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La collecte des données et le déroulement des entretiens

Catégorie 1 Caisses Populaires et de Crédit « Yètè Mali » de Guinée (CPEC-G)

1.4. Méthode de collecte des données

1.4.5. La collecte des données et le déroulement des entretiens

La collecte des données s‟est déroulée en deux phases, pour une durée de huit mois. La première phase est exploratrice. Pendant un mois (Juin 2015), elle a permis de réaliser 31 entretiens. C'est au cours de cette étape que la méthode de collecte de données a été ajustée (Trudel et al, 2007) et mieux adaptée à la réalité étudiée. En testant les guides, il a été possible de s'assurer de leur opérationnalité. Les corrections suggestives résultant de ces entretiens ont été par la suite intégrées pour avoir des outils valides.

Au cours de cette période exploratoire, il a été possible d'établir des contacts avec les responsables des IMF et de mettre en place un réseau relationnel fluctueux pour la poursuite

61 des prochaines étapes de l‟enquête. Elle a permis également de faciliter le contact direct avec les enquêté(e)s, essentiellement les femmes bénéficiaires de microcrédit.

La seconde phase de la collecte des données a consisté à approfondir les résultats de l'enquête préparatoire. Elle a durée sept mois discontinus (mars à juillet 2016 et juillet à août 2017) et a permis de réaliser 111 entretiens.

Par principe, il nous a semblé utile de rencontrer, en amont de tous les entretiens, les différents responsables des IMF et chaque enquêté. L'objet de cette rencontre consistait à expliquer les objectifs de l‟étude, les raisons du choix des cibles, puis définir ensemble les conditions du déroulement des entrevues et programmer celles-ci.

Les entretiens proprement dits ont eu lieu le plus souvent dans les lieux de travail des femmes bénéficiaires (ateliers de couture, place de marché, jardins) et, quelques fois, au domicile des enquêté(e)s. Les agents de microfinance ont été interviewés au siège de leur agence. Enfin, les démissionnaires et les non adhérents ont été interrogés dans leurs domiciles.

Les entretiens ont eu lieu presque tous les jours entre 10 heures et 17 heures. Les informations recueillies étaient enregistrées sur carte mémoire par le biais d‟un téléphone. De même, nous avons utilisé un journal de bord dans lequel certaines idées resultant des entretiens ont été notées.

La durée des entretiens variait entre 30 et 60 minutes. Pour l'essentiel, les séances d‟animation se sont déroulées en langue locale Manika (Manikakan) même si certaines l'ont été en français, lorsqu‟il s‟agit du personnel des IMF et des personnes ayant des niveaux d‟étude élevés.

Pendant les entretiens, en étant l'animateur des réunions, nous étions chargés de créer une dynamique de communication qui mette les participants en confiance. Nous avons dirigé les discussions suivant la grille d‟entrevue et en maintenant les débats à l‟intérieur des thèmes. Nous avons aussi résumé brièvement les discours pour un meilleur partage des messages. Dans la pratique, nous laissions la liberté aux individus en vue de leur permettre d'exposer leurs expériences, leurs perceptions et leurs compréhensions des interventions des IMF.

62 1.4.6. L’observation directe

En complément des entretiens individuels et de groupes, l‟observation directe a été utilisée pour confronter les discours des femmes bénéficiaires des IMF enquêtées avec leurs pratiques entrepreneuriales. L‟observation directe consiste, pour un chercheur, à observer directement son objet d‟étude ou le milieu dans lequel le phénomène se produit afin d‟en extraire les renseignements pertinents à sa recherche.

Cela nous a permis d‟apprécier quelques changements (positifs et négatifs) apportés par les IMF. Cette technique nous a permis de suivre les femmes dans leur vie quotidienne afin de comprendre les pratiques sociales dans lesquelles elles s‟insèrent en conciliant activités domestiques et celles génératrices de revenus.

À Siguiri, nous avions visité les périmètres maraichers des groupements de Doko et de Koumandjanbougou pour comprendre les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Ensuite, nous avons passé de longs moments avec les groupements de production du beurre de karité de Konomakoura et de Banko pour comprendre le processus de production et de commercialisation du beurre de karité. Nous avons également observé les commerçantes au marché hebdomadaire de Djélibakoro, qui sert de lieu de collecte des produits vivriers, qui vont par la suite approvisionner les marchés de Kankan et Siguiri. Une partie des produits vivriers est également exportée vers le Mali. En outre, deux mines (Boukariya et Doko) ont été visitées pour comprendre les conditions de travail des femmes.

À Kankan, nous avons suivi le quotidien de quelques femmes commerçantes pour comprendre leur niveau d‟implication dans les activités génératrices de revenus (commerce, couture, saponification, transformation de produits agroalimentaires...). Nous avons aussi assisté à une réunion hebdomadaire de deux bénéficiaires appartenant à une même association féminine « Sèrè Avantage » dans le quartier de l‟aéroport pour comprendre l‟interaction entre la microfinance et ce groupe de solidarité féminine.

À Mandiana, nous avons pu appréhender l‟ampleur de la pression sociale exercée par les agents de crédit sur les femmes ayant accusé des retards de remboursement. Deux mines (Kantoumanina et Maréna) ont été visitées dans la préfecture de Mandiana pour analyser la situation des femmes.

63 1.4.7. Technique d’analyse des données

Après les opérations de collecte des données sur le terrain, les entrevues enregistrées ont été transcrites. Plusieurs semaines ont été consacrées à la réalisation de cette activité. Ensuite, les informations collectées ont été soumises à la triangulation qui a consisté à les croiser (recouper) pour ne pas être prisonniers d‟une seule source d‟information afin de chercher non seulement des discours contrastés et hétérogènes basés sur la quête de différences significatives (De Sardan, 2013) mais aussi de pallier aux risques d‟un cadrage trop restreint limitant la compréhension globale de l‟objet d‟étude (Guérin et al., 2011).

