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Chapitre 2 L’incertitude inhérente à l’information géographique et ses impacts

2.1 Révision de quelques concepts fondamentaux

2.1.1 Précisions sur l’infrastructure de support à la prise de décision

2.1.1.1 La donnée numérique

Dans la communauté des technologies de l’information, une donnée est fréquemment considérée comme le matériel brut de l’information. On lui attribue souvent une existence matérielle. Les données en elles-mêmes n’existent pas à l’état naturel et sont nécessairement une création de l’homme [Bédard, 1986b]. Une donnée ne prend son sens que par l’intermédiaire de l’œil qui la regarde.

Une donnée serait une unité physique qui sert de support au sens et à l’idée [Laramée, 1999]. Le concept de donnée numérique, dans le domaine de l’informatique90, est intimement lié aux propriétés physiques des ondes91 et de l’énergie électrique. Une catégorie d’ondes est communément appelée ondes hertziennes à l’intérieur de laquelle sont incluses les impulsions ou ondes électromagnétiques. Elles ont surtout servi à la conception et à la démocratisation de la télévision et de la radio. Elles permettaient de transmettre et de stocker son, voix et musique sur de longues distances [Masson, 1995]. Dernièrement, elles ont été mises à profit pour le stockage de données notamment par la création des cédéroms, aussi appelés disque optique compact92 ou disque laser93.

Tout comme le téléphone94, le fonctionnement fondamental des ordinateurs repose

sur le courant électrique. Ainsi, le contenu d’une base de données n’est que

90 L’informatique est fille du numérique [Lucas, 2001a].

91 Une onde peut être définie comme une « déformation, ébranlement ou vibration dont l’élongation est une fonction périodique des variables de temps et d’espace » [Robert, 2000]. Ainsi il existe notamment des ondes liquides, des ondes sismiques et, particulièrement, des ondes électromagnétiques. Ces dernières sont plus particulièrement définies comme étant une « famille d’ondes qui ne nécessitent aucun milieu matériel connu pour leur propagation » [Robert, 2000].

92 Un disque optique est défini comme étant un « support circulaire recouvert d’une couche magnétique où sont enregistrées des données numériques » [Robert, 2000].

93 L’appellation laser n’est pas pur hasard puisqu’un rayon laser est un « générateur d’ondes électromagnétiques » [Robert, 2000].

94 Dans le cas particulier du téléphone, la principale découverte a été la transformation d’ondes sonores en courant électrique dont le principe provient de l’utilisation du code Morse, c’est-à-dire par le jeu de l’interruption et du rétablissement plus ou moins prolongé du courant électrique sur le fil de cuivre [Masson, 1995].

l’emmagasinement sur un support (disquette, disque dur, cédérom, ruban magnétique, disque optique) d’une série, souvent gigantesque, de 0 et de 195. Et sans électricité, le décodage des données est impossible. On peut ajouter aussi que les réseaux de

communication utilisent simultanément, d’une part, la fibre optique lorsqu’elle est

disponible, laquelle fait appel aux ondes électromagnétiques et, d’autre part, les anciens

câbles en cuivre où la transmission des informations est assurée par des impulsions

électriques [Masson, 1995].

La donnée est donc un fait à l’état brut isolé et qui n’a aucune signification en soi [Bédard, 1986b, Laramée, 1999] mais on peut lui attribuer une existence matérielle.

2.1.1.2 L’information

Il existe plusieurs définitions de l’information96 [Bédard, 1986b] selon que les auteurs seraient économistes, scientifiques, juristes, philosophes, sociologues ou autres [Marino, 1997]. Aucune définition ne fait l’unanimité de façon universelle.

Résultant de l’organisation et du traitement des données qui mènent à une certaine forme d’intelligence ou de connaissance, l’information serait usuellement considérée

95 Dans le cas de l’ordinateur, on attribue tout simplement une valeur au passage et à l’interruption du courant. Lorsque le courant passe, la valeur est de 1 et lorsqu’il ne passe pas, la valeur est de 0. L’emploi de ces deux chiffres, 0 et 1, est à la base de la numérisation de l’information [Masson, 1995]. Nous sommes donc en face du langage binaire, qui ne contient que deux éléments soit le 0 et le 1 mais qui peut représenter n’importe quel nombre, n’importe quelle lettre, n’importe quelle information par de simples combinaisons de 0 et de 1 [Masson, 1995].

96 La définition apparaissant au glossaire accompagnant la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information [L.R.Q., chapitre C-1.1] est la suivante : « La connaissance qui réduit l’incertitude concernant la réalisation d’un événement particulier appartenant à un ensemble déterminé d’évènements possibles » [http://www.autoroute.gouv.qc.ca/loi_en_ligne/glossaire/index.html, visité le 11/06/2003]. Assez curieusement, cette définition trouve sa source dans la théorie mathématique de la communication, s’attachant davantage à sa fonction. Cette définition n’est reprise nulle part au sein des ouvrages de doctrine juridique consultés au soutien de notre analyse. Toutefois, dans le glossaire, on prend note de distinguer certains emplois du terme information, ce dernier pouvant être également utilisé comme traduction du terme data et ainsi référer aux données emmagasinées sur un système ou un support. Dans la sphère de l’informatique, l’information est assimilée à des données présentées sous une forme significative et utile pour les êtres humains [Laudon et Laudon, 2001]. Alors qu’ici, l’information est assimilée à la donnée elle-même, d’autres l’associent plutôt à la signification de ces données [Bédard, 1986b, Bergeron, 1993, Laramée, 1999]. Une autre définition [Marino, 1997] présente l’information comme le contenu d’un message, le message étant par ailleurs communicable à autrui par un moyen quelconque. L’information ne serait pas le message mais le contenu de celui-ci.

