• Aucun résultat trouvé

Le secteur socioculturel et religieu

Catégorie 1 Caisses Populaires et de Crédit « Yètè Mali » de Guinée (CPEC-G)

3.3. Le genre dans le contexte guinéen

3.2.3. Le secteur socioculturel et religieu

La société guinéenne se caractérise par une diversité culturelle, matérialisée par la coexistence de plusieurs groupes ethniques qui, au fur et à mesure, ont forgé des pratiques socioculturelles et ont établi des systèmes de rapports de genre variés. Pour l‟essentiel, si l‟on se réfère aux valeurs religieuses qui prédominent, il existe une nette domination de l'homme auquel la femme doit entière obéissance et soumission. L‟homme incarne toute l‟autorité au sein du ménage. Par conséquent, il fixe les règles et les codes de conduite ; il assure le contrôle et la gestion des biens familiaux ; il prend l‟essentiel des décisions capitales et fournit les moyens de subsistance aux membres du ménage. La femme réalise les travaux ménagers et prend soin des enfants et autres membres de la famille (Koundouno, 2007).

109 Aussi, dans beaucoup de communautés, la préférence du mariage religieux à celui civil n'offre aucune garantie juridique à la femme qui, lors de la dissolution du mariage, passera par la répudiation et non par le divorce. Alors que le droit positif interdit la polygamie, elle est admise par la religion musulmane et la coutume. Les mariages polygamiques sont les plus courants en matière d‟union, quel que soit le milieu (urbain ou rural) ou le groupe ethnolinguistique. Ils sont favorisés par le désir pour les hommes d‟avoir beaucoup d‟enfants. Ils sont renforcés par l‟existence et la perpétuation des mariages forcés et précoces. Le mariage forcé constitue une pression familiale (surtout celle du père) obligeant la fille à contracter un mariage contre son gré. De ce fait, la jeune fille est forcée à consentir et est obligée de s‟y résigner. Cette considération fait passer la femme de l‟obéissance du père à la soumission du mari (Ibid).

Pour ces raisons, la Guinée figure parmi les pays où les taux de mariages précoces sont les plus élevés en Afrique sub-saharienne. En moyenne 3/5 des filles sont mariées avant leur 17ème année. La Haute Guinée est la région où on rencontre le plus de cas de mariage de cette forme avec un taux de prévalence de 76%, suivie de la Moyenne-Guinée et de la Guinée Forestière (75%), la Basse Guinée (61%) et la zone spéciale de Conakry (39%). Quant au mariage précoce, il est la contraction d‟un mariage par une fille physiologiquement jeune mais n‟ayant pas la majorité juridique26. Le mariage précoce est le plus souvent considéré comme la solution aux problèmes de fornication prématurée ou au risque de grossesse hors mariage. Pourtant, ce type de mariage comporte beaucoup de préjudices physiques, sociaux, et même moraux, tels que les fistules obstétricales27 (MASPFE, 2013).

Toujours sur le plan matrimonial, Kondouno (2007) note la pratique et la perpétuation du lévirat et le sororat. Le lévirat est le mariage de la veuve au frère de son mari défunt, même contre son gré dans certains cas. Cette pratique vise à la fois à assurer la continuité des liens

26 Les dispositions du code civil en ses articles 281 et 280 imposent le consentement des époux comme condition de validité du mariage et fixent l‟âge légal du mariage des jeunes filles à 17 ans et celui de l‟homme à 18 ans.

27

La fistule est une lésion du tissu pelvien résultant d‟un accouchement prolongé et entravé. La fistule survient lorsque l‟orifice entre le vagin et la vessie et/ ou le rectum provoque une incontinence urinaire et/ou fécale totale. Les femmes atteintes d'une fistule, sentent fréquemment l'odeur d'urine ou d'excrément et constitue une source d'humiliation. Les conséquences sont à la fois médicales (stérilité, rétrécissement vaginal, infections multiples, ulcérations génitales, problèmes dermatologiques dus aux écoulements d'urines et/ou de matières fécales, paralysie des membres inférieurs résultant des dommages causés aux nerfs par les efforts produits durant des accouchements longs) et psychosociales (marginalisation des femmes dans leur famille et communauté) (Ullimann, 2009).

110 du mariage et à assurer une certaine protection des enfants ainsi que les biens du défunt. Cette pratique est considérée comme une forme de violation du droit de la femme à choisir librement son conjoint. Le refus de la femme d'obéir à cette pratique coutumière la priverait le plus souvent de la garde de ses enfants et du droit de demeurer dans le domicile conjugal.

En ce qui concerne le sororat, il est le mariage d‟un veuf avec la sœur cadette de l‟épouse défunte dans le but de perpétuer les relations d‟alliance entre les familles de l‟homme et la femme. L‟un des arguments qui soutiennent cette pratique reste sans doute le souci pour la famille de la défunte d‟offrir un encadrement certain aux orphelins par la présence d‟une personne proche à leur défunte fille (généralement sa sœur qui représente la tante « Petite Maman » aux orphelins). Vue sous cet angle, la décision vient le plus souvent de la famille de la défunte. Elle pourrait dans certains cas venir de l‟homme qui voudrait toujours garder la mémoire de sa défunte épouse en se fidélisant à sa belle-famille. Cette pratique coutumière du mariage, en plus du fait d‟avoir favorisé des mariages précoces de mineures, a également cautionné des mariages forcés.

