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Une reconnaissance partielle en faveur des personnes publiques

La reconnaissance prudente de la liberté contractuelle

B) Une reconnaissance partielle en faveur des personnes publiques

159. La différence naturelle et fonctionnelle entre l’administration et les personnes de droit privé rend difficile la recherche d’une possibilité d’étendre la protection accordée par le juge administratif au principe de la liberté contractuelle au profit de personnes publiques. En effet, en la matière, la diversité des catégories de personnes publiques constitue une complexité pour le juge administratif. C’est la raison pour laquelle, nous allons nous concentrer dans notre recherche sur les deux catégories principales en étudiant l’attitude du juge administratif vis à vis de la liberté contractuelle pour les collectivités territoriales d’une part, et pour l’Etat d’autre part.

379 Par exemple ; CE, 28 mai 1997, FEHAP, req. n° 167403, AJFP, 1997, P.13 ; CE, 20 mars 2000, M. Pierre,

req. n° 202295 ; CE, 8 novembre 2000, Société Discount Assur, req. n° 218212 ; CE, 15 décembre 2000, Banque de France, req. n° 203331 ; CE, 19 mars 2001, Syndicat National des Industriels et Professionnels de l’aviation générale, req. n° 202349 ; CE, 2 octobre 2002, SARL EVEN MEDIA et SARL COPPER COMMUNICATION, req. n° 231228 ; CE, 4 février 2004, M. et Mme Lucien A, req. n° 252914 ; CE, 23 juin 2004, SCI Paris, req. n° 253917 ; CE, 30 novembre 2005, Syndicat des Médecins d’Aix et Région et autres, req. n° 278291, 278969, 279320, 279345, 279438, 279515, 279536, 279537 ; CE, 28 décembre 2005, Section Syndicale Des Collecteurs Carcassiers du Syndicat les Professionnels du Pneu, req. n° 264778 ; CE, 19 mai 2006, Fédération des Employés et Cadres CGT-FO, req. n° 274395 ; CE, 19 mai 2008, AFORST, req. n° 305970 ; CE, 8 avril 2009, CGE, req. n° 271737 ; CE, 24 février 2011, Union nationale des footballeurs professionnels et autres, req. n° 340122 ; CE, 20 mai 2011, Conseil National de l'Ordre des Médecins, req. n° 347098 ; CE, 14 décembre 2011, Syndicat des Agences de Presse Télévisée, req. n° 342985 ; CE, 4 juillet 2012, M. Nicolas A, req. n° 350122 ; CE, 26 novembre 2012, M. Daniel B, req. n° 342485.

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a) La liberté contractuelle des collectivités territoriales

160. Tout d’abord, il faut noter que les décisions du juge administratif par lesquelles la liberté contractuelle des collectivités territoriales a été soulevée sont assez complexes, car la majorité de ces décisions ne montrent pas clairement si c’est vraiment la liberté de la collectivité concernée ou la liberté de son cocontractant qui est concernée380. De plus, même

pour le cas dans lequel la liberté contractuelle de la collectivité locale est en question, le Conseil d’Etat se contente de parler du principe de la liberté contractuelle en tant que tel sans énoncer clairement s’il pourrait construire un principe général du droit.

161. Le Conseil d’Etat va cependant faire un pas dans ce domaine dans son arrêt du 6 juillet 1977381. En l’espèce, le syndicat national des ingénieurs et techniciens contestait la

légalité d’un arrêté interministériel du 9 mars 1972 fixant les conditions générales d’intervention de l’office national des forêts pour le compte des collectivités territoriales. La disposition contestée prévoyait que l’approbation de la convention conclue entre l’office national des forêts et la collectivité locale ayant sollicité son concours « comporte pour la

collectivité la renonciation à l’exercice de la responsabilité pécuniaire et décennale établie par les articles 1792 et 2270 du Code civil ». Le Conseil d’Etat va censurer cette disposition

au motif qu’« elle fait obstacle au libre exercice par les collectivités territoriales d’un droit

garanti par la loi en matière contractuelle ». Pour la Haute Juridiction, cet article est contraire

à l’article 34 de la Constitution qui réserve au seul législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources. Une telle formulation remarquable sera interprétée, selon certains, comme synonyme de liberté contractuelle, et surtout « comme permettant de la protéger sur le

fondement de l’alinéa 10 de l’article 34 de la Constitution »382. Ainsi, la liberté contractuelle

est protégée parce qu’elle est une des composantes de la libre administration des collectivités territoriales.

