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La réforme de l'état-major

et de ses successeurs

II. La réforme de l'état-major

Ce n'est pas seulement la structure de l'armée romaine qui est transformée en ce début

de IVe siècle, les auteurs antiques font aussi état d'une réforme importante du haut

commandement impérial.

1. La création du magister peditum et du magister equitum

Zosime et Jean Lydus attribuent à Constantin la transformation de l'état-major. À une date inconnue, l'empereur a décidé de remplacer les préfets du prétoire par un magister

peditum et un magister equitum489

. Les préfets sont dès lors relégués à des tâches civiles et administratives, dont celle éminemment importante de ravitailler l'armée. Les deux maîtres d'infanterie et de cavalerie se partagent des fonctions uniquement militaires. Ils accompagnent

l'empereur en le secondant ou bien le remplacent sur des théâtres d'opérations éloignés490

.

489 Zos.2.33.3 ; Lyd., Mag.2, 24-26

490 Sur les attributions des magistri peditum et equitum, cf. Nicasie 1998, 78-80 ; Richardot 1998, 38-39, Carrié 1999, 634-635. Sur les nouvelles fonctions des préfets du prétoire sous Constantin, cf. Carrié 1999, 213-214.

Contrairement à ce que pourraient laisser penser les deux nouveaux titres de ces officiers généraux, aucun n'est responsable uniquement de l'arme d'infanterie ou de l'arme de cavalerie. Ils sont à la tête d'armées comitatensis.

Une seconde version de cette réforme, non retenue par les historiens, apparaît dans Malalas. L'auteur voit l'œuvre de Dioclétien dans cette réorganisation militaire, l'aboutissement de sa réforme du système des gouverneurs et des provinces. En réalité, il faut remonter encore plus loin pour trouver les origines de cette réforme. Gallien déjà avait décidé d'instituer un maître de la cavalerie afin de le seconder dans sa lutte sur les fronts gaulois et palmyréniens. C'était alors Auréolus qui avait reçu le titre officieux de magister equitum afin

d'améliorer la coordination entre l'infanterie et la cavalerie stationnées en Italie du Nord491

.

2. Les duces et les comites

Contrairement à la refonte du haut commandement, la réforme des provinces peut être à

coup sûr attribuée à Dioclétien492

. Cependant elle n'a été finalisée et elle n'aboutit qu'après son abdication. Cette réforme a consisté à retirer l'autorité militaire des gouverneurs de province afin de la remettre à un nouveau personnage, le dux. Les autorités civile et administrative sont laissées aux gouverneurs tandis que les duces deviennent les commandants provinciaux des troupes de ripenses stationnées sur la frontière.

Un échelon intermédiaire est créé simultanément, celui de comes. C'est sûrement à Dioclétien puis à Constantin que l'on doit l'idée de regrouper les différents duces sous une autorité régionale ou de placer l'armée d'un théâtre d'opérations mineur sous les ordres d'un

seul général qui n'a pas l'autorité du magister493

. Ainsi en Égypte, la réforme se traduit par la

présence de deux ducs, le dux Thebaidos et le dux Lybiarum494

. Le premier commande les

limitanei stationnés dans les provinces d'Arcadia et de Thebais, le second commande ceux de Lybia superior et de Lybia inferior. Un comes limitis Aegypti fait la liaison avec l'état-major

impérial495

. Il assure le commandement régional et il est à la tête des limitanei de la province où il doit avoir son propre état-major, la province d'Aegyptus.

491 Zos.1.40.1. Sur le commandant de cavalerie sous Gallien, cf. p.97.

492 Jones 1964, 680-683.

493 Jones 1964, 528-530.

494 ND.Or.30 et 31.

3. Le comes stabuli et le comes domesticorum

La haute hiérarchie militaire est donc composée de trois niveaux : les magistri qui commandent les armées comitatenses, les comites qui commandent les armées régionales et les duces qui commandent les armées frontalières à l'échelon provincial. Mais dans la pratique, des officiers supérieurs apparaissent. Ils viennent court-circuiter cet ensemble en prenant le commandement d'armées impériales, régionales ou provinciales selon la bonne volonté de l'empereur.

Le comes domesticorum est le premier de ces officiers supérieurs. Ce titre est cité pour la première fois par Ammien Marcellin lorsqu'il évoque les rumeurs d'un complot ourdi par

des hauts gradés barbares de l'armée496

. Un certain Latinus est comte des domestiques de Constance II en 354 p.C. Ce titre correspond à celui de chef des gardes du corps de l'empereur. Ammien Marcellin cite d'ailleurs un second comte des domestiques rattaché au

césar Gallus la même année497. La Notice des dignités indique que chaque empereur dispose

d'un comes domesticorum peditum et d'un comes domesticorum equitum498

.

Le comte des domestiques, en plus de sa présence auprès de l'empereur pour veiller à sa sécurité, se voit certainement confier des missions de commandement militaire car il dispose de toute la confiance du souverain. Richomer, un officier franc de l'armée romaine, à la tête d'une armée composée d'unités gauloises, doit ainsi en 377 p.C. rejoindre le diocèse de Thrace

afin de renforcer les troupes orientales de Valens aux prises avec l'envahisseur goth499

. L'année suivante, en 378 p.C., lorsque les Alamans Lentiens font irruption dans l'est de la Gaule alors qu'il est occupé sur le front danubien, l'empereur Gratien confie le commandement de l'armée des Gaules à Mallobaude, le comte des domestiques. C'est ce

dernier qui mène les troupes à la bataille victorieuse d'Argentovaria500

.

Le second officier supérieur susceptible de prendre la tête des armées est le tribun des Écuries impériales. Sa principale prérogative est de s'assurer du service des remontes mais on le voit parfois prendre la tête d'armées lorsque l'empereur désire encore une fois passer outre ses maîtres d'infanterie ou de cavalerie. Ainsi lorsque Constance II, en 360 p.C., souhaite faire venir en Orient des renforts des Gaules en les retirant de l'armée de son césar Julien, il confie

la mission à Sintula, tribun des écuries, de mener le contingent à travers l'Empire501

. 496 Amm.14.10.8. 497 Amm.14.11.14. 498 ND.Or.1.15-16 et ND.Oc.1.13-14. 499 Amm.31.7.4 ; 31.12.4. 500 Amm.31.10.6. 501 Amm.20.4.3.

L'état-major impérial est transformé sous Constantin et adapté par ses successeurs pour correspondre au changement stratégique intervenu dans les méthodes de conduite les armées en campagne et la multiplication des armées dites d'intervention. Auparavant sous le commandement de l'empereur et des préfets du prétoire, les troupes peuvent se retrouver sous les ordres de l'empereur, d'un maître d'infanterie, de la cavalerie, d'un comte d'une région donnée, du comte des domestiques, du tribun des écuries ou encore d'un duc. Certains titres de ces nouveaux officiers supérieurs indiquent un intérêt grandissant pour l'arme de cavalerie, un intérêt dans la droite ligne de l'orientation impulsée par Gallien cinquante plus tôt.