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Dieu comme chose en soi

Dans le document L'ontologie réaliste du théisme (Page 146-174)

R´ eponses aux objections antir´ealistes

3.3 Dieu comme chose en soi

Il est vain de distinguer la connaissance de Dieu dans la cr´eature ou en soi, car si la connaissance est obtenue par l’entremise de la cr´eature, de fa¸con que la connaissance discursive commence par la cr´eature, je recherche `a quel terme cette connaissance s’arrˆete. Si c’est en Dieu en soi, j’ai mon propos, car je

recherche ce concept de Dieu en soi. Si elle ne s’arrˆete pas en Dieu en soi, mais dans la cr´eature, alors le terme et le principe du discours seront identiques, et ainsi on n’aura aucune connaissance de Dieu.

Duns Scot

3.3.1 Dieu dans la critique kantienne

Ainsi une th´eologie ´ethique est tout `a fait possible.

Kant

Pour contester le r´ealisme ontologique du th´eisme, on peut chercher `a tracer les limites de la connaissance de telle sorte que la connaissance de l’existence de Dieu et de ses attributs soit impossible et que les proposi-tions th´eistes n’aient pas de valeur de v´erit´e. Kant fournit un mod`ele de cette d´emarche critique qui peut ˆetre repris par des th´eologiens ou des philosophes de la religion. Le paradigme critique selon l’expression de

Greisch (2002a, p.64-5 et p.307-311) propose une philosophie r´evisionniste de la religion puisque le r´ealisme n’est pas consid´er´e comme li´e `a la croyance religieuse mais comme le propre d’une interpr´etation superstitieuse ou fa-natique des affirmations religieuses. Cette interpr´etation r´ealiste devrait ˆetre corrig´ee par les philosophes. Selon l’esprit des Lumi`eres, une v´eritable r´eforme rationnelle de la pens´ee de Dieu doit lib´erer de ces superstitions pour permettre au croyant d’avoir un rapport libre et ´eclair´e `a Dieu, voire mˆeme de permettre `a Dieu de rencontrer l’ˆetre humain. Pour cela, le croyant devrait commencer par renoncer `a s’interroger sur la valeur de v´erit´e des propositions comme (T1) et (T2).

Nous commencerons par suivre, aussi loin que possible, la pens´ee critique de Dieu chez Kant. Les probl`emes r´ecurrents que nous rencontrerons seront alors trait´es notamment le rˆole structurant et discutable de la chose en soi et de l’intuition. Ensuite, nous verrons les prolongements contemporains, chez Kaufman et Hick, de la philosophie critique ainsi que la faiblesse de ses analyses.

3.3.1.1 L’Id´ee de Dieu.

Dieu apparait d’abord, dans la Critique de la Raison Pure46, comme un Id´ee ou un Id´eal de la raison et non comme une cat´egorie de l’entende-ment. Si la cat´egorie ou concept de l’entendement s’applique `a des intuitions pour produire des jugements et des connaissances, l’Id´ee dessine un hori-zon pour la raison cherchant `a unifier ses connaissances sans pouvoir faire correspondre son Id´ee `a aucune exp´erience. Au cœur de la raison se trouve l’exigence de l’inconditionn´e mais cette exigence ne m`ene pas `a une connais-sance de l’inconditionn´e, elle impose seulement un effort de syst´ematisation sup´erieure des connaissances d´ej`a acquises. Rien ne dit que la totalisation du savoir soit accessible mais il faut penser une totalisation possible, il faut r´eguler notre connaissance selon ce point de vue inconditionn´e. Telle est le rˆole des Id´ees de la raison : l’Id´ee d’ˆame contient l’unit´e absolue du

su-46. Kant, I. (1781-7/2001a). Critique de la Raison Pure. Garnier Flammarion, Paris. Abr´eg´e CRP.

jet pensant, l’Id´ee de monde l’unit´e absolue de la s´erie des conditions des ph´enom`enes et l’Id´ee de Dieu l’unit´e absolue de la condition de tous les objets de la pens´ee. Grˆace `a l’Id´ee de Dieu, toutes

les choses du monde doivent ˆetre envisag´ees comme si elles tenaient leur existence d’une intelligence suprˆeme. (CRP, A671/B699)

L’unit´e de ce que nous cherchons `a connaitre n’est totale que par l’affirma-tion heuristique d’un Dieu cause ou plutˆot fondement incondil’affirma-tionn´e de tous les ph´enom`enes.