162. Cette interprétation sera écartée par l’arrêt du Conseil d’Etat rendu le 2 février 1983383. En l’espèce, l’Union des transports publics urbains et régionaux avait déposé une

380 Ch. BRECHON-MOULENES, « Liberté contractuelle des personnes publiques », AJDA, 1998, P. 646. 381CE, 6 juillet 1977, Syndicat national des ingénieurs et techniciens agrées, req. n° 87539, Lebon, P. 306 ;

AJDA, 1978, P. 105 ; Cahier du CFPC 1978, n° 2, P. 97, obs. F. Moderne.

382 M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, précité, P. 245 ; voir également, F.

LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », Contrats et Marchés publ. n°5, mai 2007, étude n° 6.

383 CE, 2 février 1983, Union des transports publics urbains et régionaux, req. n° 34027, Lebon, P. 33 ; RDP,

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requête tendant à l’annulation du décret du 29 octobre 1980 relatif aux modalités d’exploitation des services de transports publics d’intérêt local. Ce dernier, qui avait été édicté à la suite d’une habilitation législative de la loi du 19 juin 1979, avait rendu obligatoire l’insertion de très nombreuses clauses administratives et financières nécessaires à la sauvegarde des objectifs poursuivis par le législateur et limitant, selon la requérante, la liberté contractuelle des parties contractantes. Le Conseil d’Etat va rejeter la demande en justifiant son attitude par le fait que « ces diverses exigences n'apportent pas à la libre administration

des collectivités locales et à la liberté contractuelle des limitations excédant les limites de l'habilitation conférée au gouvernement ». Cet arrêt mérite une analyse approfondie.

163. En premier lieu, par cette décision le juge administratif a séparé la liberté contractuelle de la libre administration des collectivités locale, ce qui signifie que les deux principes ne sont pas identiques et que la liberté contractuelle, aux yeux du juge administratif, n’est pas une composante de la libre administration même si les deux principes partagent plusieurs aspects384. Ce qui écarte, en conséquence, l’interprétation précitée.

164. En second lieu, la disposition de l’article attaqué montre nettement qu’il porte atteinte à la liberté contractuelle des deux parties à la convention d’exploitation de service de transport public, et cela rend difficile voire complexe de savoir si la liberté contractuelle concernée dans ce domaine est celle de la personne publique ou celle de l’exploitant de ce service385. Si le juge voulait référer à la liberté contractuelle du cocontractant avec

l’administration, la personne publique n’aurait dans ce cas que le bénéfice de l’article 72 de la Constitution, c’est-à-dire la libre administration des collectivités territoriales. Ainsi, les atteintes portées par ces dispositions pourraient, selon cette interprétation, affecter soit la liberté contractuelle des personnes privées, soit la libre administration des collectivités territoriales. Par conséquent, la collectivité territoriale ne dispose pas d’une liberté contractuelle, mais elle profite d’une protection des aspects communs à la liberté contractuelle par le biais du principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales.

384 Voir dans ce sens, F. LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », Contrats et

Marchés publics, précité, : il estime que : « sans que l’on sache très bien s’il ne fait que répondre aux moyens des requérants ou s’il les considère comme indépendants l’un de l’autre, le Conseil d’Etat vise parfois distinctement la liberté contractuelle et la libre administration des collectivités territoriales » ; voir également, Ch. BRECHON-MOULENES, « Liberté contractuelle des personnes publiques », précité, P. 646.

385 Le Conseil d’Etat estime que « il ressort des termes mêmes de cette disposition que le législateur a donné

compétence au gouvernement, agissant par décret en Conseil d'Etat, d'une part, pour énumérer limitativement les différents types de contrats qui peuvent être passés entre les autorités organisatrices de transports publics d'intérêt local et les exploitants de services de transports publics, d'autre part, pour rendre obligatoire l'insertion dans ces contrats des stipulations minimales qu'il jugerait nécessaires à la sauvegarde des objectifs poursuivis par le législateur, compte tenu du type de contrat choisi par les parties ».

