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La première réforme de la cavalerie par Dioclétien

La création d'une nouvelle cavalerie

II. Les réformes de Dioclétien

1. La première réforme de la cavalerie par Dioclétien

L’EVOLUTION DES IMPERATIFS MILITAIRES DE LA DYARCHIE DE DIOCLETIEN ET

MAXIMIEN

En associant Maximien au commandement militaire en 285 p.C. puis au trône impérial dès avril 286 p.C, Dioclétien cherche non pas à diluer son pouvoir, mais à permettre une meilleure gestion des menaces qui pèsent sur les frontières en déléguant une partie de ses prérogatives militaires. Auparavant, les empereurs devaient être sur tous les fronts avec leur armée, en confiant la défense des provinces éloignées à des généraux susceptibles de prendre

la pourpre en cas de succès trop éclatant308

. La relation de confiance entre les deux hommes et la similarité de leur titre entraînent un partage équilibré de l’Empire, avec l’Occident pour Maximien et l’Orient pour Dioclétien. Chacun est responsable de la sécurité des territoires placés sous sa juridiction militaire. Cette répartition des théâtres d’opérations amène un remaniement de l’armée qui, jusqu'alors, suivait l’unique empereur dans ses campagnes.

L’armée impériale, c’est-à-dire la force militaire directement dirigée par le prince, était composée des vexillations légionnaires et des nouvelles vexillationes Maurorum et

Dalmatarum levées sous Gallien309. La division de ce corps expéditionnaire en deux aurait amené à la constitution de deux entités numériquement trop faibles en termes de troupes montées. Pour pallier ce manque, Dioclétien entrepend très probablement une première réforme de la cavalerie. Elle consiste en la création, dès 285 p.C., de deux nouveaux types d’unités, les vexillationes equitum promotorum et les vexillationes equitum stablesianorum.

308 C’est le cas par exemple de Postumus en Germanie sous le règne de Valérien, d’Auréolus en Italie sous Gallien et même peu après l’instauration de la dyarchie avec le général Carausius en Bretagne.

LES VEXILLATIONES EQUITUM PROMOTORUM

Ces formations issues des anciens equites legionis ont déjà été étudiées dans le

troisième chapitre310

. Leur nom vient du terme promotus, participe de promouere, qui signifie

monter en grade, être promu au rang supérieur311

. Dans le cadre de ces formations, il prend le sens d’évolution du statut, du passage d’une cavalerie rattachée à la légion à une cavalerie indépendante formée en unité autonome.

LES VEXILLATIONES EQUITUM STABLESIANORUM, UNE CREATION DANS LURGENCE ?

La question des origines des vexillationes equitum stablesianorum312

a récemment intéressé les historiens. Hoffman fut le premier à évoquer une unité constituée sous Gallien à

partir des chevaux et des fonctionnaires des camps313

. En 1974, M. P. Speidel a posé les bases de l’étude de cette unité dans un premier article intitulé “Stablesiani. The Raising of New

Cavalry Units during the Crisis of the Roman Empire”314. L’auteur y concluait que ces cavaliers avaient été levés dans l’urgence du temps de Gallien, à partir des stratores, les écuyers des gouverneurs de provinces. L’hypothèse séduisante fut reprise avec enthousiasme

dans tous les ouvrages sur l’armée tardive315

. Mais en 1998, Brennan démontre que les

stablesiani semblent originaires des provinces occidentales de l’Empire316

. Les escadrons présents en Orient dans la Notitia Dignitatum y sont déplacés seulement à partir de Constantin. Il en conclut que les equites stablesiani sont le pendant occidental des equites

promoti, et seraient, comme eux, d’anciens equites legionis détachés des légions. Finalement,

M. P. Speidel est revenu sur sa première hypothèse en présentant ces nouvelles formations comme des troupes concentrées temporairement dans le nord de l’Italie sous le commandement d’un général de l’empereur Gallien, Auréolus, responsable des écuries

impériales317. Le terme de stabulensis associé à cette charge aurait donné le nom des

uexillationes equitum stablesianorum.

