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Chapitre 2 L’incertitude inhérente à l’information géographique et ses impacts

2.3 Certains impacts découlant de l’incertitude

2.3.1 Une confiance exagérée par les usagers non experts

Malgré le fait que les données géographiques aient une propension à être inexactes, incomplètes, périmées, il apparaît pour le moins surprenant qu’elles soient considérées, en certaines circonstances, comme étant objectives, véridiques voire incontestables. Effectivement, en Ontario, la jurisprudence en matière criminelle a déjà considéré une carte géographique telle une source « whose accuracy cannot be

questioned »188.

187 On pourrait ici effectuer un retour en arrière et opérer la distinction entre une donnée et une information. Il s’agit d’évaluer comment un usager placé devant des données d’apparence neutre et objective sera en mesure d’en dégager une signification juste ou, en d’autres mots, comment il pourra transformer les données en éléments de connaissance conformes à la réalité ou convenables à l’égard de l’utilisation envisagé.

188 Harnden c. Kosir [1995, O.J. No. 440]. Aux États-unis, la jurisprudence en matière criminelle a déjà abondé dans le même sens [United States c. Bello, 1999, 194 F.3d 18 USCA1].

Chapitre 2 L’incertitude inhérente à la production et ses impacts 89

Au Québec, la Cour d’appel a rendu un arrêt de principe189, largement cité dans d’autres causes, concernant les deux sortes de preuve, soit la preuve directe et la preuve par connaissance judiciaire. La Cour rappelait les deux types de faits pouvant être qualifiés de connaissance judiciaire. La première catégorie comprend les faits dont « l’existence et la véracité sont acquises à toute personne avertie » et la deuxième catégorie comprend les faits qui « peuvent être vérifiés aisément en consultant des

documents généralement accessibles et dont l’autorité est reconnue comme une carte géographique, un dictionnaire, une encyclopédie » (le souligné est de nous). Le terme autorité signifie que les faits déclarés comme faisant partie de la connaissance judiciaire

doivent être vus et considérés comme définitivement prouvés190. La connaissance

judiciaire (judicial notice)191 s’approche du concept de la présomption192 légale

absolue193 (juris et de jure) en droit civil.

Compte tenu de son degré d’incertitude important, l’information géographique se

prêterait davantage au titre de présomption légale simple194 (juris tantum) ou de

connaissance judiciaire prématurée (premature judicial notice). Or, la jurisprudence consultée en matière criminelle démontre une attitude contraire, les tribunaux étant enclins à attribuer aux cartes géographiques un statut d’autorité.

189 Baie-Comeau (Ville) c. D'Astous [1992, C.A.Q. No 475]. Les propos tenus par la Cour d’appel ont été cités notamment dans les causes R. c. Roméro [1995] A.Q. no 2270, R. c. Delangis [1997] A.Q. no 454, R. c. Malboeuf [1997] J.Q. no 4864, R. c. Courchesne [2000] J.Q. no 1722, Saint-Thimothée (Ville) c. Guimond [2000] J.Q. no 5295, R. c. Fleury [2001] J.Q. no 957, R. c. Lachance [2001] J.Q. no 1662. Sans procéder à une étude exhaustive de la question des types de preuve, la Cour d’appel avait précédemment souligné dans la cause R. c. Bélanger (C.A.Q.) [1991, A.Q. no 1910] que « les sources susceptibles de permettre la vérification certaine et rapide de certains faits sont les encyclopédies, les dictionnaires, les cartes géographiques, etc. ».

190 Saint-Thimothée (Ville) c. Guimond [2000] J.Q. no 5295.

191 La connaissance judiciaire (judicial notice) s’oppose à la connaissance judiciaire prématurée (premature judicial notice) qui se manifeste lorsqu’un juge applique erronément la théorie de la connaissance judiciaire en estimant prouvé un fait, qui, bien que connu, n'a pas encore atteint ce degré d'acceptation qui le rend incontestable et incontesté à une personne avertie et informée. Elle s’oppose aussi à la connaissance judiciaire partielle (partial judicial notice) qui est la proposition de faits qui n'est relative qu'à une règle ou à des caractéristiques générales et pas nécessairement à son application concrète dans une affaire donnée [R. c. Roméro, 1995, A.Q. no 2270].