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165. Notre perplexité au sujet de la place de la liberté contractuelle des collectivités territoriales dans la jurisprudence du Conseil d’Etat se poursuit avec la décision du 6 mars 1989386. En effet, l’espèce de cette affaire est totalement identique à la précédente : l’Union des transporteurs en commun de voyageurs des Bouches-du-Rhône a déposé une requête afin d’annuler un décret rendu à la suite de l’habilitation législative de la loi du 19 juin 1979, imposant une approbation de conventions types, d’un règlement intérieur type des régies, ainsi que des cahiers des charges types pour l’exploitation des services de transport public d’intérêt local. D’une manière similaire, la Haute Juridiction administrative rejeta ce recours en utilisant la même justification que dans sa décision du 2 février 1983. Elle a jugé que « les

diverses exigences posées par ce décret n'apportent pas à la libre administration des collectivités locales et à la liberté contractuelle des limitations excédant les limites de l'habilitation conférée au gouvernement par l'article 4 de la loi du 19 juin 1979 ». Une telle

formulation pose les mêmes interrogations que celles indiquées antérieurement et renforce l’idée selon laquelle la protection potentielle des activités contractuelles des collectivités locales repose sur le fondement du principe de la libre administration des collectivités territoriales et que le principe de la liberté contractuelle concerne la protection des personnes privées.

166. Dans le cadre de la reconnaissance au principe de la liberté contractuelle des collectivités territoriales de la valeur de principe général du droit, l’arrêt du Conseil d’Etat du 28 janvier 1998387 a pu ajouter une autre complexité. En effet, les défenseurs de la liberté

contractuelle des personnes publiques trouvent dans cet arrêt un fondement pour classer la liberté contractuelle des personnes publiques en général, et celles des collectivités territoriales en particulier, parmi les principes généraux du droit388. En l’espèce, la société Borg Warner a

été chargée, par un marché conclu le 11 septembre 1984, de fournir et de mettre en place un équipement de pompage d’exhaure destiné à des installations de chauffage géothermique situées sur le territoire de la commune de Tremblay-Lès-Gonesse. Les stipulations de l’article 9-5 de l’additif au cahier des clauses administratives particulières annexé à ce marché

386 CE, 6 mars 1989, Union des transporteurs en commun de voyageurs des Bouches-du-Rhône, req. n° 34015,

Lebon T. P. 956 ; Juris-Data n° 1989-641785.

387 CE, Sect. 28 janvier 1998, Société Borg Warner, req. n° 138650, Lebon. P. 20; AJDA, 1998, P.287; CJEG,

1998, P.269, chron. F. Moderne.

388 Voir dans ce sens, Ch. BRECHON-MOULENES, « liberté contractuelle des personnes publiques », AJDA,

1998, P. 643 ; F. LLORENS, « La liberté contractuelle des collectivités territoriales », Contrats et Marchés publics, n°5, mai 2007, étude n° 6 ; M. MAHOUACHI, La liberté contractuelle des collectivités territoriales, précité, P. 249 ; C. GUETTIER, Droit des contrats administratifs, 2e éd., précité, P. 142 ; B. STRIN, « La liberté

contractuelle, droit fondamental en droit administratif ? », AJDA, 1998, P. 673 ; F. ROLIN, « La liberté contractuelle des personnes publiques », Revue des Contrats, 2004, P 426.

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prévoyaient un délai de garantie d’une durée de douze mois à compter de la date de la réception dudit équipement. L’article 9-7 du même document contractuel stipulait que les frais supplémentaires d’exploitation résultant d’un dommage matériel sont garantis à concurrence de 500 000 F par sinistre et 1 500 000 F par année d’assurance pour l’ensemble des opérations couvertes. Malgré l’existence de cette disposition la Cour administrative d’appel de Paris a condamné la Société précitée au paiement d’une somme supérieure à celle citée dans le marché, en raison de la contrariété de ces clauses contractuelles, limitant la responsabilité du cocontractant en la matière, avec l’article L. 316-2 du Code des communes389. A la suite d’un recours formulé par la société Borg Warner demandant

l’annulation de cet arrêt, le Conseil d’Etat jugera que : « ces dispositions précitées de l'article