La supposition d’une intelligence suprˆeme, comme cause unique de l’univers, mais qui, `a la v´erit´e, n’est que dans l’Id´ee, peut donc tou-jours ˆetre utile `a la raison et ne saurait jamais lui nuire. (CRP, A687/B715)

Mais dans cette repr´esentation de l’Id´ee, prise pour fondement, d’un auteur suprˆeme, il est clair aussi que ce n’est pas l’existence et la connaissance d’un tel ˆetre, mais seulement son Id´ee qui me sert de fondement, et qu’ainsi je ne d´erive proprement rien de cet ˆetre mais seulement de l’Id´ee de cet ˆetre, c’est-`a-dire de la nature des choses du monde envisag´ee sous cette Id´ee. (CRP, A701/B729, nous souli-gnons)

Ainsi, Dieu en tant qu’Id´ee permet une r´egulation de la connaissance qui sinon, risquerait une dispersion peu conforme `a l’id´eal d’unit´e du savoir. L’id´ee de Dieu n’assure pas que tout est un, mais que notre connaissance peut viser l’unit´e.

L’absence de connaissance de Dieu repose principalement sur l’absence d’intuition sensible ou intellectuelle de Dieu. Qu’il n’y ait pas d’intuition de Dieu peut se comprendre puisque Dieu est ici ´etudi´e comme fondement de tous les ˆetres, ce qui n’est pas une propri´et´e ph´enom´enale dont il est possible d’avoir une exp´erience perceptive ou directe. Accordons ce point `a Kant bien qu’il soit discutable d’invalider la possibilit´e d’une exp´erience perceptive de Dieu comme l’ont montr´e Alston (1993)47et Swinburne (2004,

47. Alston, W. (1993). Perceiving God : The Epistemology of Religious Experience. Cornell University Press, Ithaca, New York.

chap. 13)48.

On sait par ailleurs que Kant a propos´e une attaque vigoureuse de la th´eologie naturelle et philosophique en s’opposant aux preuves de l’exis-tence de Dieu. Il serait trop long d’´etudier ces critiques et nous accorderons ce point aussi49. Notre r´eponse sera indirecte. Si l’on peut montrer que la conception de Dieu d´efendue par Kant n’est pas probante, cela inciterait `a regarder `a nouveau la validit´e de la critique des preuves. Nous ne discute-rons donc pas le refus de l’exp´erience religieuse perceptive ou la critique des preuves de l’existence de Dieu. Nous accorderons ces deux points car mˆeme si l’on s’y opposait, cela ne suffirait pas `a invalider l’antir´ealisme qui se manifeste dans l’affirmation de Dieu par la raison pratique non sp´eculative. C’est cette position que nous voulons discuter comme objection au r´ealisme ontologique du th´eisme puisque c’est elle qui en refusant toute connaissance possible de Dieu interdit toute proposition ayant une valeur de v´erit´e et por-tant sur Dieu.

Les th`eses kantiennes prend sa source dans une interpr´etation originale de l’affirmation que Dieu existe50. Cette affirmation ne rel`eve pas de la rai-son sp´eculative capable d’affirmer absolument une proposition ayant une valeur de v´erit´e mais elle rel`eve des croyances de la raison pratique et est relative aux besoins de cette raison. Kant distingue deux formes de justifi-cation d’une croyance propositionnelle.

48. Voir Gellman, J. (2001). Mystical Experience of God : a Philosophical Inquiry. Ashgate Publishing, Aldershot ; Yandell, K. (1993). The Epistemology of Religious Ex-perience. Cambridge University Press, Cambridge.

49. Pour une discussion de l’argument ontologique `a partir des critiques kantiennes, voir : Plantinga (1967, I. chap. 2 et 3) ; Oppy, G. (1995). Ontological Arguments and Belief in God, Cambridge University Press, Cambridge, p.29-38 ; Sobel, J. (2003). Logic and Theism : Arguments for and against Beliefs in God, Cambridge University Press, Cambridge, p.66-70. On sait que Kant fait reposer toute la th´eologie naturelle et ra-tionnelle sur la preuve ontologique qui doit soutenir les autres preuves qui affirment l’existence d’un ˆetre n´ecessaire. Or l’argument ontologique suppose que nous ayons une connaissance suffisante de la nature de Dieu, comme ˆetre qui est le plus r´eel ou qui a toutes les perfections, afin de conclure qu’il existe. Une telle connaissance comme nous allons le montrer d´epasserait les limites de nos capacit´es cognitives.

