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La nouvelle catégorisation des troupes

et de ses successeurs

Chapitre 8 De Julien à Théodose

I. La nouvelle catégorisation des troupes

L'armée de la dynastie constantinienne étudiée précédemment était organisée en trois

grandes catégories520

. Les unités comitatenses suivent l'empereur et les magistri, les généraux remplaçant les préfets du prétoire. Les ripenses, des unités déclassées qui étaient dans les anciennes armées des Tétrarques, sont installés pour défendre les frontières aux côtés de la troisième et dernière catégorie, les alares et cohortales, descendantes des unités auxiliaires, toujours présentes dans les provinces pour maintenir l'ordre et servir de garnison sur le limes. Des unités de cavalerie, vexillationes equitum, comites ou alae se retrouvent réparties dans les trois catégories. Mais deux lois conservées dans le Code Théodosien indiquent qu'en 363 et 365 p.C., ces trois strates de l'armée sont modifiées.

1. La loi de 363 p.C.

Dans une loi datée du 21 décembre 363 p.C. relative aux exemptions de charges municipales, le concept de limitanei apparaît pour désigner le service militaire dans les

troupes frontalières521. On comprend assez aisément d'où provient le terme. Le limes est la

frontière terrestre au sens large522

. Il désigne dès le IIIe siècle un secteur frontalier voire une

province. Il est souvent associé au ripa qui désigne le rivage encore une fois au sens très large, c'est-à-dire le territoire frontalier délimité par un fleuve ou une rivière. Comme le

rappelle justement Carrié, ces deux termes apparaissent déjà dans les nouveaux grades du IVe

siècle avec le dux ripae et le praepositis limitis523

. Comme le montre la loi de 365 p.C. étudiée dans le point suivant, les termes de ripenses ainsi qu'alares et cohortales disparaissent au profit de limitanei qui englobe désormais toutes ces anciennes strates d'unités stationnées dans les provinces frontalières.

Une inconnue subsiste, la date de ce changement. Nous savons que cela a eu lieu avant 363 p.C. Peut-être est-ce encore une réforme voulue par Constance II ou Julien. Ammien Marcellin n'évoque pas ce point dans son récit. Plus problématique encore, il n'emploie jamais ce terme de limitanei pour décrire des troupes frontalières. Par exemple, en 361 p.C. lorsque le comte Martianus en charge du diocèse de Thrace doit s'opposer à la marche de l'usurpateur Julien vers Constantinople, il concentre toutes les unités de son diocèse, mais l'auteur utilise

simplement le mot milites524

.

2. La loi de 365 p.C.

Si la loi de 363 p.C. semblait simplifier les catégories, une seconde loi datée du 25 mai

365 p.C. introduit des sous-catégories parmi les comitatenses525

. Les termes de palatini et de

pseudo-comitatenses apparaissent dans cette loi du Code Théodosien.

Le titre de palatini renvoie certainement à des troupes au service de l'empereur. Cette catégorie regroupe les unités combattant au sein de l'armée sous les ordres directs de l'Augustus. Cette nouvelle distinction entre comitatenses et palatini n'avait pas lieu d'être à l'époque où seuls les empereurs commandaient les armées, mais avec la régionalisation des

521 Cod. Th.12.1.56.

522 Sur le limes, cf en dernier lieu, Carrié 1999, 619-621.

523 On voit apparaître un dux limitis dans la correspondance de Flavius Abinnaeus entre 344 et 351 p.C. Ce duc est le supérieur hiérarchique du préfet de l'ala V Praelectorum. Cette unité appartient à la catégorie des

alares, tout au bas de l'échelle et intègre les limitanei au moment du changement.

524 Amm.21.12.22.

armées, la différenciation est devenue nécessaire. Elle a dû se faire lorsque Constance II s'est retrouvé seul empereur après la défaite de Magnence en 351 p.C. Aucun texte avant les années 350 p.C. ne cite des palatini. Constance II, conscient qu'il ne peut être partout pour défendre l'Empire, délègue au césar Julien l'armée des Gaules et institue des armées régionales dans les zones sensibles. On en retrouve dans le diocèse de Thrace avec le comes

rei militaris Martianus ou dans le diocèse d'Illyrie tandis que l'empereur combat en Orient

avec son armée526

.

Les pseudo-comitatenses sont un témoignage de la volonté impériale de renforcer l'armée comitatenses avec des troupes qui ne faisaient pas partie de cette catégorie auparavant. On peut penser que ce sont des limitanei provinciaux intégrés aux armées d'accompagnement lorsque ces dernières menaient des campagnes dans les zones de garnison des premières.

3. Tableau récapitulatif

Ces nouvelles catégories et sous-catégories de troupes apparues au tournant des années

350 p.C. créent une nouvelle hiérarchie entre les unités qui perdure jusqu'au Ve siècle. On la

retrouve à la lecture de la Notice des dignités et dans le Code Théodosien527

. Mais la réforme du haut commandement militaire par Théodose a amené les formations palatini, comitatenses et pseudo-comitatenses à se mélanger au gré des regroupements et des recompositions d'armées. Ainsi on retrouve des vexillationes palatinae et des vexillationes comitatenses dans les armées du magister militum per Orientem, du magister militum per Thracias et du

magister militum per Illyricum qui sont des armées régionales.

Le tableau suivant récapitule l'évolution constatée au travers des lois du Code Théodosien. 325 p.C. a. 363 p.C. a. 365 p.C. Comitatenses Comitatenses Palatini Comitatenses Pseudo-comitatenses Ripenses Limitanei Limitanei Alae / Cohortales

Tableau 40. Catégories des troupes au IVe siècle.

526 Amm.21.12.22.

Les unités de cavalerie du dernier tiers du IVe siècle sont réparties parmi les quatre catégories présentées ci-dessus. Ces dernières sont des statuts honorifiques. Le prestige associé à une vexillation de cavalerie palatine est évidemment plus important que celui d'une aile de cavaliers stationnée dans une province frontalière. La qualité du commandement et de l'entraînement devait s'en faire ressentir également mais aucun indice concret ne permet de l'affirmer. Une unité ayant combattu lors de nombreuses campagnes est forcément plus expérimentée qu'une formation en garnison permanente. Pour autant, il ne faut pas généraliser. Les limitanei des secteurs du Rhin, du Danube et de l'Euphrate étaient exposés

aussi souvent que les armées comitatenses au IVe siècle.