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Le nombre de cavaliers par vexillation

L’organisation des vexillationes

I. La question des effectifs

2. Le nombre de cavaliers par vexillation

Ainsi, avant qu’une numérotation des vexillationes equitum apparaisse sous le règne de Constantin entre 313 et 320 p.C., la différenciation s’effectue à l’aide d’épithètes et de noms des garnisons d’origines des unités. Cependant, cette volonté de classer et numéroter les formations de cavalerie reste mal connue. Cela survient-il seulement pour les escadrons commandés par Constantin en Occident avec une extension aux unités orientales après la victoire sur Licinius en 324 p.C ? Ou bien Licinius et Constantin se mettent-ils d’accord pour réformer ensemble les appellations ?

Le travail de dénombrement s’avère impossible, car il faut reconnaître que l’on ne peut se fier aux maigres sources couvrant la période allant de la création des vexillationes equitum par Gallien à leur numérotation sous les règnes de Constantin et Licinius, ni aux effectifs cités par la Notice des Dignités qui témoigne seulement de l’état de décomposition de l’armée au

début du Ve siècle après les batailles et les échecs de Mursa, de l’expédition de Perse,

d’Andrinople et de la Rivière Froide.

2. Le nombre de cavaliers par vexillation

À défaut de pouvoir quantifier le nombre de vexillationes equitum sur la période, il est en revanche possible d’évaluer approximativement les effectifs de ces formations.

Le 8 février 300 p.C., le procurateur d’Egypte ordonne au stratège du nôme Panopolite de verser deux fois la somme de 302 500 deniers aux archers montés sous les ordres de

Valerius376

. Dans ces soldats, il faut voir très certainement une vexillatio equitum

sagittariorum stationnée à Coptos sous les ordres d’un praepositus. Les montants versés

comme don pour l’anniversaire de Dioclétien et la commémoration de son accession au trône

ont été analysés par Jones et Duncan Jones377

. Le premier auteur s’est basé sur le versement déjà connu de 1250 deniers pour un légionnaire et le double pour l’officier commandant. Un

rapide calcul fait aboutir au chiffre de 242 cavaliers dans la formation378

. Le second auteur arrive au chiffre erroné de 121 soldats en retenant la somme de 2500 deniers pour chaque

individu379

.

375 Pour les vexillationes equitum catafractariorum, ND.Or.8.29, Or.6.36 et Or.5.34. Pour les vexillationes

equitum scutariorum, ND.Oc.7.201 et I.639. Pour les vexillationes equitum armigerorum, ND.Or.39.17 et I.578.

376 P.Panop.Beatty 2, lignes 161 à 167. Ligne 162 : Οὐαλέριον πραιπόσιτον [ἱππεῦσι] σαγιτταρίοις.

377 Jones 1964, 187-198 et Duncan-Jones 1978, 541-560.

378 302 500 deniers correspond à 241 cavaliers payés 1250 deniers et un officier recevant 2500 deniers.

L’estimation de Jones s’appuie sur le fait que les cavaliers des vexillations toucheraient le même don que les légionnaires, soit 1250 deniers. Il est su par ailleurs que les auxiliaires ne

reçoivent que 250 deniers380

. On peut aussi voir un échelon intermédiaire comme l’envisage Coello, soit 1000 deniers qui donnerait alors l’effectif de 300 cavaliers et un officier, soit 625 deniers qui donnerait 480 cavaliers et un officier. La question de l’état de l’unité se pose finalement. La vexillatio equitum sagittariorum reçoit-elle les sommes pour des effectifs complets ou pour des effectifs déclarés ? Deux dons similaires à la même date sont attribués à l’ala II Herculia dromedariorum qui semble amoindrie avec seulement 215 hommes. Il est donc probable que les equites de Valerius sont affaiblis.

Un deuxième indice réside dans les récits de Zosime et d’Ammien Marcellin au sujet de la bataille de Strasbourg en août 357 p.C. Lors de l’affrontement, l’auteur grec rapporte qu’une unité de six cents cavaliers romains prend la fuite obligeant le César Julien à les rallier381

. Le même événement est raconté plus en détails par Ammien Marcellin qui ajoute que l’un des tribuns des escadrons (unius turmae tribunus) d’equites catafractarii en fuite,

reconnaissant le dragon du César, s’arrête dans sa fuite, et repart au combat avec son unité382.

