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Une structure interne bipartite

primae turmae

Chapitre 2 La disparition des cohortes equitatae

I. La réforme des cohortes equitatae

2. Une structure interne bipartite

Composées à la fois de fantassins et de cavaliers, les cohortes equitatae ont une organisation mixte inspirée à la fois des cohortes peditatae et des alae avec des centuries et des turmes. En plus de centuries de fantassins et de turmes de cavaliers, certaines cohortes

119 Les mentions sont classées en fonction de la précision de la datation : une date formellement identifiée, un intervalle donné par la mention d’un empereur ou d’un gouverneur, ou un siècle en fonction du style du document et de critères comme l’écriture ou le contexte archéologique.

25   21   10   18   8   1   1   51   58   39   42   7        4   112   2   année  connue   intervalle  connu   siècle  connu  

montées ont aussi la particularité de disposer d’un contingent de dromedarii120

. Bien attesté au

début du IIIe siècle, la part de turme de cavalerie semble disparaître au cours de la seconde

moitité du IIIe siècle après plusieurs changements sous les règnes de Septime Sévère, Gallien

et Dioclétien121

.

LA REFORME SEVERIENNE DES COHORTES MONTEES

Pour le IIIe siècle, plusieurs papyrus nous renseignent sur le nombre de turmes et de

centuries. Le P.Brook. 24 est un acta diurna découvert en Thébaide. Il est issu des archives de la cohors I Apamenorum sagittariorum quingenaria equitata et daté aux alentours de 215 p.C. Dans les lignes 28 à 30, le scribe a reporté les effectifs complets de la formation.

reliq(ui) n(umero) p(uro) mil(ites) CC̣C̣C̣LVII in is (centuriones) VI, dec(uriones) IV, eq(uites) C, drom(adarii) XIII

Ce qui nous intéresse ici, c’est le nombre d’officiers subalternes, les responsables des sous-unités. Il y a ainsi six centurions et quatre décurions commandant les hommes. Contrairement aux légions où ils peuvent être supernumerarii, ces officiers sont nécessairement à la tête de centuries ou de turmes. Dans cette cohorte quingénaire, il y a donc six centuries et quatre turmes ce qui correspond au nombre théorique admis pour les deux

premiers siècles.122

Les deux papyrus P.Dura 100 et 101 sont, eux, des rôles de la cohors XX Palmyrenorum

sagittaria milliaria equitata. À trois ans d’intervalle, 219 et 222 p.C., nous disposons de la

liste complète des hommes de l’unité milliaire classés par centuries et par turmes. Dans le document, ces dernières sont classées en fonction de l’ancienneté de leur chef dans son

grade123

. On obtient le tableau ci-après.

120 Pour de plus amples précisions sur les dromedarii, cf. p.246.

121 Cf. Grosse 1920, 44-45 ; Parker 1932, 144-145 ; Nicasie 1998, 61 ; Janniard 2011, 246.

122 Ces chiffres ont été sujets à discussion entre Cheesman 1914, 21-56 ; Birley 1966, 54-67 et Holder 1980, 5-13. La communis opinio suit Davies 1971, 741 ; Goldsworthy 1996, 22 ; Gilliver 2007, 194 ; Cosme 2007, 90.

P.Dura 100 (219 p.C.) P.Dura 101 (222 p.C.)

centuria Danymi centuria Malchi centuria Marci centuria Danymi centuria Antonini centuria Marci

centuria Castrici centuria Mariani centuria Mariani centuria Antonini prioris centuria Malchiana centuria Antonini posterioris

turma Zebida turma Zebida turma Tiberini turma Tiberini turma Demetri turma Demetri turma Octaui turma Octaui turma Antonini turma Antonini

Tableau 15. Noms des centuries et des turmes de la cohors XX Palmyrenorum.