En pratique, cet exercice a permis de regrouper les idées des répondants par catégories thématiques afin de dégager les points de convergence et de divergence des différentes questions posées suivant leur agencement dans les guides d‟entretien.

Enfin, la méthode d‟analyse de contenu a été adoptée pour mettre en évidence les perceptions et les pratiques des acteurs à partir de l‟examen de certains éléments constitutifs des discours des répondants. Cette manière de faire nous a permis de présenter les résultats auxquels nous sommes parvenus.

Conclusion partielle

Dans ce chapitre, nous avons présenté successivement le contexte socio-économique de la Guinée avec un accent particulier sur l‟évolution du secteur de la microfinance. Puis nous avons présenté l‟aire de l‟étude située en Haute Guinée. Il ressort de l‟analyse de la littérature étudiée que les IMF constituent des outils permettant aux populations pauvres et plus spécifiquement les femmes à accéder au microcrédit. Pour ainsi évaluer les effets des services micro-financiers sur les femmes, cette recherche a privilégié une méthodologie qualitative avec l‟usage de la recherche documentaire, l‟entretien semi-dirigé, du focus group et l‟observation directe.

Trois principales difficultés ont ponctués notre recherche. La première concerne la rareté des statistiques actualisées et non désagrégées par genre/sexe et par secteur d‟activité au niveau des IMF et de la direction nationale de la supervision des IMF. Le plus souvent, les responsables des structures de microfinance se contentaient de mettre à notre disposition des indicateurs globaux dont l‟exploitation ne nous a pas permis de saisir exactement tous les contours quantitatifs de notre sujet d‟étude (comme le taux d‟impayé, les retards de

64 remboursement, le montant des transferts d‟argent, l‟épargne, le surendettement des clients…). En général, ces indicateurs sont absents des données statistiques analysées.

La deuxième difficulté est liée au refus systématique de certains hommes à l‟interview de leurs épouses sans leur présence. Au moins deux fois, nous avons été éconduits lorsque des hommes nous ont trouvé en pleine réalisation d‟interviews avec leurs conjointes sans qu‟ils ne soient préalablement informés. Cette injonction des hommes à notre endroit illustre à bien des égards le degré de la domination masculine dans les communautés de la Haute Guinée. « L’homme doit être au courant des faits et gestes de son/ses épouse(s) », nous a rappelé l‟un d‟entre eux. Dès lors, nous étions obligés de nous s‟adresser en premier lieu à l‟époux lorsqu‟il est présent dans la concession afin qu‟il nous autorise à interviewer son épouse. Mais la présence des hommes pendant les entretiens influençait négativement la bonne tenue des entretiens. Certains interféraient sans cesse dans la discussion, ce qui ne favorisait pas la liberté d‟expression des femmes. Pour y remédier, en commun accord avec les femmes bénéficiaires et avec l‟appui des agents de crédit, certaines entrevues ont été délocalisées dans des lieux (boutique, ateliers) jugés plus discrets et propices.

Et enfin, la dernière concerne la difficulté pour rencontrer les femmes surendettées. Tous au long des enquêtes, sur une vingtaine identifiée avec l‟appui des agents de crédit, seulement une dizaine a accepté d‟être entretenue. Les autres n‟ont pas pu être interviewées en raison soit de changement de résidence ou de numéro de téléphone ou encore refusaient systématiquement de nous rencontrer de peur d‟être interpellées par les agents des IMF.

En dépit de ces difficultés, nous estimons que les résultats auxquels nous sommes parvenus sont pertinents pour appréhender les interactions entre la microfinance et le genre en Guinée et peuvent servir aussi de pistes de recherche pour la postérité.

65 CHAPITRE 2 : MICROFINANCE ET PAUVRETE

Introduction

La microfinance est devenue depuis plus de trois décennies l‟un des outils privilégiés en matière de financement du développement et plus particulièrement en matière de lutte contre la pauvreté dans les pays en voie de développement. C‟est pourquoi en Afrique subsaharienne, la microfinance occupe une place de choix dans les politiques publiques. Considérée comme un instrument stratégique de réduction de la pauvreté, la microfinance est vue comme une alternative qui pourrait permettre l‟amélioration des conditions d‟existence des femmes : « Ceci pourrait se traduire par une réduction de leur vulnérabilité, un

renforcement de leur capacité à entreprendre, et une amélioration de leur participation économique et sociale à la vie de la communauté » (Koloma, 2007 : 2). Cependant, plusieurs

questions émergent quant à son efficacité effective à lutter contre la pauvreté.

Ce chapitre tente donc de comprendre ce lien. Pour ce faire, nous définirons la notion de microfinance en mettant l‟accent sur ses principaux produits financiers dans un premier temps. Ceci nous amènera aussi à aborder les principales visions dominantes de la microfinance. Ensuite, il sera question dans un second temps de présenter un état de l‟art sur l‟évaluation de l‟impact de la microfinance sur la pauvreté. À ce niveau, nous évoquerons la diversité des méthodes d‟évaluations des impacts dans le secteur de la microfinance. Aussi, nous aborderons la problématique de la pauvreté en mettant en exergue son caractère polysémique et multidimensionnel. Enfin, nous présenterons les conclusions controversées de plusieurs études qui s‟intéressent à la mise en relation de la microfinance avec la pauvreté des femmes.

2.1. Considération générale autour de la notion de microfinance

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