Plusieurs informations peuvent être tirées de ces deux récits. Julien dispose d’un contingent de six cents cataphractaires dans son armée en Gaule en 357 p.C. L’expression d’Ammien Marcellin laisse entrevoir la présence de plusieurs tribuni pour les commander, or il est certain que ce grade correspond à celui de commandant de vexillation montée à cette

période383

. Il y a donc au moins deux, voire peut-être trois, vexillationes equitum

catafractariorum engagées contre les Alamans à Strasbourg.

À l’été 383 p.C., l’empereur Gratien, après des combats face à l’usurpateur Maxime autour de Paris, choisit de s’enfuir suite à la défection des cavaliers Maures de son armée. Il

prend avec lui trois cents cavaliers et s’enfuit vers Lyon384

. Même si aucune vexillatio equitum n’est directement nommée, nous retiendrons ici le chiffre récurrent de trois cents hommes au sein d’une unité de nature inconnue, bien qu’il faille tout de même exclure une éventuelle aile qui n’a pas sa place dans une armée de campagne.

Enfin le Strategikon de Maurice fournit le dernier indice concernant l’évaluation des

effectifs. L’auteur byzantin préconise l’emploi de formation de 310 cavaliers385

. Si la datation,

380 Coello 1996, 36.

381 Zos. 3.3.4. “ἑξακοσίων ἱππέων ἴλη”.

382 Amm.1 6.12.38-39.

383 Sur le commandement des vexillationes equitum, cf. p.116. La mention de turmae tribunus ne doit pas être prise au premier sens du terme turma. Il faut voir dans le mot de turme le goût prononcé d’Ammien pour un vocabulaire militaire ancien, cf. Blockley 1977.

384 Zos. 4.35.5.

fin du VIe siècle, relègue cette source aux marges de notre étude, elle n’en demeure pas moins pertinente si l’on considère que Maurice a pu s’inspirer d’un traité d’art militaire datant du

règne de Constantin386

.

Le tableau ci-après permet de résumer clairement les données.

Sources Date Unité Effectifs P.Panop.Beatty 2 300 vexillatio equitum sagittariorum 242 ou 300

selon les estimations Amm.16.12.38-39 357 equites catafractarii 2 ou 3 tribuni

Zos.3.3.4 357 ἴλη (en réalité plusieurs vexillationes equitum) 600 (soit 200 ou 300

cavaliers / vex. eq.)387

Zos.4.35.5 383 unité de cavalerie non identifiée 300 Maurice, Strat., 3.2. VIe tagma 310

Tableau 32. Mentions des effectifs des vexillationes equitum.

Le nombre de 300 hommes ressort très distinctement des quelques documents évoquant la question des effectifs. Si ce chiffre paraît loin des standards de la légion ou même des ailes et des cohortes auxiliaires du Principat, il correspond pleinement à ce que l’on s’attend à trouver pour une vexillation de cavalerie, autant dire un détachement formé à partir d’autres unités. Néanmoins, il faut bien garder à l’esprit que cet effectif théorique de 300 cavaliers n’est qu’une hypothèse qu’aucun document administratif fiable, à l’image des rôles de la

cohors XX Palmyrenorum pour le Principat, ne vient étayer.

II. La hiérarchie

388

Si l’organisation des anciennes unités du Principat est relativement bien connue grâce notamment à la documentation papyrologique, il n’en va pas de même avec les nouveaux escadrons apparus sous le règne de Gallien. Après un point sur les officiers commandant les

vexillationes equitum, une étude plus approfondie de la hiérarchie subalterne sera menée.

386 Sur cette hypothèse, cf. Janniard 2010, 243. Sur un écrit militaire de l’empereur Constantin, Lyd.,

Mag., 3.33.

387 Ces chiffres sont obtenus en recoupant les données fournies par Zosime avec Ammien Marcellin (cf. Tableau 32) : si le contingent de 600 equites catafractarii cité par Zosime était commandé par au moins deux, voire trois, tribuns comme Ammien Marcellin le laisse supposer, alors nous obtenons des vexillationes equitum de 200 ou 300 cavaliers.

388 À des fins de commodités, l'expression moderne d'officier commandant sera employée pour désigner un tribunus, celle d'officier supérieur pour un primicerius ou un senator, celle d'officier subalterne pour un

ducenarius ou un centenarius, celle de sous-officier pour un exarchus ou un biarchus, enfin celle de cadres