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14. Raphael, jeune garçon de

3.2 Analyse de contenu thématique

3.2.1.1 La drépanocytose : représentations

3.2.1.1.2 Une maladie génétique

Les frères et sœurs d’enfants atteint de la drépanocytose ont une représentation biomédicale de cette maladie et ce, malgré l’évocation, par des personnes de leur entourage, des représentations évoquées précédemment concernant cette maladie. En effet, ils se représentent la drépanocytose comme une maladie génétique du sang.

Pour Fidèle,17 ans, la maladie de sa sœur n’est pas due à la sorcellerie. Elle la considère comme

« une maladie vraie », une maladie génétique transmise aux enfants par leurs parents. « Bon, sur le plan traditionnel vraiment, on ne considère pas encore le fait que ce soit une maladie, bon, qu’elle existe réellement. Pour les gens c’est un peu comme si c’était la sorcellerie. Les gens ne savent pas que c’est une maladie. Moi, je sais que la drépanocytose n’est pas la sorcellerie. C’est une maladie vraie. C’est une maladie génétique qui

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attrape les enfants5. Ce qui fait que les gens pensent que c’est la sorcellerie, c’est parce qu’on ne guérit pas de la drépanocytose. C’est pour ça qu’ils disent que c’est la sorcellerie ».

Ce serait, selon elle, le caractère incurable de la drépanocytose qui amène les personnes à se la représenter comme une maladie sorcière dont sont victimes les enfants.

Comme Fidèle, Doriane (16 ans) a pris de la distance par rapport aux représentations traditionnelles et considère cette maladie comme une maladie génétique, donc transmise à Marc par ses parents. Elle s’est fait cette représentation « biomédicale » de la maladie de son frère à partir de ce qu’elle en a entendu des médecins. C’est ainsi qu’elle précise que

« Les gens croient partout que la maladie de la drépanocytose c’est la sorcellerie. Ils pensent qu’on lance6 cette maladie aux enfants pour

déranger la famille. Même maman pense comme ça. Alors que ce n’est pas ça. C’est une maladie génétique. C’est ce que les médecins disent. C’est une maladie qui est donnée à l’enfant par un parent ou même par les 2 parents. Si un parent est malade, il peut transmettre sa maladie à l’enfant. Marc est tout simplement malchanceux. C’est lui qui a pris la maladie ».

Ce verbatim démontre toute la complexité de la représentation que les proches de Doriane ont de la drépanocytose. Pour eux, la drépanocytose, bien que constituant une attaque sorcière contre la famille, est transmise, « donnée » à l’enfant par 1 ou les 2 parents. Ils hésitent entre le fait que la transmission soit le fait d’1 ou de 2 parents et pas sur le fait que ce ne soit pas de la sorcellerie.

En parlant de ce que les autres pensent de la maladie de son frère, Doriane dit ainsi douter de la responsabilité des parents dans la survenue de la maladie. Elle cherche peut-être à protéger l’un de ses parents. Elle souligne ainsi que « Marc est … malchanceux », que cette transmission n’est pas volontaire et qu’elle ne visait pas spécifiquement Marc. Dès lors, les parents sont responsables de la transmission mais pas coupables. Marc « a pris » la maladie, dit-elle. Elle signe là le doute sur le fait que cette transmission soit de « la malchance » ou le fait d’un acte

5 Fidèle est restée fidèle à la tradition dans la représentation de la maladie de sa sœur. Sur le plan culturel, la

maladie est pensée comme une entité qui s’attaque au malade, qui l’attrape et le possède. Ce n’est donc pas le malade qui contracte la maladie, c’est la maladie qui le persécute.

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non volontaire de ses 2 parents ou de l’un des 2, il « a pris ». La maladie n’est donc pas, selon elle, le fait du hasard.

Elle souligne en fait la responsabilité des 2 parents dans la transmission génétique de la drépanocytose aux enfants et fait du malade le malchanceux car « C’est lui qui a pris la

maladie » de ses parents. La drépanocytose est pensée comme une malchance, à comprendre,

au sens de Rosny (1981) comme une détérioration du corps. Dès lors, pour Doriane, la drépanocytose est à la fois pensée comme lancée au malade et à sa famille (par les sorciers) et transmise (donnée) au malade par l’un de ses 2 parents.

Dorine s’abstient néanmoins de donner l’identité du parent ayant transmis la maladie à l’enfant. Signe-t-elle son ignorance concernant l’état de santé de ses 2 parents et protège-t-elle le parent responsable? Il est aussi possible qu’elle évite de révéler l’identité du parent responsable de la transmission de la maladie pour se protéger de son exclusion de la famille, si elle devenait l’accusatrice de ses parents.

Aurèle (16 ans) se représente la maladie d’Yvan, son frère cadet âgé de 9 ans, comme une

maladie génétique et incurable qui s’attaque au sang de ce dernier. A propos de la maladie de Marc, elle précise que

« C’est génétique. Ça veut dire qu’il est né avec. Et on ne peut pas soigner. C’est une maladie qu’on ne soigne pas, parce que ça ne finit pas. On lui donne le médicament juste pour calmer la maladie. C’est dans le sang. Quand une maladie est dans le sang, on ne soigne pas. Sa maladie ne peut pas finir. Il restera avec cette maladie. Puisqu’on ne peut pas changer tout son sang. Même le sang qu’on lui met souvent à l’hôpital devient malade quand ça rencontre le sang de son corps. Donc, il reste comme ça avec sa maladie ».

La drépanocytose, pensée comme une maladie du sang, est associée, par Aurèle, à sa nature incurable et acquise avant la naissance, c’est une maladie héréditaire. Elle la pense ainsi en se référant à la représentation culturelle du sang, pensée comme le liquide vital de l’humain. Une maladie qui s’attaque au sang d’une personne est une maladie qui s’attaque à sa substance vitale. L’expression « Quand une maladie est dans le sang, on ne soigne pas. » étaye bien cette représentation de la drépanocytose. Le « on ne soigne pas » est une expression qui, en réalité, veut dire « on ne guérit pas de cette maladie » ; c’est un problème contextuel de langue. Le « on » est important car il englobe l’ensemble des adultes, parents et médecins, ainsi que les frères et sœurs, peut-être.

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