Je puis avoir une raison suffisante d’admettre quelque chose relative-ment (suppositio relativa), sans pourtant ˆetre autoris´e `a l’admettre absolument (suppositio absoluta). (CRP, A676/B704)

Le refus de poser absolument Dieu comme existant n’empˆeche pas d’ad-mettre ou d’affirmer la proposition que Dieu existe relativement `a l’int´erˆet de la raison th´eorique ou `a celui de la raison pratique. Si dans ce passage de la premi`ere Critique, c’est l’unit´e de la raison th´eorique qui est en jeu, l’unit´e de la raison pratique sera tout autant sinon plus d´eterminant. Car, `a chaque fois, une fin de la raison comme l’unit´e de la connaissance ou la pos-sibilit´e du Souverain Bien, impose de penser et de poser Dieu pour rendre plausibles ces deux recherches51.

La supposition relative n’appartient pas `a la connaissance d’objets mais seulement `a leur pens´ee. La connaissance est discursive et propositionnelle chez Kant, connaitre c’est synth´etiser et par l`a juger, c’est-`a-dire repr´esenter dans l’unit´e une diversit´e de repr´esentations. Les jugements d´eterminants sont le v´eritable lieu de la connaissance, dans lesquels les concepts font r´ef´erence m´ediatement aux objets et les intuitions donnent imm´ediatement l’objet. La connaissance puisqu’elle est un jugement grˆace `a des concepts qui ont une port´ee universelle, est tout autant unification de repr´esentations par le sujet que repr´esentation objective, relative `a un objet. Ces deux versants de la connaissance tenus ensemble, notamment dans les deux d´eductions transcendantales, font la force du criticisme. L`a o`u la connaissance se trouve limit´ee, il reste encore la possibilit´e d’une pens´ee. Penser et connaitre se dis-tinguent alors par la pr´esence de l’intuition. Le concept dans l’entendement permet de penser l’objet et quand une intuition vient donner un contenu particulier `a ce concept alors on peut connaitre l’objet. Un concept a une valeur universelle, il s’applique `a plusieurs objets contrairement `a l’intuition

51. L’opuscule�Qu’est-ce que s’orienter dans la pens´ee ?� est enti`erement consacr´e `a la d´efense du besoin pour la raison d’affirmer l’existence de Dieu ou de l’ˆame dans la perspective des Lumi`eres. Entre Jacobi qui refusant l’objectivit´e de la connaissance refuse la rationalit´e de la pens´ee de Dieu et Mendelssohn qui refusant l’importance du sujet d´efend la possibilit´e de la connaissance objective de Dieu sans critique transcendantale, Kant rappelle le besoin d’orientation de l’esprit humain rationnel qui ne s’exprime pas sous la forme de connaissance m´etaphysique. Voir Kant, I. (1786/1959). Qu’est-ce que s’Orienter dans la Pens´ee ?, J. Vrin, Paris.

et n’a de contenu que dans un jugement, d’o`u cette d´efinition des concepts :

pr´edicats de jugements possibles (CRP A69/B94). La connaissance est une mani`ere d’appliquer sa pens´ee grˆace `a l’intuition puisque l’entendement ne se donne pas les objets de lui-mˆeme n’ayant pas d’intuition intellectuelle cr´eatrice.

L’Id´ee de Dieu appartient seulement `a la pens´ee de Dieu et rien ne permet d’atteindre une connaissance de Dieu. Mais penser Dieu ne consiste pas seulement `a poser un id´eal r´egulateur et `a envisager les ph´enom`enes comme s’ils ´etaient tous fond´es dans un ˆetre premier. Penser Dieu du point de vue pratique impose en plus de postuler son existence, relativement `a la loi morale.