192 Art. 2846 C.c.Q. « La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d’un fait connu à un fait inconnu ». Dans son sens commun, une présomption est une opinion fondée seulement sur des signes de vraisemblance.

193 La présomption légale absolue possède un caractère irréfragable et aucune preuve contraire ne peut lui être opposable [Mayrand, 1994]. Elle est basée sur des faits réputés (art. 2847 C.c.Q. ).

194 La présomption légale simple est celle que l’on peut repousser par une preuve contraire [Mayrand, 1994]. Elle est basée sur des faits présumés (art. 2847 C.c.Q.).

Ainsi, ont été considérés comme exacts la toponymie, la position relative des rues et l’existence ou la non-existence des rues (faisant appel à la complétude de la carte) sur une carte routière195, des distances et des temps de conduite (driving time) déduits à partir de cartes196 ou le contenu des cartes émanant d’un gouvernement197. Les tribunaux ont donc appliqué ce concept d’autorité autant à l’égard de la dimension spatiale de l’information qu’à l’égard de sa dimension descriptive. La confiance manifestée par les tribunaux en matière criminelle n’est pas nécessairement transposable mutatis mutandis en matière civile. Toutefois, on ne peut exclure cette possibilité198 et les risques qui en découlent199.

195 Saint-Thimothée (Ville) c. Guimond [2000, J.Q. no 5295]. Afin d’évaluer le doute raisonnable en regard des accusations, la crédibilité de la thèse du défendeur, le croquis préparé par le policier impliqué ainsi que l’ensemble des éléments essentiels de la preuve, la Cour a principalement basé sa décision sur l’examen d’une carte routière de la ville de Saint-Thimothée où se serait produite l’infraction. La carte géographique a permis de faire les constatations suivantes : « Dans la Ville de Saint-Timothée, la route 132 porte le nom de boulevard Hébert, alors que dans la Ville de Melocheville cette même route a pour nom le boulevard Edgar-Hébert […] À Saint-Timothée, la 5e Avenue qui débouche sur le boulevard Hébert est sise du côté Nord dudit boulevard. Elle n'existe pas sur le côté Sud du boulevard Hébert. Par contre à Melocheville, la 5e Avenue qui débouche sur le boulevard Edgar-Hébert est sise du côté Sud dudit boulevard et n'a aucun prolongement au Nord […] La rue Émond où habite la défenderesse à Melocheville est située à l'ouest de la 13e Avenue de Melocheville. Pour se rendre à Salaberry-de-Valleyfield qui est située à l'ouest de Melocheville, la défenderesse n'a donc pas à circuler à la hauteur de la 13e Avenue qui se trouve à l'est de son domicile. »

196 Harnden c. Kosir [1995, O.J. No. 440]. Toutefois, dans une décision de la Cour d’appel du Québec [Côté c. Consolidated Bathurst Inc. (C.A.Q.), 1990, A.Q. No 64] en matière civile, la Cour a déclaré que des mesures prises sur des cartes géographiques sont théoriques, peuvent être imprécises et laissent place à l’interprétation.

197 United States c. Bello [1999, 194 F.3d 18 USCA1], Bost c. United States [1939, 103 F.2d 717 USCA9]. Dans cette dernière affaire, la Cour rappela que « we think the maps should be given full credence, and should be taken as absolutely establishing the truth of all that they purport to show ». Tout comme la première affaire, la Cour sembla accorder une fiabilité supérieure aux cartes géographiques émanant du gouvernement en déclarant que « as to trustworthiness, it is made by an official of the government in the regular course of duty, who presumably has no motive to state anything but the truth, and it is made to be acted upon, and is acted upon, in matters of importance by officials of the government in the discharge of their duties ». D’ailleurs, dans cette cause, la Cour déclara coupable le défendeur en se basant sur les informations apparaissant sur une carte géologique produite par le gouvernement américain.

