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Les nouvelles vexillations issues de la seconde réforme

La création d'une nouvelle cavalerie

II. Les réformes de Dioclétien

4. Les nouvelles vexillations issues de la seconde réforme

En se basant sur ces événéments, la réforme a pu être mise en place, sûrement pendant ou peu après les troubles d’Egypte, alors que la Bretagne n’est plus dans le giron impérial, soit entre 291 et 294 p.C. Peut-être faut-il mettre ces grands changements structurels en rapport avec l’avénement de la Tétrarchie en mars 293 p.C. et y voir encore une volonté de Dioclétien d’adapter l’armée à la séparation en quatre des commandements militaires ? Il n’y a cependant pas assez d’indices pour affiner la datation.

4. Les nouvelles vexillations issues de la seconde réforme

Trois nouvelles vexillationes equitum font leur apparition avec la seconde réforme, les

scutariorum, les catafractariorum et les sagittariorum. Elles ont en commun d’avoir des

noms illustrant les formes de combat et de protection, renforçant ainsi l’idée qu’elles ont été créées toutes les trois en même temps.

LES VEXILLATIONES EQUITUM SCUTARIORUM

L’étude de ces unités pose quelques problèmes du fait de la similarité de leur titre avec

celui de certains des escadrons de la garde impériale du IVe siècle p.C., les scholae

palatinae344

. Si la distinction est facilement établie dans la documentation épigraphique, la

confusion dans les sources littéraires est aisée345

. Les scholes palatines sont l’escorte de

343 Cf. Speidel 2007b.

344 Les scholes palatines sont composées de cinq unités : schola scutariorum prima, schola scutariorum

secunda, schola scutariorum clibaniorum, schola armaturarum, schola gentilium.

345 Les attestions suivantes du terme scutarius sont écartées de notre étude car elles se référent assurément aux scholae palatinae. Lact. De Mort. Pers. 19.6 : Daia vero sublatus nuper a pecoribus et silvis, statim

scutarius, continuo protector, mox tribunus, postridie Caesar, accepit Orientem calcandum et conterendum.

Maximin Daia est membre des scutarii de la garde Dioclétien en 285 p.C. Speidel 2008, 681 y voit une étonnante première mention des equites scutarii. Dans l’œuvre d’Ammien Marcellin, bon connaisseur de l’état-major impérial, plusieurs scutaires de la garde font leur apparition : Amm.14.10.8 ; 14.11.14 ; 16.11.5-6 ; 16.12.2 ; 17.10.5.

Enfin l’inscription IK, 27.95 de Prusias ad Hypium se rapporte à un cavalier de schole sur la route de l’Orient : Κλ̣[αύδι]ο̣[ς] / ἐστρ̣ατ̣εύσα/το ἔτ(η) αιʹ καὶ / ἰς τοὺς / σκουταρίους / ἔτη ιγʹ. Μαξι/μεῖνος

l’empereur, elles sont donc à ses côtés ou dans l’armée qu’il dirige, tandis que les

vexillationes equitum scutariorum sont un type de cavalerie portant sans nul doute un

bouclier, comme le démontre clairement Janniard346

, présentes aux quatre coins de l’Empire. Plusieurs détachements sont levés simultanément par Dioclétien. Afin de les différencier, le système de la numérotation est adopté. Une inscription découverte à

Thamugadi en Numidie rapporte que le défunt Valerius Vincentius fut sous-officier du numerus I scutariorum durant la période tétrarchique, comme le laisse supposer le gentilice

impérial347

. A l’autre bout de l’Empire, dans la province de Mésie seconde, à Odessus, une

vexillatio II scutariorum apparaît dans la stèle funéraire du vétéran Flavius Victorinus au IVe

siècle348

. A la fin du siècle, ces deux formations sont encore bien présentes dans la Notice des

Dignités, en Orient pour la première, en Afrique pour la seconde349

.

Dans la Notice, d’autres détachements considérés comme vexillatio equitum

comitatensis apparaissent sans pour autant être numérotés, les equites scutarii350

, les equites

scuratii seniores351, les equites scutarii iuniores352 et les equites scutarii Aureliaci353.

En parallèle à ces unités des armées de campagne, plusieurs formations sont considérées

comme limitanei, uniquement sur le front oriental face aux Perses354

.

