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Une responsabilité d’administrer, mais une autonomie partielle

CHAPITRE 3. L’éducation scolaire des Nunavimmiut

3.2 La Commission scolaire Kativik : l’administration de l’éducation au Nunavik

3.2.1 Une responsabilité d’administrer, mais une autonomie partielle

Malgré l’aspect novateur de cette entente qui octroyait des pouvoirs inédits à la CSK en tant qu’organisation responsable d’administrer l’éducation au Nunavik, le système scolaire mis en place demeurait une zone de contrôle limitée. La CSK était habilitée à établir des programmes, à enseigner en inuktitut et dans les deux langues officielles canadiennes, soit le français et l’anglais. En outre, elle pouvait inclure des éléments culturels propres aux Inuit, mais ces programmes devaient tout de même être approuvés par le ministère responsable de l’éducation au Québec. Comme convenu dans le chapitre 17 de la CBJNQ portant sur l’éducation, la CSK doit respecter la Loi sur l’instruction publique du Québec spécifique aux autochtones cris, inuit et naskapis (Daveluy, 2008, 87-90).

La CSK demeure ainsi sous la responsabilité du gouvernement provincial pour l’approbation des programmes, puisqu’il s’agit d’une compétence qui relève des provinces. Bien qu’elle n’ait pas l’obligation de maintenir les évaluations propres au système scolaire du sud de la province, la CSK a fait le choix de maintenir cette structure ponctuée d’évaluations standardisées menant à l’obtention du diplôme d’études secondaires du Québec. Ce choix résidait notamment dans le besoin pour ses élèves de pouvoir éventuellement être admis dans les établissements d’enseignement postsecondaire de la province (Vick-Westgate, 2002, 206). Cette nécessité découlait du fait que le système scolaire conçu par la CSK n’incluait pas l’éducation postsecondaire. Bien que depuis 1988, la CSK ait des pouvoirs particuliers lui permettant d’établir des ententes avec des établissements d’enseignement postsecondaire (Daveluy, 2008, 89-90), sa responsabilité se limite à la formation qui va de la maternelle à la fin du cursus secondaire. Il lui fallait alors prévoir la poursuite des études des futurs diplômés de ses écoles. Ainsi, sans avoir de contrôle sur la formation offerte, la CSK a néanmoins obtenu la responsabilité d’encourager, d’arranger et de superviser l’éducation postsecondaire des bénéficiaires de la CBJNQ qui allaient poursuivre leurs études postsecondaires au sud du Nunavik (Vick- Westgate, 2002, 86). J’aborderai ce volet plus en détail dans le prochain chapitre.

Dans ce contexte, la CSK s’est inspirée du système scolaire développé par le gouvernement du Québec au courant des années 1960. À cette époque, la CSNQ avait misé sur l’apprentissage de l’inuktitut lors des premières années du primaire ainsi que sur la formation d’enseignants inuit. La CSK a souhaité conserver et combiner ces initiatives avec l’apprentissage de la culture et de l’environnement. Le cheminement scolaire alors

proposé commence avec deux années de scolarisation en inuktitut. Il se poursuit dans l’une ou l’autre des langues officielles et l’enseignement est principalement donné par des non-Inuit (Eriks-Brophy et Crago, 1994, 107). Daveluy (2008, 85) soutient que les statistiques témoignent de la prégnance d’un multilinguisme au sein des familles. Celui-ci s’exprime dans l’alternance entre le choix du français et de l’anglais pour les enfants d’une même cellule familiale. Par exemple, si l’aîné étudie en anglais, son cadet le fera en français, et ainsi de suite. Daveluy (ibid.) explique que cette façon de faire découle de la croyance que le français est utile à l’employabilité et que l’anglais est plus prestigieux. Ainsi, la CSK31 vise un bilinguisme qu’elle qualifie d’« équilibré ».

Conséquemment à l’obligation d’enseigner en inuktitut lors des premières années du primaire, les enseignants sont généralement des Inuit. Ceux-ci sont formés par le programme spécifique que leur offre l’Université McGill32 ou à l’Université du Québec en

Abbitibi-Témiscamingue pour les village d’Inukjuak et Puvirnituq. Les futurs enseignants inuit n’ont pas besoin de maîtriser l’anglais ou le français pour suivre cette formation, puisqu’elle leur est offerte en inuktitut par des Inuit, avec l’aide de consultants non inuit. Le baccalauréat en enseignement, habituellement requis pour enseigner au Québec, n’est pas exigé d’eux. Cette formation spécifiquement destinée aux Inuit du Nunavik souhaite contribuer au maintien des façons de faire inuit en matière d’éducation (Eriks-Brophy et Crago, 1994, 107).

La CSK voulait mettre en place un système scolaire qui allait permettre aux Inuit de comprendre la société, tant localement que globalement (CSK, 1985; GTÉN, 1992). Dès les premières années, la CSK recueillait l’opinion de la population (aînés, parents et autres membres des collectivités) pour connaître leur vision sur la scolarisation (CSK, 1992, 9). À cet effet, le Conseil des commissaires a vu le jour en 1976. Les commissaires sont des représentants inuit provenant de chacune des 14 communautés du Nunavik. Ils sont mandatés pour consulter la population sur l’éducation scolaire. La CSK comptait sur un enseignement conforme à la perspective inuit, permettant à chacun d’acquérir les savoirs requis pour bien vivre au nord. Les jeunes générations devaient alors connaître et bien comprendre leur culture. Le contenu proposé devait tenir compte des représentations inuit et de leur savoir-faire, dont l’apprentissage de l’inuktitut, de la culture et des arts inuit, ainsi

31 La notion de « bilinguisme équilibré » provient de l’énoncé de mission de la CSK : http://www.kativik.qc.ca/fr/enonce-de-mission.

32 Ce programme qu’offre l’Université McGill a commencé dans un partenariat avec les Inuit du Nunavik et

que de leur histoire. Ces apprentissages doivent toutefois se combiner à l’acquisition des aptitudes nécessaires à la poursuite des études dans les programmes généraux offerts dans les pays occidentaux, dont le Québec. Les domaines appartenant davantage à la sphère des connaissances occidentales (qallunaatitut) sont par exemple les sciences naturelles, les sciences humaines, l’une des deux langues officielles du pays, les mathématiques. Ces matières font également partie des compétences visées dans les programmes conçus par la CSK.

3.2.2 L’adaptation du système d’éducation scolaire : de nombreux défis à