198 Certains juges siègent autant dans les cours civiles que criminelles et pourraient conserver une uniformité conceptuelle face à la fiabilité ou la véracité des cartes géographiques. Toutefois, une Cour a déjà démontré ses réserves face à l’information géographique numérique dans la cause ontarienne Owens (Litigations guardian of) c. Grandell [1994, O.J. No. 496, DRS 94-09150]. Afin de déterminer le véritable responsable d’une collision automobile, un expert a procédé à la préparation d’un vidéo-graphique numérique conçu à partir de données géographiques numériques montrant la situation des lieux. Pour le tribunal “some judicial cogent should be made as to the accuracy of this high-tech demonstrative evidence. If proven to be accurate, then it should be admitted like any other piece of demonstrative evidence, such as a chart or map […] it must be proven that the procedures used to feed the data into the computer were reliable and that someone checked the accuracy of the data and the computer operations ». Cette évaluation de la qualité du vidéo impliquait notamment pour le tribunal de s’assurer de l’exactitude (1) des

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La confiance démontrée par les tribunaux à l’endroit des cartes géographiques constitue un indice de la confiance générale du public à leur égard. Pour certains auteurs [Bédard, 1986b, Evans, 1997], cette impression d’exactitude incontestable ou de véracité des cartes géographiques serait envisageable en regard des usagers non experts, bref auprès du grand public200. Et tout comme les tribunaux, le public accorderait une plus grande fiabilité201 aux cartes géographiques émanant d’une agence gouvernementale202 [Zhang et Goodchild, 2002, Cho, 1998].

En fait, il est opportun d’opérer une distinction entre les cartes géographiques conventionnelles transmises ou commercialisées sur support papier et les cartes

points localisés sur les lieux de l’accident (2) de l’enregistrement desdits points dans le programme informatique et (3) des images montrant la situation des lieux. Aux motifs que (1) le captage des données avait eu lieu près de trois ans et demi (3½) après la date de l’accident (2) la situation des lieux avait été modifiée de façon importante (3) les mesures prises souffraient d’un manque de précision par rapport à ce qu’il est normal de s’attendre et (4) le manque de détails dans les opérations de mesure, le tribunal en est venu à la conclusion qu’il ne pouvait se fier sur la reconstruction effectuée par l’expert. « This Court was able to reach its decision without the opinion of the reconstruction expert. Because of the assumptions that had to be made, and the lack of mathematical precision, little weight was given to the evidence of the accident reconstruction expert. Some weight was given to the reconstruction, that being where the margin of error or uncertainty was not such as to affect the general manner in which the accident occurred. The Court must be careful not to attach undue weight to evidence that might confuse, mislead, or overwhelm the trier of fact ». La Cour a donc pris en considération l’incertitude spatiale et temporelle reliée aux données. 199 Selon Zhou [2001], une caractéristique du mode d’appréciation de la personne raisonnable par les tribunaux de droit civil serait à l’effet que les juges se contenteraient de s’interroger sur ce qu’aurait été leur propre conduite dans les mêmes circonstances. Ils écouteraient en eux-mêmes la voix de la raison sur la prémisse qu’il est souhaitable que chacun s’efforce d’en faire autant. Certains juges pourraient donc indûment accorder une véracité démesurée à l’information géographique.

200 Cette fiabilité présumée proviendrait souvent de la fausse hypothèse émise à l’effet que l’information géographique serait créée à l’aide de méthodes scientifiques de mesure sans possibilité de subjectivité ou d’erreurs [Epstein, 1990].

201 La fiabilité des données peut être définie comme étant le niveau de confiance accordée par une personne à l’effet que les données sont correctes [Evans, 1997].

202 Par exemple, dans la cause Fraser Burrard Diving Ltd. c. Lamina Drydock Co. Ltd [1995, B.C.J. No. 1830 BCSC], un plongeur s’est fié à des cartes bathymétriques publiées par le Service hydrographique canadien afin de planifier des travaux de récupération d’objets reposant au fonds de l’océan. La profondeur était un élément important dans le choix des équipements nécessaires et de la méthode de récupération. Elle avait donc une incidence directe sur les coûts de l’opération. À l’endroit où se situait les objets devant être récupérés, les cartes montraient une profondeur de deux cents quarante pieds (240 pi.). Cette profondeur fut considérée précise par l’usager à plus ou moins dix pourcent (10 %). Ainsi, la variation possible du fonds marin pouvait varier jusqu’à un maximum de deux cent soixante-cinq pieds (265 pi.). Une des parties au litige avait d’ailleurs mesuré la profondeur à l’aide d’une corde à un endroit en guise de test. Comme la profondeur mesurée coïncidait bien avec les informations apparaissant sur la carte, cette dernière fut considérée comme étant raisonnablement précise. Toutefois, sur les lieux, la profondeur réelle fut très variable et fut mesurée jusqu’à trois cent cinquante pieds (350 pi.). À une telle profondeur, les équipements utilisés et la méthode de récupération choisie devenaient inopérants, ce qui provoqua le litige.

