• Aucun résultat trouvé

14. Raphael, jeune garçon de

3.2 Analyse de contenu thématique

3.2.1.3 Drépanocytose et mort

3.2.1.3.3 Une mort désirée

Les frères et sœurs d’enfants atteints de la drépanocytose expriment un désir de mort concernant leur pair malade à plusieurs niveaux.

Pour mettre fin aux dépenses familiale concernant les soins du malade

A cause de l’itération des crises et des multiples hospitalisations de l’enfant malade qu’elle provoque, la drépanocytose constitue une maladie onéreuse pour la famille.

La maladie de Paule donne lieu à des fréquentes hospitalisations, source de nombreuses dépenses familiales. La famille, à chacune de ses crises graves et à chacune des hospitalisations qu’elles occasionnent. Fait de grosses dépenses d’argent. Paule est en fait hospitalisée 2 à 3 fois par mois et ce, pour une durée moyenne de 3 jours. Ses frais d’hospitalisation, environ 40 000 francs CFA par hospitalisation sont payés par le père. Samanta (14 ans), sa sœur aînée, dit qu’

« Maman dit que son traitement coute très cher, qu’on doit seulement éviter qu’elle tombe malade. Parce que quand elle arrive à l’hôpital, c’est seulement l’argent qui sort. Elle peut même dépenser dans les

152

quarante mille francs à l’hôpital. Mais Paule ne fait pas plus de quatre jours à l’hôpital. C’est généralement trois jours qu’elle fait là-bas ».

L’argent dépensé témoigne du désir des parents de sauver la vie de Paule et aussi d’éviter l’exclusion sociale pour abandon des soins de leur enfant. Pour Samanta, il s’agit pour eux de ne pas être stigmatisés par la société et par la famille élargie comme des « mauvais parents », des parents qui ont laissé leur enfant mourir.

De fait, mort de l’enfant, pendant son hospitalisation, ferait moins souffrir ses parents que s’il venait à mourir à la maison, hors d’un centre de soin. Ceci parce que la mort d’un enfant au domicile de ses parents est vécue par la société comme un signe d’abandon parental concernant les soins de cet enfant. Dès lors, les parents, investissent dans les hospitalisations de leur enfant pour prévenir leur stigmatisation par leurs proches, comme des mauvais parents, démissionnaires. C’est ce que souligne Samanta en disant que:

« C’est pour lui sauver la vie qu’on dépense tout ça. C’est pour qu’elle

ne meurt pas ici à la maison. Si elle meurt ici à la maison, les gens vont seulement dire qu’on l’a laissée mourir. Ils dépensent pour ça. Il ne faut pas laisser l’enfant mourir comme ça parce qu’elle va mourir. Ma mère nous dit toujours qu’il faut se battre jusqu’à la fin. Que même si Paule finit par mourir ça ne fait rien ».

Samanta désire la mort la concernant. Elle désire en fait la mort de sa sœur pour mettre fin aux dépenses concernant sa prise en charges, dépenses qu’elle juge inutiles. Elle dit que

« Toutes les dépenses-là vont tomber dans l’eau »,

Cela car elles ne peuvent pas permettre la guérison de sa sœur malade et éviter sa mort.

Pour abréger l’agression par la maladie

Comme il a été dit, Michelle (13 ans) trouve sa sœur têtue et estime que ce mauvais caractère et la trop grande protection de ses parents vis-à-vis de leur enfant rend insupportable la vie en famille. Dans ce contexte, les crises peuvent être vécues comme une « juste punition » pour ce mauvais caractère. Elle dit :

« Quand sa maladie commence, je dis que là, elle va aussi gouter

quand quelqu’un souffre ».

Michelle désire aussi la mort de sa sœur pour mettre un terme aux comportements agressifs que manifeste cette dernière à son encontre. Elle souhaite « qu’elle souffre et que la maladie finit

avec elle ». Ce qui conduit à penser qu’elle souhaite/désire la mort de sa sœur malade pour

153

Michelle se culpabilise d’avoir eu des désirs de mort concernant Maéva, sa sœur malade. Elle dit :

« Pour mon mal, c’est que j’ai mal parce que quand elle commence moi je souhaite souvent qu’elle souffre bien et que la maladie finit avec elle. Et quand la souffrance devient forte, c’est comme si c’est moi qui fait qu’elle souffre. C’est comme c’est moi. Comme elle souffre, j’ai souvent envie de l’aider. Je lui caresse les pieds et le corps. Je lui donne aussi beaucoup d’eau ».

Cette phrase dit bien la tension psychique qui existe chez Michelle qui souhaite que « la maladie

finit avec elle », c’est-à-dire que sa sœur meurt, « je souhaite qu’elle souffre bien ». Mais cette

agressivité aussitôt tempérée par le fait que par identification à sa sœur, elle souffre aussi et elle sait qu’il faut l’aider par loyauté familiale et fraternelle cette souffrance la fait souffrir aussi (elle n’est pas indifférente) et que pour atténuer l’impression qu’elle peut donner de l’aider. Autrement dit, il y a là l’indication étroite de son ambivalence.

« Je veux qu’elle meure, je veux qu’elle souffre. Mais sa souffrance me touche, elle n’est pas extérieure à moi donc pour nous soigner toutes les 2 je l’aide ».

On peut ainsi comprendre ce que vit cette fille.

Les représentations que se font les frères et sœurs d’enfants atteints de la drépanocytose de cette maladie sont donc influencées par la réalité épidémiologique concernant la mortalité des malades et par la représentation que se font les parents et les autres membres de la famille élargie de cette maladie. Quels que soient la représentation et les sens donnés à la drépanocytose, les enfants sont conscients que la maladie ne se guérit pas et qu’elle est susceptible de se transmettre à un autre enfant après la mort du malade. La transmission est pensée via l’influence du sorcier et moins via celle de la transmission génétique.

Pour donner un sens à la maladie qui leur est étrange, les enfants s’appuient, à la fois, sur le savoir hérité de la pensée traditionnelle et sur celui évoqué à l'hôpital par les médecins. Ils combinent de manière singulière et originale ces deux systèmes de représentations/sens pour subjectiver une maladie qui reste étrange et menaçante.

154