Des éléments de vexillationes equitum scutariorum mal identifiés ont laissé des traces

épigraphiques dans les provinces danubiennes355

. Tout d’abord à Intercisa en Valeria, où le cavalier Aurelius Monimus élève une stèle en souvenir d’Aurelius Valens, biarcus d’un

numerus equitum scutariorum356

. A Capidaua, trois inscriptions datées du début du IVe siècle

permettent d’apprécier la variété des appellations pour une seule unité, une vexillation stationnée dans la localité sur le Danube. Le nom officiel se retrouve dans une dédicace à deus

sanctus aeternus d’un vétéran de la vexillatio equitum scutariorum. A la même période,

346 Janniard 2004, 393.

347 Cf. I.700 : D(is) M(anibus), | Val(erius) Vincentius, | biarcus de num(eri) | I scutarior(um)…

348 Cf. I.591 : D(is) M(anibus), | Fl(auius) Victorinus ue|tranus (sic) uixit annis L, mili(tauit) | an(nis)

XXV in uixillatione (sic) secon|do <I>scutariorom (sic)…

349 Respectivement ND.Or.5.38 (Or.7.28) et ND.Or.6.38 (Oc.6.81).

350 ND.Oc.6.63 et Or.6.39. 351 ND.Oc.7.181 et Oc.7.207. 352 ND.Oc.6.81 et Oc.7.197. 353 ND.Oc.7.201. 354 ND.Or.32.19 ; 33.16 ; 34.20 ; 36.19 ; 37.14 ; 36.26. 355 Cf. carte 15, p.603.

Aurelius Valens se dit praepositus equitum scutariorum et élève un autel à deus sanctus

Herro pour son salut et celui de l’unité qu’il commande, la vexillatio Capidavensium. Enfin,

dans une stèle funéraire, un certain Aurelius est praepositus uexillationis Capidavensium, formation citée aussi sous le nom de vexillatio Salensium dans une ligne précédente. En somme, pour une seule et même unité, on peut avoir jusqu’à quatre noms différents.

Sources Mentions I.568 uixillati[onis (sic) equitum sc]utarior[um

I.567 pr(a)e(positus) e[q(uitum)] scut(ariorum)

I.567 uexillat(ionis) [C]apidabe[si]um

I.566 vexill(atio) S]alens[ium

I.566 prae]positu[s uexillationis] Capid[auensium

Tableau 30. Mentions différentes de la vexillatio equitum scutariorum de Capidava (Scythia).

Pour conclure, il faut rapporter une action célèbre mais malheureuse, conduite par des

vexillationes equitum scutariorum qui nous est rapportée par Ammien Marcellin. Lors de la

bataille d’Adrianople en 378 p.C., des escadrons de scutaires accrochent l’aile de l’armée gothique alors que des pourparlers sont en cours entre les deux états-majors adverses,

entraînant un début précipité de l’affrontement357

.

LES VEXILLATIONES EQUITUM CATAFRACTARIORUM

A l’image des scutarii, les equites catafractarii sont très probablement formés à partir de détachements des anciennes alae du Principat comme l’ala nova Firma milliaria

cataphractaria. Avec la réforme de Dioclétien, une ala I Iovia catafractariorum fait son

apparition en Egypte mais aussi une petite dizaine de vexillationes equitum catafractariorum

regroupant en leur sein des cavaliers lourdement protégés358

.

Les premières mentions de telles formations remontent à la Tétrarchie avec la stèle de Valerius Ianuarius, circitor d’une vexillatio catafractariorum découverte à Eporedia dans le nord de l’Italie. Une autre inscription provennant de Bithynie cite Valerius Fuscianus,

ducenarius de la vexillatio equitum catafractariorum clibanariorum359 .

D’ordinaire difficiles à localiser, les lieux de garnison de certains des détachements peuvent être supposés grâce aux noms mêmes de certaines vexillations, les equites

catafractarii Albigenses, les equites catafractarii Ambianenses et les equites catafractarii Biturigenses, toutes stationnées en Orient à la fin du IVe siècle d’après la Notice des dignités.

357 Amm.31.12.16

358 Sur la cavalerie lourde à l'époque tardive, cf. p.235.

On peut identifier les cités des Rutènes, Albi, des Ambiens, Amiens, et des Bituriges, Bourges. Cela est confirmé en partie pour Amiens, par deux stèles de la Tétrarchie, celles de Valerius Durio, circitor d’un numerus catafractariorum et de Valerius Zurgidinus, décurion

d’une unité catafractariorum360

.

