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A la recherche de l'armée de Théodose

La Notitia dignitatum et la cavalerie tardive

II. A la recherche de l'armée de Théodose

3. La datation retenue

Il est très clair que l'hypothèse de J. C. Mann séduit fortement. Le cheminement du document, qui deviendra par la suite la Notice des dignités, semble parfaitement cohérent et s'appuie solidement sur les événements connus de cette période.

En retenant l'hypothèse de Mann et en acceptant que la Notice ne puisse être qu'un document administratif militaire à jour, destiné au haut-commandement romain, on peut

désormais décrypter la composition de l'armée romaine au IVème siècle en procédant à une

lecture à rebours dans le temps.

II. A la recherche de l'armée de Théodose

La partie orientale de la Notice est la plus facile à analyser car elle présente l'état des forces au début de l'année 394 p.C., soit juste avant une campagne fratricide et meurtrière pour l'armée. La seule lacune correspond à l'armée sous les ordres du magister militum per

Illyricum. Le chapitre de la Notice correspondant, le chapitre neuf, a été tronqué en 408 p.C.

lors de la réunion de la version une et deux des documents en vue de donner une vue d'ensemble militaire à Stilichon. Cette troncature se justifie par l'histoire de l'Illyricum entre 392 et 396 p.C. En 392 p.C., l'Empire est réparti entre, à l'ouest, l'empereur Valentinien II, encore très jeune et manipulé par Arbogast, qui règne sur les préfectures des Gaules et d'Italie et, à l'est, l'empereur Théodose qui règne sur les préfectures d'Illyrie et d'Orient. Au cours de l'année 392, Théodose comprend qu'Arbogast ne lui est pas favorable et il décide de réduire l'influence de son jeune collègue Valentinien II en détachant les diocèses d'Afrique et de Pannonies de la préfecture d'Italie détenue par un partisan d'Arbogast, Nicomachus

Flavianus458

. Finalement, Valentinien II est tué par Arbogast qui le remplace par Eugène. Théodose entre en campagne contre ce dernier et marche sur l'Italie pour le défaire. Victorieux à la bataille du Lac Froid les 5 et 6 septembre 394 p.C., Théodose s'établit à Milan mais il décède rapidement et l'Empire est divisé entre ses deux fils dont le pouvoir est confisqué par deux généraux. En Occident, Honorius est épaulé par Stilichon tandis qu'en

457 Ces trois chapitres sont ND.Oc.5, 6 et 7.

Orient, Arcadius est épaulé par Rufin. Cependant, la structure de l'Empire n'a pas changé depuis la période précédant l'usurpation d'Eugène. A la mort de Théodose, le diocèse de Pannonies est toujours rattaché à la préfecture d'Illyrie appartenant à Constantinople. Stilichon exige que ce diocèse soit rendu à Honorius et réintégré à la préfecture d'Italie. Comme monnaie d'échange, Rufin exige le retour des troupes de l'armée orientale ayant suivi Théodose à Milan lors de la campagne contre Eugène. L'accord est conclu entre la fin 395

p.C. et le début 396 p.C.459

Cette série d'événements amène à la conclusion qu'il y a tout d'abord eu un premier chapitre sur les forces du diocèse de Pannonies, sous les ordres du magister militum per

Illyricum, rattaché à la partie impériale de Théodose en 394 p.C. Or, lors du transfert du

diocèse en 396 p.C., les troupes stationnées dans cette zone sont passées à l'Occident. Afin de convaincre les soldats d'Illyricum de combattre pour la partie orientale de l'Empire, le 17 janvier 396 p.C., Arcadius édicte une loi qui vise à augmenter la paie des soldats de cette préfecture460.