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comme la matière première de la connaissance [Bédard, 1986b]. L’information se distinguerait de la donnée notamment parce que, contrairement à la neutralité ou à l’objectivité des données, une même donnée ne mènerait pas nécessairement à une même information. Une donnée n’aurait pas la même signification pour tous les destinataires [Laramée, 1999].

L’information dérive donc des données mais n’est pas une donnée en elle-même. En informatique, l’information n’existe que lorsque les données sont prises en charge par un ordinateur qui les rend lisibles et interprétables par le lecteur97. L’information n’existerait que dans l’esprit de la personne qui consulte les données, elle serait un

élément de connaissance potentiellement communicable [Dupré, 2001], donc de nature

incorporelle ou immatérielle.

Une majorité d’auteurs ne fait pas la distinction et utilise le terme information pour désigner l’unité physique plutôt que son interprétation par l’être humain. Pourtant, nul n’utilise l’appellation base d’informations au lieu de base de données. Certains considèrent que le terme information désigne simultanément, comme un tout ou comme une suite logique indissociable, l’unité physique et son interprétation par l’être humain. Finalement, d’autres considèrent que dans le contexte des bases de

données, les termes donnée et information deviennent synonymes98 et renvoient au

résultat sémantique obtenu grâce à l’interrogation de la base [Montero, 1998]. Pour les fins de notre exposé, nous utiliserons en alternance les termes donnée géographique et

information géographique99 en fonction du contexte. Nous ne procèderons à la

distinction qu’au moment jugé utile.

97 Pour les fins de notre analyse, nous ne tiendrons pas compte de la théorie mathématique de la communication de Shannon, laquelle est peu appropriée au contexte de la communication entre humains et les systèmes d’information géographique [Bédard, 1986b].

98 D’ailleurs, cette absence de distinction entre une donnée et une information est de nature à brouiller certains aspects juridiques comme le caractère appropriable des données et leur protection par le droit d’auteur. Ces aspects seront traités plus en détails au chapitre 3. Cette absence de distinction semble caractérisée aussi la doctrine géomatique. Les deux appellations (donnée et information) sont souvent utilisées alternativement sans véritable discernement.

99 L’information géographique peut être définie comme une information au sujet d’objets ou de phénomènes localisés sur ou à proximité de la surface de la terre [Zhang et Goodchild, 2002].

2.1.1.3 L’évidence

Le terme évidence employé ici est la traduction de la langue anglaise du

même terme. Dans la langue française, le terme évidence se définit comme étant le « caractère de ce qui s’impose à l’esprit avec une telle force qu’il n’est besoin d’aucune

autre preuve pour en connaître la vérité, la réalité » [Robert, 2000]. L’évidence se

rapproche donc de la certitude. En anglais, le terme semble être assimilé au concept juridique de la force probante. Basée sur une constatation de faits, l’évidence ferait référence à des marques, des indices ou des témoignages, soit une multitude d’informations de sources différentes reliées à un problème spécifique mais dont la cohérence aurait été validée. L’évidence se situerait quelque part entre l’information et la connaissance [Longley, Goodchild, Maguire et Rhind, 2001].

2.1.1.4 La connaissance

La connaissance ne se réduit pas à un problème d’acquisition de données et d’informations. De plus, les connaissances ne s’améliorent pas mécaniquement avec la quantité d’information disponible mais renvoient plutôt à la façon dont l’information est

interprétée et utilisée [Ngo-Mai et Rochhia, 2001]. La connaissance peut être assimilée à

l’information à laquelle une valeur a été ajoutée par une interprétation basée sur un contexte particulier, l’expérience et une finalité [Longley, Goodchild, Maguire et Rhind, 2001].

La connaissance implique une certaine compréhension, mais de celle-ci peut résulter des différences de point de vue entre des individus malgré la qualité et la quantité d’informations reçues. La connaissance est intimement liée à l’individu ou à une organisation et elle suppose, pour exploiter l’information, l’existence de catégories cognitives, de codes d’interprétation et d’aptitudes le plus souvent tacites [Epingard, 2001]. Et lorsqu’elle est tacite, la connaissance s’acquiert lentement et s’avère difficile à transférer aux autres [Longley, Goodchild, Maguire et Rhind, 2001].

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2.1.1.5. La sagesse

La sagesse est une connaissance juste des choses [Robert, 2000]. Une personne empreinte de sagesse possède un jugement judicieux, se comporte de manière sensée, réfléchie, modérée et avisée. Elle est normalement une personne avertie jouissant d’une longue expérience. Dans un contexte de prise de décision, la sagesse fait appel au désintéressement et à l’objectivité. La décision de l’individu repose alors sur la force probante des faits et les connaissances disponibles auxquelles s’ajoute une compréhension des conséquences probables ou vraisemblables.

Le tableau n°1 ci-dessous montre cette hiérarchie dans une infrastructure de support à la prise de décision.