ser que les raisons de croire comme les arguments philosophiques ne sont pas coercitives. Contrairement aux preuves math´ematiques ou logiques, les arguments philosophiques sugg`erent des raisons de croire ceci ou cela, ils justifient la croyance que la conclusion est vraie. Ainsi, Van Inwagen (2006, p.40-1) met en avant deux aspects contextuels de l’argumentation philosophique qui font que l’on ne peut pas ´evaluer

York.

44. Swinburne refuse ainsi l’argument ontologique au profit de preuves inductives qui confirment la probabilit´e de v´erit´e du th´eisme.

un argument philosophique et, a fortiori, th´eiste en fonction de la certitude qu’il produirait ou non chez un auditeur ou lecteur. Tout d’abord, le but d’un philosophe qui pr´esente un argument n’est pas toujours de convertir `a sa conclusion ou de rendre certain de sa v´erit´e. La question peut ˆetre trop complexe `a cause des limites de l’esprit hu-main ou du manque de temps pour examiner toutes les ramifications du probl`eme. Cependant, le philosophe peut tenir son argument pour satisfaisant malgr´e tout. Ensuite, il faut tenir compte de l’audience qui tient pour vraies ou fausses certaines propositions qui seront uti-lis´ees ou non par notre philosophe. Tout n’est pas `a discuter en mˆeme temps ; mˆeme si, dans un autre contexte, un point non questionn´e serait un objet de d´ebat. Ces deux aspects contextuels permettent d’affirmer avec Van Inwagen que l’argumentation philosophique est relative `a un contexte, sans pour autant affirmer, ´evidemment, que la v´erit´e est relative `a un contexte. La prise en compte de cette relati-vit´e de l’argumentation empˆeche de mesurer l’argumentation th´eiste `a l’aune de d´emonstrations formelles puisque ce serait confondre les rationalit´es.

3.2.4 Le falsificationnisme de Flew

Si l’on abandonne le v´erificationniste, on peut encore en garder l’esprit en demandant que tout ´enonc´e dou´e de sens ait un lien fort avec l’empirique, et il n’est pas certain que le th´eisme en sorte indemne.

Imaginons deux explorateurs dans la jungle, l’un est l’analogue du croyant et l’autre l’analogue du sceptique. Le premier dit qu’un jardinier doit ˆetre responsable de l’ordre qui r`egne dans la v´eg´etation et l’autre le conteste45. Le premier propose alors de consid´erer que le jardinier est invisible. Les deux explorateurs se livrent alors `a une enquˆete pour d´etecter des traces de ce jardinier invisible, mais en vain. Le premier explorateur se d´efend

45. Cette exp´erience de pens´ee est d´ecrite par John Wisdom cit´e par Flew dans Flew, A. (1955). Theology and Falsification, in Flew et MacIntyre, 1955.

alors en affirmant que le jardinier invisible doit aussi ˆetre empiriquement ind´etectable. Le probl`eme est alors le suivant.

Quelle est la diff´erence entre un jardinier invisible, intangible, ´eternel-lement cach´e et un jardinier imaginaire ou mˆeme pas de jardinier du tout ?(Flew, 1955, p.96)

Pour mettre en d´efaut l’explorateur croyant, Flew propose un crit`ere de falsification. Puisqu’une assertion est logiquement ´equivalente `a une n´egation de la n´egation de l’assertion, celui qui asserte qu’un jardinier empi-riquement ind´etectable existe doit pouvoir dire ce que seraient les conditions empiriques de v´erification de la n´egation, c’est-`a-dire les conditions empi-riques de falsification de son ´enonc´e. Le croyant est incapable selon Flew de donner des conditions empiriques possibles qui l’am`enerait `a reconnaitre l’inexistence de Dieu. Puisqu’il ne peut r´epondre au d´efi suivant, ses ´enonc´es ne sont pas des assertions pouvant ˆetre vraies ou fausses.

Qu’est-ce qui pourrait arriver ou devrait arriver pour constituer pour vous une preuve contre l’amour de Dieu ou contre son existence ? (Flew, 1955, p.99)

Pourtant, Flew a l’air de faire comme s’il n’existait pas de bons arguments inductifs pour l’existence de Dieu, comme si rien ne pouvait ˆetre tenu pour trace de Dieu dans le monde. Accordons lui malgr´e tout son scepticisme sur ce point car il existe un autre probl`eme comme l’a bien montr´e Plan-tinga. Plantinga (1967, p.158-9) conteste avec raison le d´efi falsification-niste car, pas plus que le v´erificationfalsification-niste, Flew ne donne un r´eel crit`ere de compr´ehension de la signification. Si l’on devait suivre l’exigence falsi-ficationniste, on aurait des conditions exorbitantes de compr´ehension d’un ´enonc´e : il faudrait saisir tous les ´enonc´es n´egatifs possibles pour comprendre l’´enonc´e positif ce qui est plus qu’improbable. Mˆeme dans sa version falsi-ficationniste, le recours positiviste `a l’empirique est loin de donner de forts arguments contre le contenu cognitif des croyances et contre l’interpr´etation r´ealiste du th´eisme.

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