Enfin la question du nombre de formations levées simultanément pose un sérieux problème. En effet, une stèle découverte à Istros en Scythia évoque une vexillatio XII

catafractariorum361

. Doit-on y voir la douzième vexillation de catafractaires ou bien la douzième vexillation levée toutes spécialités confondues ? Aucun régiment de cavaliers lourds n’apparaît comme numéroté que ce soit dans les inscriptions ou dans la Notitia

dignitatum, où l’on ne retrouve même pas cette vexillatio XII catafractariorum. Parmi les

autres types de détachements, on ne retrouve pas non plus un tel chiffre. Il faut admettre que ce dernier a pu être attribué à la formation le temps d’une guerre, lors d’un regroupement de plusieurs vexillations au sein d’une même armée de campagne sous les ordres d’un tétrarque ou d’un autre général.

Les auteurs anciens ne donnent pas plus de détails. Ammien Marcellin évoque bien à plusieurs reprises des equites catafractarii à la bataille d’Argentorate entre Julien et les

Alamans mais sans citer de numéros d’unités362

. La seule déduction possible est la présence d’au moins deux vexillations car deux tribuns des catafractaires, Laipso et Innocentius, sont

tués lors des combats363

.

LES VEXILLATIONES EQUITUM SAGITTARIORUM

Les equites sagittarii proviennent vraisemblablement de la réforme des nombreuses

unités auxiliaires d’archers du Principat364

. Cela peut expliquer en partie la multitude des

formations, près de quarante-cinq, d’equites sagittarii connues pour la fin du IVe siècle dans la

Notice des dignités. La première d'une vexillatio equitum sagittariorum apparaît pour la première fois dans le P.Panop.Beatty 2, papyrus dans lequel il est question de la paie de

différentes unités stationnées en Egypte en 300 p.C.365

. Par la suite, ces vexillationes equitum sont présentes sur tous les théâtres d'opérations. Sur le front du Danube oriental, des equites

sagittarii sont attestésà Gornea en Dacia ripensis et à Tomis en Scythia366

. Ammien Marcellin 360 Cf. I.169 et I.170. 361 Cf. I.582. 362 Amm.16.2.5 ; 16.10.8 ; 16.12.7 ; 16.12.38. 363 Amm.16.12.63.

364 Sur la proportion d'archers montés dans la cavalerie romaine, cf. p.230.

365 Cf. P.Panop.Beatty 2, ligne 162 : Οὐαλέριον πραιπόσιτον [ἱππεῦσι] σαγιτταρίοις…

mentionne les equites quartae sagittariorum en Mauretania caesariensis lors de la répression

des troubles dans la province par Théodose en 372367

.

CONCLUSION

Les vexillationes equitum sont un exemple parfait d'une innovation militaire comme réponse stratégique à des problèmes structurels de l'armée du Principat. La réponse s'est effectuée en trois phases. Tout d'abord la création dans l'urgence des vexillationes equitum

Maurorum et Dalmatarum durant les règnes de Valérien et Gallien. Puis, l'extension de ce

nouveau type d'unité au début du règne de Dioclétien avec la formation des vexillationes

equitum promotorum et stablesianorum. Enfin, durant la Tétrarchie, l'application de ce

nouveau type de structure régimentaire à trois spécialités de la cavalerie avec les vexillationes

equitum catafractariorum, sagittariorum et scutariorum.

Nées du besoin de disposer de détachements de cavalerie propres à suivre l'armée en campagne pendant les années troublées du règne de Gallien, les vexillationes equitum ont vu leur existence pérennisée du fait de leur parfaite adaptation aux contraintes opérationnelles de

la seconde moitié du IIIe siècle. Dans un premier temps outil de reconquête de l'Orient

palmyrénien et de l'Occident gaulois, les vexillations sont développées et renforcées par la volonté de l'empereur Dioclétien, qui dote ainsi les armées tétrarchiques d'une force montée bien organisée. Les anciennes unités auxiliaires sont réformées dans le même temps. Une partie de leurs effectifs sert à monter les nouvelles vexillations tandis que leurs attributions changent. Leur rôle de soutien des légions est transféré aux vexillationes equitum.

Chapitre 5