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Les tontines en Guinée, une pratique féminine ponctuée par des hommes

Catégorie 1 Caisses Populaires et de Crédit « Yètè Mali » de Guinée (CPEC-G)

4.2. Des femmes et de leurs relations avec les IMF

4.3.4. Les tontines comme pratiques « d’épargne-crédit »

4.3.4.3. Les tontines en Guinée, une pratique féminine ponctuée par des hommes

En Guinée, la lutte pour la survie est à la base de la mise en place de plusieurs modes d‟organisation dont celles d‟épargne dans le cadre de l‟économie solidaire, communément appelées « tontines traditionnelles ». En effet, la tontine traditionnelle existe dans la société guinéenne depuis des décennies. Toutefois, faute de documents écrits, il n‟est pas aisé de la situer dans le temps. Elle a pour principale fonction d‟épargner les biens des membres du groupe, de les prémunir des dépenses somptuaires souvent inopportunes.Elle aide aussi chacun à avoir une certaine somme d‟argent pouvant lui permettre de constituer un capital dans un délai relativement court (Doumbouya, 2008).

Sur le plan organisationnel, les membres de la « tontine traditionnelle » sont couramment issus d‟une même famille ou sont des personnes ayant des liens sociaux denses. Au-delà des liens familiaux et amicaux, le principe de la constitution du groupe repose aussi sur la solidarité, la confiance mutuelle, la forte sympathie, l‟engagement, la probité morale et la réciprocité des services.

L‟objectif étant généralement d‟instaurer l‟esprit d‟épargne au sein des groupes sociaux, les membres sont obligés de cotiser chaque jour, semaines ou mois (suivant le consensus) une certaine somme d‟argent ou des biens échangeables suivant la convention du groupe.

Dans la majeure partie des cas, la totalité des sommes réunies en un jour est versée à un membre qui assure le rôle de trésorière. Cette femme est, le plus souvent, l‟initiatrice du

37 Des systèmes d‟épargne populaire similaires aux tontines africaines existent dans certains pays d‟Asie et de d‟Amérique Latine. Elles seraient plus anciennes que celles observées en Afrique. C‟est les cas des tontines coréennes (Kye) et japonaises (Kou) qui, du point de vue chronologique, existeraient déjà respectivement dès leIXèmeet XIIèmesiècle. Il existe aussi les chitfundsaux Indes, les huiguan en chine, les tandas au Mexique, les cheetuau Sri Lanka, les pasanakuen Bolivie, les kutu en Malaisie, les huiau Vietnam, les dhikutiau Népal, des sandes en Papouasie-Nouvelle Guinée et les arisanen Indonésie. Toujours le terme français tontineest utilisé pour désigner les pratiques dans ces pays (Sow et Tété, 2007 ; Hatcheu et Nzomo, 2007).

157 mouvement ou est jugée la plus correcte par les adhérentes. Elle se charge de la gestion du bien commun et remet à tour de rôle l‟argent à la femme désignée.

L‟une des caractéristiques de la « tontine traditionnelle », c‟est que les membres se connaissant mutuellement et qu‟ils soient susceptibles de s‟acquitter de leurs cotisations à temps. C‟est la condition sine qua none pour ne pas entraver le bon fonctionnement de l‟association. Il arrive parfois que des « tontines de femmes » soient mixtes, parce qu‟élargies à des hommes.

De nos jours, le nombre croissant et la dynamique des « tontines » montrent que les femmes s‟adaptent bien aux vicissitudes économiques et sociales en mettant en œuvre des stratégies de contournement liées aux exigences des banques et des appuis économiques de leur époux

« Les tontines sont devenues une solution de remplacement parce que nombreuses sont les femmes, aujourd’hui, qui ne se tracassent plus devant les banques du pays pour épargner ou pour demander des prêts, sachant à l’avance que ces banques leur sont inaccessibles dans la majeure partie des cas. (…). La dépendance des femmes de Guinée serait encore plus grande si elles n’avaient pas recours à quelques solutions de substitution telles que les tontines (…). L’environnement économique que les femmes sont en train de créer en Guinée est un indicateur significatif de leur effort pour accéder à l’autonomisation » (Doumbouya, 2008 : 164-165).

Les « tontines traditionnelles » visent une double finalité : économique et sociale. La finalité économique est perceptible à travers la force de mobilisation de moyens économiques et en temps opportun pour appuyer un membre. Economiquement, l‟adhérente aurait mis plus de temps et de manœuvre pour mobiliser une telle quantité d‟argent que le groupe lui octroie. Il y a là, une capacité à faire face aux grands problèmes dont la résolution individuelle aurait subi un retard. Les cérémonies de baptême, de mariage, de funérailles ou d‟autres problèmes sociaux constituent des occasions opportunes pour obtenir les secours et les contributions des membres de la « tontine ». En ce qui concerne la finalité sociale, elle n‟est pas à dissocier de celle économique. Le fait d‟être souscripteur et d‟appartenir à ce groupe social est déjà un indicateur de raffermissement du capital social. S‟intégrer dans un faisceau de relations humaines permet d‟atténuer les pesanteurs sociales qui marquent les étapes de la vie de l‟homme (Kourouma (2014).

Parallèlement à la forme traditionnelle tontinière, apparait dans les années 1990 une nouvelle forme de tontine dite « moderne ». Cette dernière a aussi suscité un grand

158 engouement chez les femmes. Elle leur a permis d‟éviter les transactions bancaires souvent trop compliquées et inadaptées à leurs besoins (banques qui ne sont pas de proximité, difficulté d‟accès aux personnes à faibles revenus). Faut-il signaler qu‟à sa création, elle regroupait à la fois les hommes et les femmes, mais les hommes se sont peu intéressés à l‟action et finalement elle est devenue une « affaire des femmes » (Doumbouya, 2008).

Le principe de fonctionnement de la « tontine moderne » est quasi similaire à celui des banquiers ambulants précédemment évoqués plus haut. Rappelons que dans la « tontine traditionnelle », le montant des cotisations est identique pour tous les membres. Et chacun perçoit, à tour de rôle, la somme totale des cotisations.

À contrario dans les « tontines modernes », chaque souscripteur perçoit l‟argent qu‟il a pu cotiser lui-même, durant un certain temps bien déterminé par l‟intermédiaire de l‟organisateur (trice), à condition de lui verser l‟équivalent d‟une journée de cotisation quel que soit le montant journalier. Précisons que le montant de la cotisation à verser par jour, dépend des moyens et de la volonté de chaque membre.

Les populations locales, notamment les femmes n‟ont pas attendu les IMF pour mettre en œuvre des mécanismes d‟économie solidaire. L‟existence des « tontines » démontre des faits d‟organisation dans les sociétés traditionnelles guinéennes qui ont résisté à l‟usure du temps malgré les nombreux bouleversements que connait la vie communautaire d‟aujourd‟hui.

Les « tontines » se manifestent sous plusieurs formes selon leur mode d‟organisation et de fonctionnement. Nous examinerons ainsi, celles que l‟on rencontre en Haute Guinée, notre cadre d‟étude.

4.3.4.4. Les tontines en Haute Guinée : une typologie hétérogène axée sur des relations

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