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1.4 La fratrie : approches psychologiques générales

1.4.2 Les processus fraternels de la dimension horizontale

1.4.2.3 Le groupe fraternel, un espace contenant pour l’enfant

Les liens fraternels, basés sur l’intersubjectivité des frères et sœurs, constituent le socle du groupe social. En fait, sur le registre de la complicité, le frère, étant à la fois un rival et un complice, un camarade de jeux et un confident (Camdessus, 1998a; Scelles, 2003b). Les liens fraternels peuvent s’avérer sécurisants et protecteurs pour le sujet tout en favorisant son autonomie et sa créativité. La fratrie constitue dans ce sens une véritable ressource pour le sujet (Scelles, 2004).

Si l’existence d’une complicité fraternelle s’enracine dans le sentiment de faire groupe avec ses frères et sœurs, elle suppose la reconnaissance d’une limite entre le groupe et le non-groupe fraternel (Scelles, 2003a). Sur un plan fonctionnel, cette complicité fraternelle s’alimente le plus souvent d’un intérêt partagé à contrevenir ensemble aux lois, à en ériger d’autres et à partager des secrets. Ces liens intersubjectifs entre enfants vont permettre favoriser la création du groupe fraternel et en faire un groupe plus ou moins perméable aux désirs et aux attentes des parents et ce, tout en assignant à chaque enfant une place dans le but d’assurer le maintien de l’équilibre général de la famille.

Le groupe fraternel a une fonction de contenance. Il constitue pour ses différents membres, un espace sécurisant susceptible de contenir et transformer leurs angoisses. Ce groupe

« contient les pulsions en même temps qu’il étaye chacun puisque,

ensemble, on est plus fort, face à la peur par exemple. Les angoisses qui courent tout au long du développement de l’enfant trouvent à s’exprimer dans les jeux et à s’apaiser puisqu’elles sont partagées » (Bourguignon,

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Présenté comme monde secret et fermé aux adultes, le groupe fraternel est un monde rebelle à l’investigation pouvant être influencé et manipulé mais non le gouverné par les parents car il échappe au monde des adultes.

Le groupe fraternel peut, à travers les liens fraternels être aussi bien structurant que pathogène pour l’enfant et ce, selon les situations. Le lien fraternel est en fait une

« Relation potentiellement structurante, voire thérapeutique, lorsqu’elle est référée à un élément tiers qui organise la relation sous l’égide de la différenciation, elle active alors tous les processus pulsionnels et les mécanismes de défense normalement intéressés par la constitution subjective (identification/projection en particulier). Relation pathologique, voire pathogène, lorsqu’elle s’exprime dans le registre de la confusion, de l’indifférenciation, elle exciterait prioritairement les processus pulsionnels intéressés par l’autoconservation et les mécanismes de défense intéressés par la destruction de l’objet » (Bourguignon, 1999, p. 94).

Le processus d’appropriation subjective de l’autre est un processus fondamental en œuvre au sein du groupe fraternel. A l’intérieur de ce groupe,

« Les parties des autres déposées en soi (l’avidité, la haine, le plaisir)

deviennent du soi, l’individualité se constitue dans l’interaction et l’interfantasmatisation jusqu’à ce que la maturité aidant, le dégagement s’opère et l’individu devienne lui-même » (Bourguignon 1999, p. 89).

Le groupe fraternel est, dans le domaine de la psychothérapie familiale, un objet intéressant pour les praticiens. Ces derniers lui attribuent une place particulière dans la cohésion et la dynamique du groupe familial. Drieu & Hardouin (2008) pensent le groupe fraternel comme un lieu d’inter fantasmatisation permettant une reconstruction des liens de filiation. Pour ces auteurs, les relations fraternelles participent à l’organisation de la subjectivation de l’individu et, par le biais d’un pacte narcissique, forment l’ébauche de l’intersubjectivité.

En conclusion, le groupe fraternel s’organise au croisement de deux axes. L’un vertical, structuré autour du complexe d’œdipe et constitué par le rapport des frères et sœurs au couple parental et l’autre horizontal, formé par la génération paritaire (Kaës, 2008). Tandis que le premier axe se structure autour des modalités du complexe d’œdipe, celui des parents et celui des enfants, qui doivent être considérés ensemble, le second axe est celui des modalités du

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complexe fraternel. Toutefois, bien que se déroulant entre enfants, les processus de fraternité ne sont pas indépendants des projections des parents. Ces derniers projettent le plus souvent sur les enfants une grande partie de leur vécu fraternel en chargeant les enfants de répéter, de combler, d’élaborer, de transformer, voire de réparer entre eux ce qui a été défaillant dans les liens fraternels de leurs ascendants (Scelles, 2008). Cette réalité amène la précédente auteure à penser le groupe fratrie dans son intrication au groupe parental comme un « appareil » à transmettre, à transformer, à refonder l’histoire familiale, celle que chaque enfant a vécue mais aussi celle qu’il sait, qu’il imagine avoir existé avant lui. Face aux différentes transformations de cet héritage opérées par leurs enfants, les parents réagissent de diverses façons et ce, en fonction des situations. Dans certains cas, les parents tentent de les contrer, aliénant leurs enfants à leur désir et, dans d’autres, ils les laissent construire leur devenir frère et sœur, davantage à leur guise. Cela fait état, pour les parents, de

« la difficile tâche d’être là, réellement et symboliquement, tout en sachant

s’effacer pour que leurs enfants puissent faire l’expérience d’un « vivre ensemble », qui ne soit dominé ni par la terreur et le désir de tuer l’autre pour prendre une place dans le groupe d’enfants, ni par l’instauration d’un fonctionnement, dans lequel toute individualisation serait impensable »

(Scelles, 2008, p. 488).

Les liens fraternels ont un rôle important dans la structuration des processus psychiques du sujet.

Les processus fraternels de la dimension verticale et ceux de la dimension horizontale, principales caractéristiques les liens fraternels, contribuent à l’inscription psychique de l’autre chez l’enfant et l’amènent à prendre conscience de son existence en tant qu’un sujet parmi tant d’autres sujets. Ainsi, les liens fraternels participent au processus de socialisation du sujet et contribuent à la gestion de ses mouvements agressifs au sein de la fratrie.