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Une prédominance du financement du commerce

AGRICOLES DES FEMMES Introduction

5.1.1. Une prédominance du financement du commerce

Le crédit commercial est le plus accordé aux femmes même s‟il est détourné par endroit à des fins de consommation. Cela crée un décalage entre les données des IMF et les pratiques réelles des femmes. Toutefois, il existerait une prédominance du financement pour des activités commerciales comparativement aux autres secteurs (artisanat, agriculture).

L‟importance du financement du secteur commercial s‟explique par sa rentabilité économique élevée. La présence de grandes zones minières et, par conséquent, de grandes zones de consommation, favorisant une rotation plus rapide du microcrédit dans des activités économiques générant plus de profits. Ce constat confirme les déclarations du Directeur d‟une des agences de microfinance qui soutient que :

« Ce sont les activités commerciales qui sont les plus financées car on constate qu’à court terme, ce sont elles qui sont les plus rentables économiquement parlant. Les risques (sécheresse, inondation, mauvaise récolte) liés aux crédits agricoles, l’improductivité des crédits sociaux et le financement à long terme des projets d’investissement ne nous encouragent pas à orienter des fonds considérables dans ces domaines ».

L‟analyse de quelques données quantitatives collectées va dans ce sens. En 2015 par exemple, la caisse de Crédit Rural de Mandiana (CRM) avait octroyé 60% de son portefeuille de crédit au secteur commercial contre 40% pour les autres domaines comme l‟indique le tableau ci-dessous :

164 Tableau 20 : Répartition des encours de crédits selon les types de crédits en 2015

Types de crédits Montant %

Crédit commercial 628860657 60

Crédit d'investissement 214502965 20

Crédit fonctionnaire épargnant 199332825 19

Crédit dépannage fonctionnaire 9023350 1

Total 1051719797 100

Source, CRM, juin 2105

La même observation est faite au niveau de CAFODEC Kankan. Au cours de la même année, cette agence de microfinance avait octroyé à 29 femmes un encours de crédit total de 138 200 000 GNF. Les crédits commerciaux à eux seuls correspondaient à plus de 97% du portefeuille de crédit, contre respectivement 1,45% et 0,72% pour les crédits dépannage fonctionnaire et d‟investissement. Au cours de la même année, aucune ligne de crédit n‟a été allouée aux volets social et agricole. Comme l‟indique le tableau ci-dessous.

Tableau 21 : Répartition des encours de crédits CAFODEC Kankan en 2015

Types de crédits Nombre de femmes

bénéficiaires Montant % Crédit commercial 27 135200000 97,83 Crédit agricole 0 0 0 Crédit d‟investissement 1 1000000 0,72 Crédit social 0 0 0 Autres crédits 1 2000000 1,45 Total 29 138200000 100 Source : CAFODEC, 2015

La prépondérance accordée au financement des activités commerciales est également perceptible dans les agences de la MGE. En 2015, plus de 50% du portefeuille de crédit ont été orientés dans le secteur du commerce, contre 31% pour le secteur agricole, 6% respectivement pour le transport et autres, 3% pour l‟artisanat et 1% pour les travaux publics et bâtiment.

Tableau 22 : Répartition des encours de crédits de la MGE en 2015

Secteurs d’activités Montant du crédit %

Agriculture, élevage, pêche 718000000 34

Travaux publics et Bâtiment 17000000 1

Commerce, restaurant 1066402000 51 Artisanat 60000000 3 Transport/communication 121000000 6 Autres 116000000 6 Total 2098402000 100 Source : MGE, 2015

165 De plus, au niveau du FINADEV, au cours de la même année (2015), plus de 67% du portefeuille de crédit ont été orientés vers le commerce contre 24,94% pour le domaine social (santé et éducation) et seulement 6,88% pour le secteur agricole.

Comme on le constate, de tous les secteurs d‟intervention des IMF, celui du commerce est le plus financé. La rentabilité des activités commerciales avec pour corollaire la facilité de remboursement du microcrédit explique cet état de fait. En Haute Guinée, trois circuits commerciaux (intra-préfectoral, inter-régional et frontalier) sont exploités par les femmes.