L. 316-2 du code des communes, qui dérogent au principe de la liberté contractuelle, doivent être interprétées strictement », en ajoutant que : « ne visant expressément que les clauses par lesquelles une collectivité locale renonce à exercer une action en responsabilité, elles ne s'appliquent pas aux clauses qui se bornent à prévoir un aménagement ou une limitation de la responsabilité du cocontractant », ainsi qu’« il n'en irait autrement que dans le cas de clauses qui, tout en se présentant comme prévoyant seulement un aménagement ou une limitation de la responsabilité, auraient un contenu et une portée dont le rapprochement avec les autres éléments pertinents de l'économie du contrat ferait apparaître qu'elles auraient été conçues pour produire un effet voisin de celui d'une clause de renonciation ».

167. A priori cette formulation nous conduit, comme beaucoup de défenseurs de la liberté contractuelle, à imaginer que la liberté contractuelle concernée dans cette décision est celle de la liberté contractuelle des collectivités territoriales et plus précisément la liberté des communes, mais la question qui se pose ici est de savoir s’il est possible que le juge administratif ait voulu se référer à la liberté contractuelle du cocontractant ? Il est fort probable que la liberté contractuelle assignée dans ce domaine soit la liberté des communes toutefois l’autre hypothèse ne manque pas d’arguments.

168. Un examen approfondi montre que la disposition condamnée dans cette affaire porte atteinte à la liberté contractuelle des deux contractants, la société contractante, qui est une personne du droit privé, et la personne publique concernée. De plus, sans négliger que ce texte restreint le pouvoir contractuel des autorités locales, la Haute Juridiction administrative

389 L’article L. 316-2 du Code des communes disposent que : « Sont illégales les décisions et délibérations par

lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l'égard de toute personne physique ou morale qu'elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit ». L’article L. 2131-10 du Code général des collectivités territoriales.

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s’est contentée de mentionner que ledit article déroge au principe de la liberté contractuelle sans préciser expressément et nettement le destinataire de cette liberté.

169. D’un autre côté, la requête, sur laquelle cette décision a été prise, a été déposée par la Société Borg Warner – qui a vu par l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris un fort encadrement de sa liberté contractuelle –, et non pas par la personne publique concernée, c’est-à-dire, par la personne qui a estimé sa liberté contractuelle atteinte. En d’autres termes, si ce jugement a été pris c’est parce qu’une personne de droit privé a sollicité sa liberté contractuelle devant le juge administratif, ce qui renforce l’hypothèse selon laquelle le Conseil d’Etat voulait indiquer ici la liberté contractuelle des personnes privées, et se concilie bien avec l’ancienne interprétation de la position juridictionnelle.

170. Par ailleurs, et d’un point de vue totalement pragmatique, Monsieur Rolin mentionne plusieurs arguments selon lesquels ladite décision ne pourrait pas être un fondement pour reconnaître un principe général de « liberté contractuelle des personnes publiques ». Ces arguments ne manquent pas d’intérêt. « D’abord, la décision Borg Warner

elle-même n’emploie pas le terme de « principe général du droit » mais seulement de

« principe de la liberté contractuelle » sans en définir le statut juridique. Ensuite, l’arrêt se borne à régler une question d’interprétation et en aucun cas ne contrôle la validité d’une dérogation à ce supposé principe général du droit. Enfin, et même si cette indication n’est pas revêtue de l’autorité de la chose jugée, le fichage de cet arrêt aux tables du Recueil Lebon, n’a pas été opéré sous la rubrique « principes généraux du droit et aucun des abstracts ne fait

référence à cette notion »390.

171. Plus récemment, le Conseil d’Etat a été saisi afin d’annuler pour excès de pouvoir un Décret rendu le 17 octobre 2011 portant création de la métropole dénommée « Métropole Nice Côte d’Azur ». Les collectivités requérantes soutenaient que les dispositions contestées méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé à l’article 72 de la Constitution et le principe de liberté contractuelle de ces collectivités garanti par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Le Conseil d’Etat va marquer une autre ambigüité à propos de la liberté contractuelle en écartant les moyens tirés par les requérantes sans préciser expressément son attitude à l’égard de la liberté contractuelle des collectivités territoriales. Il a en effet jugé que « le moyen tiré de ce que les

dispositions contestées (…) méconnaissent le principe de libre administration des collectivités

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territoriales énoncé à l'article 72 de la Constitution et le principe de liberté contractuelle de ces collectivités garanti par l'article 4 de la Déclaration de 1789, doit être écarté »391. Encore

une fois, cette formulation ne permet pas de savoir si le principe de la liberté contractuelle des collectivités locales profite d’une protection particulière du Conseil d’Etat au motif qu’il constitue un principe général du droit392.