géographiques ou les bases de données géographiques commercialisées en format numérique. Une recherche approfondie des cas de jurisprudence en responsabilité civile, mettant en cause des cartes géographiques conventionnelles autant au Québec qu’au Canada, a résulté en un nombre assez restreint de cas. Les résultats obtenus constituent sûrement un indice d’un rapport qualité/utilisation satisfaisant ou de dommages insuffisants pour pouvoir motiver la tenue d’un procès.

Les problèmes risquent de surgir et de se multiplier toutefois lors du passage de la carte sur support papier traditionnel vers un support numérique [Evans, 1997]. L’information sous forme numérique se présente dans un contexte tout à fait différent et les possibilités offertes par les systèmes d’information géographiques sont nombreuses et sans aucune commune mesure avec ce que pouvaient offrir jusqu’à maintenant les cartes sur support analogique. Quelques différences sont exposées dans le tableau ci-dessous (tableau n°3).

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Cartes sur support papier Cartographie sur support numérique

Image statique Image dynamique

Cartes limitées à la rédaction cartographique La rédaction cartographique s’étend aux autres moyens de communication (discours, image, vidéo, son, …)

Fabrication de carte longue et coûteuse Fabrication de cartes rapide et moins coûteuse à long terme, facilité de reproduction

Analyse difficile voire impossible par superposition de deux ou plusieurs cartes

Analyse possible par superposition de deux ou plusieurs jeux de données grâce à des fonctions automatiques

Quantité d’informations limitée sur une carte imprimée (pour une meilleure lisibilité)

Quantité d’informations importante grâce aux moyens de communication

Représentation et stockage sur support unique Stockage sous forme de bases de données spatiales Carte figée, jusqu’à la prochaine mise à jour Carte dynamique et cohérente grâce aux facilités

offertes pour les mises à jour Image à deux ou trois dimensions (bloc

diagrammes)

Images à deux ou à trois dimensions (modèle numérique de terrain)

Document unique, généralement Documents multiples (cartes, tableaux,

histogrammes …) liés entre eux Outil de communication visuelle (destiné à un large

public et à une catégorie de chercheurs) Outil de réflexion visuelle (destiné au chercheur) grâce aux possibilités d’exploration Document essentiellement qualitatif , difficulté de

réaliser des analyses quantitatives et des extractions de données

Analyse quantitative et extraction de données faciles à réaliser grâce au langage de requête spatiale Carte destinée à un public élargi Carte produite pour satisfaire les besoins souvent

individuels (à la demande)

Carte destinée à communiquer un savoir Carte utilisée pour découvrir les inconnus à l’aide des mécanismes de visualisation et d’exploration Communication à sens unique entre la carte et le

lecteur (aucune réaction de la carte) Communication à deux sens entre la carte et le lecteur (dialogue interactif question/réponse) Production cartographique déterminée par les lois

du marché et les agences gouvernementales Production cartographique déterminée davantage par des initiatives individuelles Carte produite majoritairement par un cartographe Carte produite par des utilisateurs qui ne sont pas

forcément cartographes.

Les possibilités accrues offertes par les systèmes d’information géographique soulèvent l’inquiétude. D’abord, il demeure possible et même plausible que les usagers transposent leur confiance à l’égard des cartes conventionnelles envers l’information géographique numérique [Jones et Hunziker, 1994]. Les idées préconçues d’un usager à l’égard des cartes sur support papier (ce qu’il connaît, ce qui fait partie de son expérience passée) seraient de nature à dicter ses interprétations futures203 [Myers et Lamarche, 1992].

Ensuite, les usagers profanes ont tendance à faire preuve d’une confiance exagérée à l’égard de produits à caractère technique et complexe issus d’un domaine dans lequel ils ne possèdent pas d’expertise ou de connaissances particulières [Malenfant et collab., 1998, Anderson et collab., 1998]. La propension d’une personne à faire preuve d’une confiance non fondée serait proportionnelle à la difficulté de la tâche envisagée et inversement proportionnelle avec la connaissance [Smithson, 1988].