La lecture de la partie occidentale de la Notice des Dignités pose de sérieux problèmes. Les forces présentées dans le document correspondent à plusieurs époques. La plus grande majorité des unités sont répertoriées autour de l'année 400 p.C. comme le suggère J.C. Mann. À ce moment, l'armée commandée par Stilichon vient d'être réorganisée par ce dernier et le

limes semble bien protégé, du moins dans sa partie danubienne, des Pannonies au Norique. La

partie rhénane étant incomplète, il est impossible de dire si celle-ci a bien été réorganisée suite à l'usurpation d'Eugène qui a emmené avec lui les soldats du Rhin. Mais l'état de l'armée en 400 p.C. est parasité par le “bricolage” de 408 p.C., lorsque l'ancienne version orientale est collée à la version occidentale de 400 p.C. On peut ainsi s'interroger sur la liste des unités

présentée pour le diocèse des Pannonies461. Représente-t-elle le véritable état de 408 p.C.,

l'ancien état de 400 p.C. recopié en 408 p.C. ou bien une addition des anciens états de 394 p.C. et 400 p.C. ?

Si l'on regarde comment s'organise la défense du limes danubien oriental en 394 p.C., on s'aperçoit que l'intégralité des unités de cavalerie stationnées dans les provinces de Moesia

I, de Dacia Ripensis, de Moesia II et de Scythia sont des cunei equitum462

. Or il s'avère que

459 Stilichon ne rend pas tous les éléments de l'armée venus d'Orient avec Théodose. Cela explique les doublons existant pour des unités mentionnées à la fois en Orient et en Occident.

460 CTh.7.6.4 : Fortissimis militibus nostris per Illyricum non binos tremisses pro singulis chlamydibus,

sed singulos solidos dari praecipias.

461 ND.Oc.32-34.

dans les provinces du limes danubien occidental des cunei equitum apparaissent inscrits en premier dans les listes des unités de limitanei suivis par des unités appelées equites. Ces deux

types d'unités occupent, toujours d'après la Notice, les mêmes garnisons463

. Difficile d'imaginer que le pouvoir romain se permette de doubler les effectifs d'unités sur une partie du limes alors que les problèmes de recrutement sont croissants. Nous proposons plutôt de retenir l'hypothèse d'une copie de la liste de 394 p.C. en y ajoutant la version de 400 p.C. Ainsi, afin de connaître la liste des limitanei montés du diocèse des Pannonies, il s'agit de ne retenir que les cunei equitum, ainsi que les éventuelles anciennes ailes et cohortes citées dans la Notice aux chapitres correspondants, mais il faut retirer les equites qui arrivent seulement à partir de 400 p.C.

L'état des limitanei d'Afrique est brouillé par une particularité de rédaction des chapitres

concernant ce diocèse464

. Au lieu de nommer les unités, le rédacteur a préféré recopier le grade de l'officier supérieur, praepositus limitis, à la tête des unités, suivi du lieu de garnison. Aucune information correcte ne peut donc être tirée au sujet des unités présentes sur le limes africain.

L'étude du limes germanique et breton est plus enrichissante465

. De la Raetia à la

Britannia II, les limitanei sont indiqués clairement. Ce sont principalement d'anciennes unités

auxiliaires, ailes et cohortes, installées de longue date sur la frontière. Mais, à étudier la Notice, on se rend compte que la majorité des unités de l'Occident sont concentrées dans les

trois chapitres mis à jour vers 428 p.C.466

. Malheureusement, le nombre important de difficultés rencontrées par l'Empire romain d'Occident entre 394 et 428 p.C. a profondément bouleversé l'ordre de bataille. Ainsi l'état des unités palatinae et comitatenses est bien celui de 428 p.C. avec la répartition géographique mentionnée dans le chapitre 7. Il est impossible de vouloir décrypter un état antérieur.

En résumé, seule la partie orientale fournit un état réel des forces armées en 394 p.C. La partie occidentale est difficilement exploitable. Néanmoins, il est possible de l'utiliser avec précaution en faisant la part entre les trois différentes strates de 400, 408 et 428 p.C.

463 Par exemple, le cuneus equitum scutariorum et les equites Dalmatae occupent Cornaci (ND.Oc.32.22 et 31), le cuneus equitum Dalmatarum et les equites promoti occupent Teutiburgium (ND.Oc.32.23 et 30).

464 ND.Oc.25 et 30-31.

465 ND.Oc.35-40.

III. Schéma de synthèse de la datation des