Le commerce intra-préfectoral cible principalement les grands marchés hebdomadaires et les zones minières des préfectures où les manikamousso (femmes commerçantes malinké) y vont pour vendre des produits manufacturés et articles divers. En retour, elles s‟approvisionnent en produits agricoles (arachide, beurre de karité, riz, mil, fonio…) pour les commercialiser dans les grands centres urbains.

Le commerce inter-régional est pratiqué entre les différentes régions de la Guinée, en l‟occurrence entre la Haute Guinée et la Guinée forestière. À partir de la Guinée Forestière, les commerçantes s‟approvisionnement en huile rouge, bananes et céréales qui sont par la suite commercialiser dans les centres urbains de la Haute Guinée. À l‟opposé, les femmes de la Haute Guinée commercialisent le beurre de karité, les grains de néré, le mil, l‟igname, le horicot et l‟arachide dans les marchés de la Guinée forestière, la capitale Conakry et des grands centres de la Moyenne Guinée (Labé et Mamou).

Enfin le commerce frontalier constitue une opportunité pour les femmes grossistes et demi-grossistes pour s‟approvisionner exclusivement en pagne bazin et wax et en produits cosmétiques au Mali, en Côte d‟Ivoire et au Sénégal pour les revendre sur les grands marchés locaux de la Haute Guinée. D‟où l‟importance du rôle que jouent les femmes dans le commerce dans cette partie de la Guinée. Ce qui suscite le désir d‟avoir un fonds de roulement comme priorité chez la majorité des femmes enquêtées dans les centres urbains. Ce désir d‟avoir un capital important motive certaines femmes à emprunter des microcrédits. 5.1.2. Le microcrédit, un outil de renforcement des activités commerciales

Si autrefois, les possibilités d‟obtention des crédits des populations, notamment les femmes se limitaient aux usuriers locaux et aux plus proches, dorénavant, en plus de ces opportunités, il existe les IMF. Ces usuriers, souvent constitués de commerçants installés dans les villages et les villes, ne pouvaient développer un réseau financier profitable à tous. Ils ont

166 donc agi afin de générer des profits rapides en imposant des intérêts élevés (10% en moyenne par mois) sur des prêts et pour ne pas se voir « dépouillés » de leurs capitaux comme le dit si bien un adage africain : « une seule personne riche parmi tant de pauvres finirait par

s’appauvrir indéniablement ». Même si certains des usuriers et proches parents acceptaient

d‟octroyer des crédits aux femmes, d‟autres par contre, ne faisaient aucune confiance quant à la réussite de leurs activités entrepreneuriales. Pour eux, la solution in fine était de refuser simplement de leur accorder le crédit, limitant considérablement l‟accès des femmes aux ressources économiques.

C‟est dans ce contexte que dans les années 1990 les premières IMF se sont installées en Haute Guinée et ont commencé à développer des produits financiers (épargne et microcrédit) pouvant satisfaire certains besoins des populations et plus particulièrement les femmes. Selon les femmes enquêtées, les microcrédits mis à leur disposition par les IMF contribuent à la dynamisation des activités commerciales de la localité. Grâce aux microcrédits, elles augmentent leur capital (fonds de roulement) soit pour démarrer, soit pour renforcer ou diversifier leurs activités génératrices de revenus (AGR). Les propos d‟une bénéficiaire de 39 dans la commune urbaine de Siguiri évoluant dans le commerce des produits agricoles traduisent bien ce sentiment lorsqu‟elle affirme :

« Les IMF sont de véritables espoirs pour nous les femmes possédant de faible revenu. Elles nous permettent d’avoir un fonds de roulement pour entreprendre une AGR. Avec le microcrédit, mon capital a été renforcé et aujourd’hui je me suis spécialisée dans la commercialisation des céréales. Je m’approvisionne en céréales dans les marchés hebdomadaires pour ensuite les vendre au centre-ville ici et engendrer un peu de bénéfice ».

Dans la même lancée, une autre ajoute :

« Je n’avais pas de capital consistant pour entreprendre une activité économique. C’est grâce à l’appui financier du CRG que je suis parvenue à acheter de grandes quantités d’arachide que je transforme en pâte pour la vente. Dans ce travail, il faut nécessairement stocker une quantité d’arachide pour ne pas subir chaque jour les innombrables fluctuations des prix sur le marché. Certes, sans cette aide, il me serait très difficile de joindre les deux bouts d’autant que je suis veuve ».

