• Aucun résultat trouvé

1.7 La famille au Cameroun

1.7.3 L’esprit de famille

La famille africaine est une réalité très complexe qui transcende les considérations biologiques. Elle se fonde plus sur les règles sociales d’alliance et de filiation que sur liens de sang, sur la biologie et sur la parentalité. La famille se construit autour d’un ensemble de valeurs et des normes. Tsala Tsala (2009) parle de « l’esprit de famille » pour faire allusion à l’origine immatériel de tout comportement et à l’éthique qui constitue une référence à laquelle tout comportement humain doit être lu et/ou évalué.

44

La famille camerounaise est pensée essentiellement comme une référence éthique fondée sur le sentiment d’appartenance du sujet à un groupe. En tant que telle, elle est transspatiale et transculturelle. Un camerounais peut avoir sa famille du village, sa famille de la ville, sa famille de l’université, sa famille du quartier (Tsala Tsala, 2009). De ce fait, un copain, un camarade de classe ou l’enfant d’un ami de la famille est souvent considéré comme un frère. Ce qui rend la fratrie africaine, en général, et camerounaise, en particulier, complexe. Cette complexité se comprend, selon l’auteur, par le fait que chez le camerounais, ceux qui éduquent, protègent ou promeuvent de quelque manière la réalisation personnelle du sujet sont souvent considérés comme des membres de la famille. Toutefois, la famille camerounaise n’a pas résisté aux mutations sociales suscitées par sa rencontre avec le monde occidental (la colonisation, la mondialisation).

1.7.4 La famille face au handicap

La grande famille se mobilise, auprès des parents de l’enfant malade, pour lui apporter un soutien dans sa prise en charge (Itoua, 1987).

Les sociétés traditionnelles africaines se caractérisent par leur esprit d’équipe, de groupe. Dans ces sociétés, le poids de la communauté est si fort que le sujet n’a d’existence que par et pour sa famille (Mpeti, 1974). Le comportement du sujet est en effet influencé par celui des autres membres de sa famille et vice versa. Une faute commise par un membre de la famille à l’égard de la loi ancestrale a des répercussions aussi bien sur toute sa descendance que sur les autres membres de sa famille. La transgression de la loi ancestrale est individuelle et la punition ancestrale collective. La solidarité familiale est dans ce sens si forte que l’on ne peut abandonner l’un des membres de son groupe dans la souffrance, et ce, quelle que soit la génération responsable de la faute (Itoua, 1987). Un enfant peut, par exemple, subir des violences ancestrales suite à une faute commise par son grand-père.

La souffrance d’un enfant est avant tout pensée comme celle de son groupe familial. L’enfant est celui de sa famille, de tous les membres de sa famille. Il n’est pas seulement fils ou fille de sa mère et de son père, il est aussi et surtout fils ou fille de ses oncles et tantes proches et éloignés ; il n’est pas seulement frère ou sœur de ses frères et sœurs consanguins, il est aussi et surtout frère ou sœur de ses cousins et cousines, proches ou éloignés au sein de la grande famille. L’enfant s’enracine donc dans sa famille élargie. C’est l’enfant du lignage, l’enfant de tout le groupe familial (Rabain, 1994). Le nom qu’il porte traduit par ailleurs cet enracinement groupal. Ce nom est généralement celui d’un grand parent, d’une tante ou d’un oncle vivant ou décédé. En effet, Tout ce monde se mobilise autour de l’enfant victime d’un malheur comme

45

la drépanocytose, pour trouver ensemble des moyens efficaces en vue de restaurer son état de santé, la sienne et celle de la famille.

Concrètement, la solidarité familiale se traduit au sein des familles, par la présence, l'assistance et la participation de tous les membres de la famille à la recherche des solutions les plus indiquées lors des événements qui affectent le bien-être et la cohésion du groupe, événements qui réclament une action commune (Mpeti, 1974). Le handicap de l’enfant fait partie de ces événements car l’enfant se définit par rapport à sa famille et la famille par rapport à ses membres. Le handicap de l’enfant est dans ce sens celui de sa famille. C’est ce qui, à notre avis, donne sens à cette solidarité familiale généralement manifestée par les familles en situation du mal être d’un de ses membres en général et de l’enfant en particulier dans la recherche des tradithérapies, par exemple.

En Afrique Subsaharienne, un sujet en santé est celui qui cohabite harmonieusement avec les membres de sa communauté et ce, conformément aux règles préétablies. La maladie renseigne sur une rupture de liens entre le malade et les autres membres de la communauté. La maladie, tout comme le handicap ou toute autre forme d’infortune,

« au plan du statut notionnel, est désordre par opposition à l’ordre culturel, car c’est une violence subie par un Ego qui est conçu comme une totalité ordonnée et constituée par une triple relation polaire » (Sow, 1977, p. 29).

Le sujet entretient, au sens de Sow (1977), une triple relation avec les différentes composantes de son environnement. L’auteur parle des relations polaires du sujet.

- Verticalement : relation phylogénétique, qui le lie aux ancêtres protecteurs

Le sujet est tenu de respecter les normes ancestrales, la loi éditée par les ancêtres et transmises aux cadets par les ainés, aux enfants par les adultes.

- Horizontalement : relation socioculturelle en lien avec les systèmes des alliances avec la communauté élargie

Le sujet est tenu de respecter les normes de fonctionnement communautaire, de mener une vie communautaire à travers une intégration avérée dans sa communauté.

46

Le sujet, dans son individualité, est étroitement lié à son lignage et à la famille restreinte. Le comportement d’un membre de sa famille a des répercussions sur lui et le sien, sur les membres de sa famille.

Le malade est donc le révélateur d’une relation conflictuelle (du sujet ou d’un membre de sa famille) avec une composante relationnelle (ancêtre, membre de la communauté, membre de la famille).

La maladie est, en effet, la manifestation et/ou la résultante d’un conflit entre le malade, sa famille et les êtres humains vivants ou morts, garants de l’ordre ou de la loi (Mbassa Menick, 2018). Cela fait du malade le porteur du message concernant le conflit (dynamique) dont la compréhension, par le tradipraticien, s’élabore via l’articulation du malade avec les différents axes qui le constituent (Sow, 1977).

Pour le tradipraticien de la maladie ou du handicap,

« dans le domaine de la pratique quotidienne, ce qui importe, avant tout, c’est de restituer le lien rompu dans la structure de la personnalité du patient, beaucoup plus que de déceler une « cause » objective » (Sow, 1977,

p. 16).

Cela implique la possession d’un savoir, d’un savoir-faire et d’un savoir-être.