3.3.1.2 Dieu postul´e et pens´e

La Critique de la Raison Pratique52 montre comment ne pas r´eduire Dieu `a l’Id´ee de Dieu. Mˆeme si la pens´ee r´egulatrice ne pr´esuppose pas l’exis-tence de ce dont elle a l’Id´ee, la postulation rationnelle par l’interm´ediaire de la raison pratique donne le droit de croire que Dieu existe, bien qu’aucun concept comme ceux de cause ou de substance ne permettent de le connaitre. La postulation n’est ni l’usage constitutif de la raison ni l’usage r´egulateur. Quand Dieu est postul´e, aucun concept ´etudi´e dans l’Analytique Transcen-dantale ne peut ˆetre sch´ematis´e et rempli par une intuition empirique (ou mˆeme intellectuelle) de Dieu. Par ailleurs, il ne s’agit nullement de fonder la morale sur l’existence connue de Dieu, mais bien de trouver dans l’exigence morale absolue, la source d’une affirmation de l’existence de Dieu. Apr`es l’ach`evement de la connaissance qui r´eclame l’Id´ee de Dieu, l’ach`evement de la morale et le probl`eme du Souverain Bien font qu’il est n´ecessaire et mˆeme obligatoire, pour le sujet pratique, de postuler l’existence de Dieu.

La postulation est l’aboutissement d’un argument moral pour l’existence de Dieu (CRPrat, dial., chap.2, section 5). Chaque ˆetre humain, sensible et rationnel, doit chercher le Souverain Bien mais sans postuler l’existence de Dieu, cela est incoh´erent. Le Souverain Bien qui est le bien le plus haut

cherch´e par la raison et qui est la conjonction de la vertu qui rend digne d’ˆetre heureux en agissant selon la loi morale et du bonheur comme satis-faction durable des penchants, n’est pas accessible pour l’ˆetre humain. La vertu n’est pas un moyen sˆur et efficace pour se rendre heureux, pas plus que l’accomplissement de ses d´esirs ne m`ene `a la vertu puisque la vertu nous demande d’humilier nos penchants marqu´es par le mal radical. Un ˆetre fini comme l’ˆetre humain ne peut harmoniser ses deux attentes, il ne peut harmoniser les exigences de sa libert´e morale et le d´eterminisme de ses penchants. Or sans cette harmonie, le Souverain Bien que nous devons chercher `a r´ealiser serait impossible. Il faut donc un Dieu qui puisse r´ealiser cette harmonisation. En suivant Byrne (2007, p.86)53, on peut donner la forme suivante `a l’argument moral.

(1) Il est rationnellement et moralement n´ecessaire d’atteindre le Souve-rain Bien.

(2) Ce que nous sommes oblig´es d’atteindre, il doit ˆetre possible pour nous de l’atteindre.

(3) Atteindre le Souverain Bien est seulement possible si l’ordre naturel et la causalit´e sont une partie d’un ordre moral et d’une causalit´e morale sup´erieurs.

(4) L’ordre moral et la causalit´e morale ne sont possibles que si nous postulons un Dieu `a leur source.

On le voit, postuler n’est pas seulement faire une hypoth`ese ou affirmer un axiome math´ematique certain. Car il n’y a pas de certitude quant `a ce qui est affirm´e. Et la postulation est n´ecessaire et pas seulement hy-poth´etique. Postuler c’est croire raisonnablement `a propos d’une existence mais ici l’existence n’est pas `a prendre au sens cat´egorial, car l’argument est seulement subjectif. Relativement `a notre devoir de chercher le Sou-verain Bien et relativement `a notre impossibilit´e de connaitre, croire que Dieu existe est parfaitement rationnel. Cela ressemble `a une d´erivation de (T1) sur la base non des croyances religieuses mais des exigences morales.

Pourtant, mˆeme justifi´ee `a partir de la loi morale en nous, cette affirmation de Dieu n’est pas une connaissance de Dieu ni de sa nature qui n’est pos-tul´ee et pens´ee que sous l’horizon de la subjectivit´e morale sans pr´etendre repr´esenter objectivement Dieu par des propositions ayant une valeur de v´erit´e.

Mais notre connaissance est-elle de cette mani`ere r´eellement ´elargie par la raison pure pratique, et ce qui ´etant transcendant pour la rai-son sp´eculative, est-il immanent pour la rairai-son pratique ? Sans doute, mais seulement au point de vue pratique. Car nous ne connaissons par l`a, ni la nature de notre ˆame, ni le monde intelligible, ni l’ˆetre suprˆeme, suivant ce qu’ils sont en eux-mˆemes. (CRPrat, Dial. Trans. Chap. 2 VI., p.143.)

