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Chapitre 2 L’incertitude inhérente à l’information géographique et ses impacts

2.2 L’incertitude dans la production de l’information géographique

2.2.3 Incertitude dans la localisation (temps et espace)

2.2.3.1 Localisation dans le temps

L’univers dans lequel nous vivons se caractérise par sa constante mouvance et son dynamisme. Les bases de données géographiques reflètent rarement la réalité à l’instant présent mais ne sont qu’une approximation de la réalité à un instant donné. Elles sont le plus souvent statiques ou, si empreintes d’un dynamisme (c’est-à-dire régulièrement mises à jour), ce dernier n’est jamais en parfaite harmonie avec la réalité quoique certaines bases de données puissent l’être ou s’y rapprocher118.

L’écart temporel entre le dynamisme implacable de l’univers et le dynamisme variable des bases de données est de nature à provoquer une dichotomie entre la réalité et la représentation de cette réalité. Certaines entités naissent (Ex. : la construction d’un bâtiment), disparaissent (Ex. : incendie d’un bâtiment), changent de forme (Ex. : construction d’une annexe attenante au bâtiment ou démolition suivie de la construction d’un nouveau bâtiment) ou se déplacent (Ex. : un bâtiment sans fondations est levé et repositionné sur des fondations construites à proximité), même temporairement. Plusieurs entités peuvent occuper le même espace géographique à des moments différents

118 C’est le cas notamment du plan cadastral global du Québec qui est une base de données mise à jour quotidiennement.

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(Ex. : un bâtiment est détruit par le feu, remplacé par une terrasse pendant quelques années et reconstruit par la suite). Parfois, leurs caractéristiques (ou attributs) se modifient (Ex. : la catégorie dominante d’un peuplement forestier change) sans compter les changements dans la définition de ces attributs ou même des entités (Ex. : les constructions sans fondations seront dorénavant incluses dans la classe bâtiment).

L’incertitude reliée à la temporalité dépend beaucoup du type d’objets ou de phénomènes modélisés. Certains ont vocation à subsister sur une longue période de temps (Ex. : les bâtiments, les routes ou les éléments du relief tels que les montagnes, vallées, etc.). À l’inverse, dans le cas de phénomènes météorologiques, quelques minutes voire quelques secondes peuvent suffire pour rendre caduques les données captées. Dans le cas d’un accident de la circulation, le captage de la scène doit s’exécuter promptement à défaut de quoi les objets d’intérêts risquent de disparaître à tout jamais.

L’écart temporel entre le captage des données et leur utilisation devient donc une variable importante. Dans certains cas, si cet écart dépasse quelques heures, les données ne seront plus d’aucune utilité. À l’inverse, même après une centaine d’années, certaines données peuvent conserver un haut niveau d’intérêt. Dans certaines circonstances, comme lors de procédures de bornage entre deux propriétés, la valeur de certaines données augmente au fil du temps119.

Le concept de résolution (ou granularité) trouve aussi sa pertinence au niveau de

la localisation temporelle. En effet, il est possible de mesurer la localisation d’un objet ou d’un phénomène à certains niveaux de granularité et de précision. L’information temporelle peut être transmise en secondes, en minutes, en heures, en journées, en semaines, en mois voire en années.

L’analyse temporelle demeure difficile actuellement puisque la majorité des systèmes d’information géographique ne possèdent pas de fonctions appropriées. Le

119 Par exemple, une clôture est un indice de possession reconnu et possède une influence importante dans la fixation des limites d’une propriété. Plus longue est la période d’existence de la clôture, plus son emplacement ou sa position aura de l’influence.

temps est souvent considéré comme un attribut de la position géographique120 [Langran et Chrisman, 1988, cité par Dragicevic et Marceau, 2000]. On distingue plusieurs catégories de temps dans le contexte des bases de données géographiques. Snodgrass [1992, cité par Dragicevic et Marceau, 2000] en distingue quatre, soit le moment durant lequel le changement dans la réalité se produit (real world time), le moment où la donnée géographique est enregistrée dans la base de données du producteur (updating time), le moment où le produit est diffusé (cartographic time) et, finalement, le moment où la donnée géographique est enregistrée au sein de la base de données de l’usager (database

transaction time).

Lorsqu’il se produit des écarts temporels importants entre différents moments de captage, plusieurs informations essentielles concernant l’objet ou le phénomène sous étude peuvent être omises ou mal représentées [Dragicevic et Marceau, 2000]. L’incertitude reliée à la localisation temporelle varie donc en fonction de la nature de l’objet ou du phénomène en question. Il importe de souligner qu’un processus d’interpolation sera utilisé quelquefois, surtout pour l’étude de phénomènes dynamiques, afin de combler l’absence de données entre deux observations (snapshots). Les interpolations sont rendues nécessaires notamment lors de l’étude de phénomènes dont les changements s’opèrent de façon continue dans la réalité alors que les observations de ces phénomènes sont de nature discrète121.

Tout comme dans le cas des cartes sur support papier, il peut exister un écart parfois considérable (pouvant dépasser même les dix ans) entre le moment de l’observation (updating time) et le moment de la consultation (cartographic time). Toutefois, dans certaines circonstances, l’information numérique est de nature à provoquer une certaine confusion. Par exemple, à partir d’une requête d’un usager sur l’Internet ou à partir d’un système de transport intelligent, l’usager pourrait potentiellement conclure que l’information transmise lui parvient en temps réel. Par

120 L’information géographique est souvent exprimée sous la forme de tuples (X,Y, Z, T, G), qui signifie qu’un phénomène G est présent à une localisation quelconque (X, Y, Z, T) en espace-temps [Zhang et Goodchild, 2002], le temps y fait donc partie intégrante.

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conséquent, il pourrait être enclin à lui attribuer une fraîcheur (actualité) n’existant pas en réalité.

Finalement, il est possible que l’observation d’un objet ou d’un phénomène effectuée à deux époques différentes démontre une évolution ou une modification dans le temps. Mais l’impression peut s’avérer fausse car la modification apparente peut plutôt provenir d’une localisation différente dans l’espace, sujet de notre prochaine section.