L’information géographique possédant les caractéristiques de technicité et de complexité, un usager profane204 aura de grandes difficultés à évaluer adéquatement la qualité de l’information géographique qui lui est présentée. Son jugement risque d’être largement subjectif [Frank, 2000] et il aura tendance à en surestimer l’exactitude [Myers et Lamarche, 1992]. De plus, la souplesse, la rapidité, la qualité du dessin ainsi que les choix multiples offerts par les systèmes d’information géographique donneront

203 Un exemple probant en cette matière est sûrement la cause américaine Aetna Casualty & Surety Co. c. Jeppesen & Co [1981, 642 F.2d 339], largement citée, concernant une poursuite en responsabilité civile suivant l’écrasement d’un avion à Las Vegas où tous les passagers avaient trouvé la mort. La compagnie Jeppensen publiait des cartes d’approche pour plusieurs aéroports. Les cartes produites décrivaient graphiquement les procédures d’approche telles que des directions, des distances, des altitudes minimales, des fréquences radio, etc. Fait intéressant dans cette cause, les parties s’entendaient pour dire que les informations contenues au sein des cartes produites étaient exactes en tout point. Le défaut présumé résidait plutôt dans la représentation graphique de cette information. La carte défectueuse représentait deux vues, soit une vue en plan (le haut) et une vue en profil (le bas). Le défaut de la carte reposait sur la différence d’échelle existante entre la vue en plan et la vue en profil, différence normalement inexistante en pareilles circonstances. L’écrasement de l’avion aurait été causé par la fausse prémisse du pilote à l’effet que l’échelle était constante d’une vue à l’autre. L’idée préconçue du pilote fut donc la cause principale de l’écrasement.

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l’impression à l’utilisateur de pouvoir tout faire, et de préférence de jolies cartes plutôt que de bonnes cartes d’où le grand risque d’obtention de cartes erronées205 [Faïz, 1999].

Troisièmement, l’apparence uniforme de l’affichage numérique est susceptible de provoquer chez l’usager un faux sentiment de précision et d’exactitude [Morrison, 1995, Evans, 1997], de qualité [Aalders et Morrison, 1997] ou de certitude [Foote et Huebner, 1996]. De ces fausses impressions peut découler un faux sentiment d’autorité voire de puissance206 [Walford, 2002] ou de sécurité chez l’usager [Zhang et Goodchild, 2002]. Par exemple, les effets de zoom peuvent laisser croire à l’usager qu’il sera en mesure de percevoir l’imperceptible. En agrandissant continuellement la carte, l’usager peut s’imaginer qu’il sera ainsi en mesure de visualiser de plus en plus de détails physiques et que les données demeurent pertinentes peu importe l’échelle. Ainsi, l’illusion de haute précision subsiste même à des échelles trop grandes [Vauglin, 2002]. Or, tel qu’exposé précédemment, le niveau de détails est tributaire notamment de la résolution adoptée lors du processus de production de la carte ou de la base de données.

Il existerait donc une dichotomie importante entre la réalité imprécise et sa représentation digitale [Davis et Keller, 1997]. Pourtant, plusieurs éléments laissent croire que les usagers profanes auront tendance à transposer leur confiance à l’égard des cartes géographiques conventionnelles envers l’information numérique et sur les résultats issus des manipulations rendues possibles à l’aide des systèmes d’information géographique.

205 Par exemple, plusieurs outils progiciels offrent à l’utilisateur la possibilité de choisir parmi une large palette de couleurs ou de motifs mais ne transmettent aucun guide pour parvenir à une sélection et à un arrangement adéquats. « In the wrong hands, the end products can be ‘wonderfully’ colourful, but not necessarily very meaningful examples of graphic communication […] with this freedom has come the problems associated with the untrained cartographer without the knowledge and understanding of graphic design and cartography » [Green et Horbach, 1998].

206 Les utilisateurs de cartes électroniques intégrées à des récepteurs GPS auraient une plus grande tentation de passer près des dangers que lorsqu’ils utilisent de simples cartes conventionnelles sur papier [Correia, 2002].