Il apparaît très clairement que cette cohors milliaria equitata dispose de six centuries et de cinq turmes. Cette organisation peut-être considérée comme certaine car les rôles sont complets et aucune subdivision ne peut nous échapper malgré les petites lacunes internes aux documents. De plus, le fait qu’il y ait deux listes à trois ans d’écart permet d’évacuer l’hypothèse d’une situation temporaire de sous-effectifs. On voit seulement ici le remplacement de certains centurions en fin de carrière par de nouveaux.

Contrairement aux unités quingénaires, cette organisation des cohortes milliaires ne correspond en aucune manière avec ce qui était en vigueur pour les deux premiers siècles,

c'est-à-dire dix centuries et huit turmes par formation milliaire124

. Cet écart notable a fait dire

que la cohors XX Palmyrenorum était une exception qui ne suivait pas le modèle établi125

. Mais pourquoi ne pas considérer au contraire que cette cohorte reflète un nouveau mode

d’organisation des unités milliaires au début du IIIe siècle ? À l’image des légions, comme la

legio II Parthica, les cohortes auxiliaires ont peut-être adopté le nouveau modèle sévérien mis

en place à la fin du IIe siècle, un modèle basé sur une nouvelle organisation du combat sur une

base décimale, entraînant une réduction du nombre de centuries et donc de centurions au sein

de chaque formation réformée126

.

Un autre papyrus concernant la même unité, le P.Dura 82, vient confirmer cette nouvelle structure quelques années plus tard.

ṾI Ḳal(endas) Ap̣ṛ[iles n(umerus) p(urus) mil(itum) ca]l(igatorum) DCC̣C̣CX̣X̣Ị[I] in his [o]ṛḍ(inati) VIIII dupl(icarii) VIII ṣ[esq(uiplicarius)] drom(adarii) XXXIIII in his

124 Cf. Davies 1971, 741.

125 Goldsworthy 1996, 23.

sesq(uiplicarius) I eq(uites) CCXXIII in his dec(uriones) V dupl(icarii) VII sesq(uiplicarii) IIII

Coh(ortis) XX̣ [Palmyrenor(um) S]ẹverianae Alexa[nd]ṛianae

Dans cet extrait des acta diurna de la cohors XX Palmyrenorum datés du 27 au 30 mars 233 p.C. la cohorte dispose de neuf ordinati, autrement dit des centurions, et cinq decuriones. Le nombre de cinq turmes reste inchangé. Cependant, le nombre de centurions paraît anormal. R. Marichal suggère que des officiers ayant perdu leurs unités sont venus s'y greffer. La date correspond à la fin de la campagne de Sévère Alexandre contre les Parthes et les données présentes dans le document s’accordent bien avec le retour difficile des troupes romaines dans

leur garnison127

. Les trois ordinati supplémentaires peuvent aussi avoir été rattachés afin d'augmenter le taux d’encadrement des hommes ou de servir dans l’état-major du tribun lors de la campagne. Par contre, la faiblesse des effectifs de fantassins ne concorderait pas avec l’hypothèse de l’adjonction de trois nouvelles centuries.

Un document plus tardif, le P.Dura 89, complète nos données sur le nombre d’officiers présents dans cette unité au 27 mai 239 p.C.

[VI Kal(endas) Iun(ias) sun]ṭ in hibeṛ[ni]ṣ coh(ortis) XX Pạḷm(yrenorum) G̣ọṛ[dian]ạe n(umero) p(uro) ṃ[il(itum) caliga]ṭ[o]ṛ(um) DC̣CLXXXI in his ord(inati) VI dupl(icarii) V[I]II sesq(uiplicarius) I drom(adarii) XXXVI [in his -ca.?- eq(uites) -ca.?- i]n his dec(uriones) IIII dupl(icarii) VI sesq(uiplicarii) ỊỊ [ -ca.?- ]

Contrairement au document précédent, on retrouve bien ici les six centurions, mais seulement quatre décurions sont en place. A cette époque, le commandant de la cohorte est un

centurio legionis praepositus intérimaire, suite au décès de l’ancien tribun. Dura a en effet

subi un raid perse vers la fin du mois d'avril, qui a occasionné des pertes dans les rangs de la

cohors Palmyrenorum128. Cet événement explique facilement l’absence d’un décurion par rapport aux effectifs classiques connus auparavant.