172. Finalement, si l’attitude de la Haute Juridiction administrative à l’égard de la liberté contractuelle des collectivités territoriales n’est pas définitivement tranchée, la situation pour la Cour administrative d’appel n’est pas la même. En effet, plusieurs décisions rendues par les Cours administratives d’appel confirment la reconnaissance de ce principe en faveur des collectivités locales. Le premier exemple est l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 11 octobre 2005. Par cette décision la Cour va rejeter la requête au motif que la disposition contestée ne méconnaît pas « la liberté contractuelle des collectivités

locales »393. La reconnaissance sera plus nette avec l’arrêt de la Cour administrative d’appel

de Nantes qui a justifié le rejet de la saisine par le fait que « les dispositions contestées n'ont

pas pour effet d'interdire aux communes, titulaires de la liberté contractuelle, de conclure des conventions à objet financier lorsqu'elles présentent un intérêt communal »394. Ainsi, par de

telles formulations on ne peut que reconnaître le principe de la liberté contractuelle des collectivités territoriales, sans toutefois pouvoir parler d’un principe général du droit dès lors que le Conseil d’Etat ne l’a pas explicitement reconnu.

b) La liberté contractuelle et les organes de l’Etat

173. La question de savoir si la liberté contractuelle de l’Etat constitue un principe général du droit est très délicate et touché à la complexité et la diversité des organes composant l’Etat. Cette diversité rend illogique et incohérent le fait de parler d’un principe général du droit en faveur de l’Etat d’une manière générale. Ainsi, la question doit se poser pour chaque organe d’une façon indépendante des autres institutions étatiques.

174. Il est difficile de trouver un fondement probable à un principe général dit « la liberté contractuelle » des organes « de l’Etat » dès lors que le Conseil d’Etat a rendu peu d’arrêts pour le confirmer, mais avec ces arrêts la question reste toujours non résolue.

391 CE, 30 mai 2012, SIVOM de Ville franche-Sur-Mer et la Commune De Saint-Jean-Cap-Ferrat, req. n°

354951.

392 Pour d’autres exemples voir, CE, 2 février 2015, Maire de la commune d’Aix-en-Provence, req. n° 373520 ;

CE, 22 mai 2015, Syndicat départemental d'électricité et de gaz de la Charente et autres, req. n° 370129.

393 CAA de Bordeaux, 11 octobre 2005, Département de la Dordogne, req. n° 00BX01892. 394 CAA de Nantes, 27 octobre 2009, Préfet d'Eure-et-Loir, req. n° 09NT00293.

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175. Un exemple pour éclairer notre propos est donné par la décision du Conseil d’Etat du 20 mars 2000395. En l’espèce, deux professeurs des Universités avaient contesté la légalité de l’arrêté du ministre de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie du 3 septembre 1998 relatif à la charte des thèses. L’article 4 de cet arrêté dispose que : « La

charte est intégrée dans le contrat signé entre le chef d'établissement et le ministre chargé de l'enseignement supérieur. Son application fait partie de l'évaluation du contrat des établissements concernés ». L’imposition de cette intégration méconnait, selon les requérants,

les prescriptions de l’article 20 de la loi du 26 janvier 1984 relative à l’enseignement supérieur, en vertu desquelles les activités de formation, de recherche et de documentation des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel peuvent faire l’objet de contrats d’établissement pluriannuels qui « fixent certaines obligations des établissements

et prévoient les moyens et emplois correspondants pouvant être mis à leur disposition par l'Etat ». En effet, de telles dispositions signifient que si les universités sont libres de ne pas

signer les contrats d’établissement, ceux-ci conditionnant généralement l’habilitation des formations doctorales, le refus d’adopter une charte des thèses qui respecte les principes

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