Comme il apparaît dans ces propos, c‟est dans des situations similaires que plusieurs femmes ont recours aux appuis des IMF. Avec les microcrédits qui leurs sont octroyés, elles entreprennent diverses AGR dans le secteur informel au sein des communautés.

167 En effet, l'expression « secteur informel » est apparue pour la première fois au Ghana en1965dans une étude portant sur l'emploi urbain. Selon les pays et les politiques économiques mises en œuvre, les critères de dénomination du secteur informel varient en fonction de la taille et du statut des entreprises, des conditions de travail, du nombre d‟employés, du type de technologie employée, etc. Néanmoins, dès son origine dans les années 1970, le secteur informel désignait en Afrique subsaharienne les activités caractérisées par la petitesse de leur taille, destinées à procurer des revenus de subsistance aux nouveaux citadins en provenance des campagnes, suite à des séries de perturbations climatiques (sécheresse, désertification, inondation). Par la suite, la notion s‟est généralisée à de petites activités qui ont été créées massivement en rapport avec le chômage endémique dans les différents pays africains, confrontés à la crise économique et aux conséquences sociales des programmes d‟ajustement structurel des années 80 et 90. Il s‟agit des activités utilisant peu de main d‟œuvre qualifiée, à capital modeste, ayant peu d‟accès aux marchés organisés et à la technologie échappant souvent aux statistiques et à la réglementation publique (Kanté, 2001).

Le secteur informel est caractérisé aussi par la constitution des micro-entreprises individuelles, qui brillent par l‟absence de personnalité juridique morale et qui ne tiennent généralement pas de compte complet à l‟image des sociétés dites formelles. Il se distingue aussi par le caractère familial de l‟entreprise où des personnes travaillent pour leur propre compte et se font assister par des aides familiaux ou des salariés occasionnels. Tenant compte de toutes ces caractéristiques énumérées plus haut, Kanté (2001 : 8) décrit le secteur informel comme :

« Un ensemble d’unités produisant des biens ou des services en vue principalement de créer des emplois et des revenus pour les personnes concernées. Ces unités ayant un faible niveau d’organisation, opèrent à petite échelle et de manière spécifique, avec peu ou pas de division du travail et du capital en tant que facteurs de production. Les relations d’emploi, lorsqu’elles existent, sont surtout fondées sur l’emploi occasionnel, les liens de parenté ou les relations personnelles et sociales plutôt que sur des accords contractuels comportant des garanties en bonne et due forme ».

En Guinée, l'incapacité du secteur formel à créer le nombre d'emplois nécessaires pour absorber la main-d'œuvre, certes peu qualifiée, reste cependant la cause principale de l'expansion de l'économie non-formelle (Condé et Camara, 2013) dont dépendent 60 à 70 % de la population totale et contribue à hauteur de 55 % de la production nationale (CNPG,

168 2012). Les activités de ce secteur sont financées essentiellement, soit par le réseau de relations interpersonnelles (consanguins, alliés, amis et voisins), soit par des prêts familiaux, soit par des structures de solidarité (tontine), soit par des usuriers et enfin par les institutions de microfinance.

L‟interaction microfinance et secteur informel s‟explique du fait qu‟en termes de création des emplois, le secteur informel tend à devenir l‟un des plus grands pourvoyeurs. Orientée sur une cible nouvelle que sont les pauvres et les exclus, la microfinance reconnaît les besoins des femmes du secteur informel et leur capacité à rembourser les prêts. Au lieu de leur refuser des crédits et autres services pour cause d'une situation financière difficile, la microfinance applique des méthodes et des garanties qui leur conviennent. Elle investit de ce fait dans les potentialités de chacune et permet ainsi de découvrir que les femmes sont aussi dotées de l'esprit d'entreprise et d‟initiative pouvant leur permettre de créer des activités génératrices de revenus, notamment dans le sous-secteur du commerce (Niyongabo, 2007 ; Attanasso, 2009, Novack, 2010).