LA REFORME DES COHORTES MONTEES DANS LA SECONDE MOITIE DU IIIE SIECLE

Malheureusement pour les historiens, la cohors XX Palmyrenorum disparaît très certainement dans la campagne de Valérien contre les Perses vers 259 p.C. et il n’y a plus aucun document papyrologique après cette date. Il faut alors se tourner vers la documentation épigraphique pour comprendre l’évolution des cohortes equitatae dans la seconde moitié du

IIIe siècle. Le nombre d’inscriptions après 250 p.C. n’est pas très important mais peut

permettre de déceler une modification de la structure des cohortes.

127 Cf. ChLA VII, p.30.

N° inscriptions Années Nom de l’unité

641 251 σπείρης β´ Παφλαγόν(...) Γαλλιανῆς Οὐολυσ{σ}ιανῆς

642 251 σπίρης β´ ἱππικῆς Γαλλιαν(ῆς) Οὐολυσιανῆς

340 251-253 coh(ors) [I] Alp(inorum) eq(uitata)

365 252-253 coh(ors) [I (milliaria)] Hemes(enorum)

508 257-260 coh(ors) III Delmat(a)rum [Valerian(a) G]allie[na] (milliaria)

eq(uitata) c(iuium) R(omanorum) p(ia) f(idelis) 723 260 coh(ortis) I Astyrum

151 276-282 coh(ors) [IIII Gall(orum)] Probia[na]

672 288 cohortis I Aug(ustae) Praet(oriae) Lusitanorum

770 IVe [coh(ortis)] II Hi(spanorum)

187 IVe coh(ors) II Varc(ianorum) c(iuium) R(omanorum)

Tableau 16. Mentions des cohortes equitatae dans la documentation épigraphique après 250 p.C.

À partir du règne de Gallien, de 260 à 268 p.C., les cohortes n’incluent plus dans leur titulature le terme d’equitata. Auparavant déjà, son usage était plus ou moins aléatoire en fonction du dédicant et du type d’inscription. Peu présente sur les stèles funéraires des cavaliers, l’appellation se retrouvait néanmoins sur les dédicaces aux dieux ou aux empereurs. Or après 260 p.C. ce n’est plus le cas. L’inscription n°672 est une dédicace aux dieux Jupiter, Hercule, à la Victoire et aux empereurs Dioclétien et Maximien, effectuée lors de la construction du camp de l’unité à Hiéraconpolis, en Egypte. Le commanditaire de l'inscription prend soin d’inscrire le titre complet de l'unité sans pour autant la qualifier d’equitata. De même on ne voit plus aucune stèle funéraire de cavaliers issus de cohorte.

Tous ces indices viennent confirmer l’hypothèse avancée par plusieurs savants qui jusqu’alors s’étaient uniquement appuyés sur la Notitia Dignitatum pour affirmer la

disparition des éléments de cavalerie des cohortes equitatae dans la seconde moitié du IIIe

siècle129

. De toutes les cohortes citées dans le document de la fin du IVe siècle, seules deux

sont clairement annoncées comme disposant d’un contingent monté, la cohors equitata130 et la

cohors I Claudia equitata131

. Toutes les autres formations, connues pour avoir été equitatae sous le Principat, semblent avoir été déclassées à partir de la période où sont apparues les

129 Sur cette hypothèse, cf. note 121.

130 ND.Or.34.43.

vexillationes equitum. Selon toute vraisemblance, les effectifs montés de ces cohortes servent

à former les nouvelles vexillations de Gallien puis de Dioclétien132

.