310 Cf. p.64 et carte 13, p.601.

311 OLD, s.v. ; promoueo. p.1486.

312 Les vexillationes equitum stablesianorum sont souvent nommées abusivement equites stablesiani dans les ouvrages actuels. Sur la question de la titulature exacte des nouvelles unités, cf. Vexillationes, equites ou

numeri ? p.87.

313 Hoffman 1968, 251-252.

314 Speidel M.P. 1974, 541-546.

315 Elton 1996, 106 ; Richardot 1998, 238 ; Le Bohec 2006, 105 ; Strobel 2007, 276.

316 Brennan 1998, 243.

Toutes ces tentatives d’explication des origines des unités ont en commun de se fonder sur les termes latins de stabularius, le palefrenier, ou de stabulum, l’écurie. Pourtant, il existe

un autre vocable très proche, le verbe stabilire, qui signifie soutenir, appuyer, consolider318

. Cette nouvelle approche du nom de l’unité a le mérite d’être beaucoup plus cohérente avec le contexte événementiel. Dioclétien souhaite, à la suite d’Aurélien et de Probus, restaurer les bases de la puissance de l’Empire en s’appuyant sur l’armée. Le nom des formations a toujours été un outil de propagande employé par les empereurs, les vexillationes equitum

stablesianorum sont l’expression de la volonté du retour à la stabilité voulue par Dioclétien et,

dans une seconde lecture, l’indication que cette cavalerie est une unité de soutien aux autres troupes des Augustes. En effet, la situation n’est plus à l’urgence, l’Empire est réunifié et les usurpations sont jugulées. L’état-major n’a pas besoin de recruter parmi du personnel non qualifié comme des fonctionnaires ou des écuyers.

LA FORMATION DES VEXILLATIONES EQUITUM STABLESIANORUM

A l’image des précédentes vexillations de cavalerie sous Gallien, les stablesiani ont été formés à partir de détachements d’unités auxiliaires, comme le laisse présager le nom-même de ce genre de formation, la vexillatio.

La pauvreté de la documentation rend l’étude de ces escadrons très ardue319

. Toutes les inscriptions semblent dater de la Tétrarchie et de Constantin. Trois peuvent cependant être situées avec précision. La première est une stèle funéraire, découverte à Brescia dans le nord de l’Italie, qui rappelle les vingt-cinq années de service de Valerius Vasse, exarcus in

uexillatione equitum stablesianorum320

. Vannesse la place en 312 p.C. au moment de la confrontation entre les armées de Constantin venues du Nord et celles de Maxence, défendant la péninsule italienne. Si l’on accepte cette date, et en imaginant que Valerius Vasse a bien passé tout son service dans la même unité, l’homme serait entré dans l’unité en 287 p.C. Cela correspond parfaitement avec une éventuelle création des equites stablesiani au début de la dyarchie. La deuxième mention est gravée sur un casque recouvert d’une fine couche

d’argent, celui de Deurne en Hollande321

. C’est le seul élément de protection qui peut véritablement être associé avec une unité de cette période. Par chance, l’artefact a été découvert dans son contexte archéologique, ce qui permet de le situer dans les années 319-320 p.C. Sur le côté intérieur droit du casque, on peut lire “stablesia VI”, ce qui nous apprend qu’il y avait au minimum six vexillations de ces cavaliers sous Constantin. La dernière

318 OLD, s.v. ; stabilio, p.1812.

319 Sur la localisation des différentes inscriptions, cf. carte 16, p.604.

320 Cf. I.23.

mention est sur une stèle funéraire d’un enfant à Sitifis en Maurétanie datée de 327 p.C.322 . Le père, Victor, est biarcus mais il ne précise pas son unité. Ce grade est caractéristique des nouvelles formations de cavalerie initiées par Gallien. Or dans la même cité apparaissent deux autres inscriptions impliquant des personnes portant le gentilice impériale Valerius,

appartenant toutes les deux à la même unité de stablesiani323

.

La Notitia Dignitatum, document de la toute fin du IVe siècle permet de compléter le

tableau en citant une dizaine de formations d’equites stablesiani dont des cunei equitum324

et

deux vexillationes equitum numérotées, la deux et la trois.325