Parmi les activités informelles, le commerce demeure en Guinée la principale activité structurant l‟espace en l‟absence d‟autres facteurs polarisants comme l‟industrie. Il implique directement ou indirectement toutes les composantes sociales et pénètre jusqu‟au niveau des zones les plus enclavées et reculées. La domination des femmes dans le commerce remonte à partir du 27 août 1977, date à laquelle, elles se sont affranchies des restrictions relatives au commerce privé sur toute l‟étendue du territoire guinéen (Diallo, 2009).

En effet, en mars 1975, l‟Etat guinéen, sous la présidence de Sékou Touré prohibe le commerce privé. Cette interdiction est instaurée suite à la publication d'un décret prévoyant la livraison de tous les produits agricoles par des coopératives d'État. En réaction au marasme économique dans lequel végètent les populations guinéennes, les femmes forment des comités pour mobiliser la population contre la cherté des produits alimentaires et l'instabilité économique.

La révolte débute le 27 août au marché de Conakry et s‟est étendue aux autres provinces du pays. Des émeutes éclatent et les gouverneurs de quelques provinces sont tués. Plus de mille femmes et enfants sont arrêtés dont un grand nombre périt dans la prison du camp Boiro. Confronté à cette révolte des femmes, le Président légalise le petit commerce à l'automne 1977. La révolte des femmes marque à cet égard la naissance de la liberté du peuple de Guinée (Sylla, 1985). Cette date reste toujours historique. C‟est pourquoi elle est

169 mémorisée dans la tête de toutes les femmes et est commémorée chaque année en mémoire des braves femmes qui ont perdu leur vie (McGovern et Pommerolle, 2007).

En Haute Guinée, qu‟elles soient résidentes en milieu rural ou urbain, le désir d‟obtenir un fonds de roulement important anime toutes les femmes interrogées. Le commerce des produits agricoles locaux (le riz, fonio, manioc, niébé, arachide, igname, piment, oignon, mil..), des produits de cueillette (grains de néré, karité, miel…), des produits manufacturés (vêtements, chaussures, friperie, sacs, bazin, cosmétiques, savons, ciments, ustensiles de ménages, bols en plastiques, matelas, boucles d‟oreilles, matériels de coiffure, matériels de coutures, soude caustique, concentré de tomate, cube Maggi…), des produits artisanaux (huile rouge, pagne indigo, pâte d‟arachide, bois de feu, charbon de bois, savons, confiture de mangue, soumbara…) occupent une place de choix parmi les activités génératrices de revenus. Dans une moindre mesure, on peut citer également les produits halieutiques (les poissons), les poulets importés et la friperie.

En termes de genre, les femmes sont beaucoup présentes dans les secteurs de l‟habillement, la joaillerie, les produits cosmétiques ainsi que le commerce des produits agricoles et artisanaux. Elles disputent âprement la friperie, la mercerie, la vente des produits manufacturiers aux hommes qui, en général, sont davantage spécialisés dans la vente des produits à forte valeur marchande comme les matériels de construction (fer, ciment, tôle), la cigarette, les pièces de rechange de voiture et de motos, les voitures d‟occasion et les motos, le carburant, les produits pharmaceutiques….

Tableau 23: Activités commerciales selon le genre

Femmes Homme Mixte

- Produits agricoles (céréales, produits maraîchage, huile de palme…)

- Bijoux

- Produits artisanaux (néré, karité, savons)

- Pagne, tissus et habits importés

- Produits cosmétiques

- Pièces détachées - Cigarettes

- Motos et vélos neufs - Matériels de construction - Carburants - Tissus importés - Produits pharmaceutiques - Produits manufacturés - Bureau de change - Matériels électroniques - Agrégats de construction - Friperie - Restauration - Matériels de couture

Source : Enquête de terrain, 2016

Bien que les femmes soient les plus nombreuses dans le commerce, pour autant, ce sont les hommes qui, majoritairement sont propriétaires des grands magasins de commerce, même

170 si certains sont gérés par des femmes. Contrairement aux hommes, ce sont les femmes qui assurent en général le ravitaillement des consommateurs des principaux centres urbains et semi-urbains. Elles sillonnent les marchés, grands et petits où, tantôt elles récupèrent et tantôt réapprovisionnent les magasins et boutiques en produits de consommation courante. En outre, ce sont les femmes qui dominent le commerce des denrées alimentaires (légumes, fruits et céréales) qu‟elles vendent en gros aux grands commerçants et en détail directement aux consommateurs.

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