Toujours influencée par les coutumes et les valeurs sociales traditionnelles, les violences faites aux femmes sont courantes et rependues au sein des communautés guinéennes. Bien qu‟il n‟existe pas de données statistiques détaillées sur toutes les formes de violence faites aux femmes/filles, l‟Enquête nationale sur les violences basées sur le genre du MASPFE (2013) révèle qu‟en moyenne 92% des femmes âgées de 15 à 49 ans sont victimes de violences avec des variations régionales : 88 % en Guinée Forestière ; 64 en Basse Guinée ; 57 % à Conakry ; 54 % en Moyenne Guinée ; et 51 % en Haute Guinée. La plupart de ces violences sont perpétrées dans 54% des cas par le conjoint ou l‟ex-conjoint et revêtent différentes formes :

- Physique : bousculades, gifles, coups et blessures, étranglements, brûlures, viols, attentats à la pudeur, pratiques sexuelles non voulues, etc. ;

- Psychologique : insultes, menaces, harcèlements, jalousie, possessivité, isolement, etc. ;

- Économique : contrôle du budget et des revenus, exclusion du droit à l‟héritage, etc. ; - Institutionnelle : lévirat, sororat, mariages forcés, mariages précoces, veuvages,

séquestrations religieuses, troc de femmes, etc.

Une autre forme d‟atteinte à l‟intégrité physique et morale des filles se traduit par des violences découlant des mutilations génitales féminines (MGF). En effet, l‟excision est

111 pratiquée sur les filles de 0 à 15 ans et plus, et est perçue comme un passage obligatoire pour l‟atteinte de la maturité des jeunes filles/femmes au niveau de plusieurs groupes ethniques du pays. Environ 96% des femmes/filles sont concernées, avec une opération effectuée par des exciseuses dans 86% des cas et par le personnel de santé dans 15% des cas. Les formes varient de la blessure à l‟ablation du clitoris. Cette dernière forme est plus fréquente en milieu rural où elle serait pratiquée sur (96,4%) des femmes/filles (MASPFE, 2013).

Jadis considérée comme un rite de passage dans les sociétés traditionnelles guinéennes, l‟excision participait à l‟éducation sexuelle de la jeune fille et sa préparation à la vie familiale. De nos jours, ce caractère éducatif s‟est effrité et les MGF concernent les tranches d‟âge suivantes : petite enfance (34 %) ; enfants de 5 à 9 ans (32 %) ; enfants de 10 à 14 ans (27 %) ; jeunes filles/femmes de 15 ans et plus (3 %) (ONU, 2013).

De nos jours, l‟excision est un réel problème de santé publique du fait de ses conséquences néfastes sur la santé des femmes et des filles, pendant et après l‟opération. Il s‟agit de la douleur ressentie par la victime pendant l‟excision, car l‟opération est pratiquée sans anesthésie et occasionne parfois des hémorragies et un choc psychologique, des cas d‟anémies provoqués par la perte de sang, des infections chroniques pouvant entraîner le tétanos (en raison de la non-stérilisation du matériel utilisé et de l‟absence de soins adéquats), des cas de règles douloureuses, de douleurs lombaires, les risques d‟infertilité, et la transmission du VIH (AFARD, 2013).

Face à l‟ampleur et la gravité de ce phénomène, les pouvoirs publics et organisations de la société civile ont consenti beaucoup d‟efforts pour son éradication. Au nombre de ces efforts, on peut noter des recherches, des campagnes de sensibilisation, des séminaires, des conférences sur les MGF, des campagnes médiatiques et radiotélévisées, la votation des lois contre l‟interdiction de l‟excision28, l‟élaboration des projets de reconversion économique et formation des femmes qui ont déposé les couteaux de l‟excision.

28Le Gouvernement a pris, avec l‟appui de ses partenaires, notamment l‟UNFPA et l‟UNICEF, d‟importantes

mesures réglementaires et programmatiques. Sur le plan réglementaire, 5 textes d‟application sur les MGF/E ont été adoptés. Il s‟agit des arrêtés conjoints :

- N° 2464/MSNPF/MSHP/MS/MJ/MATAP portant interdiction de la pratique des mutilations génitales féminines/excision dans les structures sanitaires publiques et privées en République de Guinée, de novembre 2010 ;

- N° 2465/MEPU6EC/MET6FP/MESRC/CAB/2010 portant introduction et enseignement de modules sur les mutilations génitales féminines/excisions (MGF/E) dans les écoles primaires, collèges, lycées-écoles techniques professionnelles et instituts d‟enseignement public en Guinée ;

112 En dépit de ces efforts, la pratique de l‟excision perdure et prend de plus en plus la forme médicalisée. Si avant l‟excision était l‟œuvre des femmes exciseuses et se réalisait à l‟aide des couteaux sans anesthésie, de nos jours, elle est pratiquée dans les centres de santé avec l‟assistance des sages-femmes. Désormais, et de plus en plus de parents conduisent leurs filles dans les structures sanitaires afin de les soumettre à cette épreuve.

Le choix médical de l‟excision peut être expliqué par deux raisons fondamentales : la minimisation des risques sanitaires sur la fille excisée (l‟excision dans ce contexte ne consiste plus à l‟ablation totale des organes génitaux des filles, mais, plutôt à couper une infime partie du clitoris avec beaucoup de précautions avec l‟usage d‟antibiotiques et des instruments totalement désinfectés) et le poids des facteurs socioculturels en vigueur dans la société guinéenne (Bayo, 2011)29.

Outline

Documents relatifs