La m´etaphysique drastiquement limit´ee dans la premi`ere Critique n’est pas r´eellement retrouv´ee dans la seconde. La connaissance de Dieu reste bel et bien impossible. Ce passage parait agnostique mais, encore une fois, ne pas connaitre n’implique pas ne rien penser.

3.3.1.3 L’analogie

Il faut maintenant comprendre comment l’affirmation de Dieu peut ne pas ˆetre un pur flatus vocis, car il faut bien que ce Dieu affirm´e doit ˆetre d´ecrit comme celui qui rend possible l’harmonie du sensible et de l’intelli-gible, des penchants et de la libert´e, du bonheur et du respect de la loi. Kant n’est pas un protopositiviste qui verrait dans le langage religieux ou critique `a propos de Dieu un discours d´enu´e de sens. Les limites du langage propo-sitionnel (les jugements d´eterminants aurait dit Kant) ne sont pas celles de la connaissance et mˆeme si la pens´ee de Dieu n’est pas une connaissance objective, elle n’est pas non plus seulement l’expression d’´emotions ou de valeurs (Byrne, 2007, p.57-61)54.

54. Il est possible de critiquer la lecture par Nietzsche du kantisme `a propos du Dieu-valeur. Cette lecture tr`es r´eductrice par rapport au texte kantien est globalement accept´ee par Heidegger qui y voit une ´etape centrale dans le d´eveloppement de la m´etaphysique de la subjectivit´e. Voir Heidegger, M. (1962a). Chemins qui ne m`enent nulle part. Gallimard, Paris, notamment chap. Sur le mot de Nietzsche�Dieu est mort�.

Demande-t-on enfin (...) si nous ne pouvons pas du moins concevoir cet ˆetre distinct du monde d’apr`es une analogie avec les objets de l’exp´erience ; je r´eponds : sans doute, mais seulement comme objet dans l’Id´ee, et non dans la r´ealit´e, c’est-`a-dire uniquement en tant qu’il est un substratum, pour nous inconnu, de l’unit´e syst´ematique, de l’ordre et de la finalit´e de la constitution du monde dont la rai-son doit se faire un principe r´egulateur dans rai-son investigation de la nature. (CRP, A696/B724-A697/B725)

Ce qui guide la pens´ee de Dieu serait donc l’analogie avec les objets de l’exp´erience, mais Kant ne d´eveloppe pas l’analogie sous la forme d’une connaissance de Dieu55. Dieu pourrait donc ˆetre pens´e comme substratum inconnu des ph´enom`enes en tant qu’ils forment un monde. Dieu est comme une premi`ere cause, comme le plus r´eel des ˆetres, comme le finalisateur mo-ral de l’univers sans que l’on puisse affirmer qu’il est bien tel. Ici Kant ne recourt pas `a l’analogie d’attribution mais seulement `a l’analogie de pro-portion entre certaines relations entre les ph´enom`enes comme la causalit´e par exemple, et la relation de Dieu au monde, Dieu ´etant pens´e analogique-ment comme cause du monde (CRP, A697/B725)56. Cependant, ne pen-ser Dieu que sous la cat´egorie non sch´ematis´ee de cause sans lui attribuer d’intelligence, c’est ˆetre d´eiste et non th´eiste (CRP, A631/659). Le th´eiste peut alors l´egitimement penser Dieu comme intelligence suprˆeme grˆace `a une analogie avec l’ˆetre humain car il existe une forme l´egitime d’anthro-pomorphisme, l’anthropomorphisme symbolique et non dogmatique (Kant, 2000b, Prol´egom`enes, p.357). La sagesse et la puissance humaine donnent par analogie un certain contenu `a notre Id´ee de Dieu. La port´ee de ces ana-logies doit cependant ˆetre s´ev`erement limit´ee car elles ne permettent pas de d´ecrire analogiquement Dieu mais seulement de donner un contenu uti-lisable `a l’id´ee de Dieu57) C’est donc relativement `a nos besoins, th´eoriques

55. La question de l’analogie sera reprise plus pr´ecis´ement et plus g´en´eralement dans la section 11.1.

56. Voir aussi : Kant, I. (1793/2000b). Prol´egom`enes `a toute M´etaphysique Future qui

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