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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL

2.2 Construction d’un cadre pour appréhender le travail effectué dans les exposés

2.2.5 Un regard sur les registres de représentations

Le dernier regard porte sur les registres de représentation. Dans cette section, nous présentons ce concept avant d’expliciter les sous-concepts reliés aux registres de représentation retenus pour l’analyse.

Importance des registres de représentation

Dans le sens commun, le mot représentation est employé pour imager ou décrire un objet. Dans ce cas, aucun processus cognitif n’est associé à l’utilisation d’une représentation, il est alors préférable de s’intéresser à l’objet plutôt qu’à ses représentations. Au contraire les représentations sémiotiques telles que décrites par Duval (1993) sont nécessaires, car elles sont le seul moyen d’accéder aux objets mathématiques. Comme le mentionne Dufour (2011), « Duval distingue un objet mathématique de ses représentations » (p. 12). Les objets mathématiques sont extérieurs et inaccessibles contrairement aux objets réels ou physiques.

Duval distingue la représentation mentale et la représentation sémiotique. En effet, la représentation mentale est pour lui l’ensemble des images mentales et conceptions d’un objet alors que les représentations sémiotiques sont « des productions constituées par l’emploi de signes appartenant à un système de représentation qui a ses contraintes propres de signifiances et de fonctionnement » (p. 39). De plus, les représentations sémiotiques ne sont pas simplement l’extériorisation des représentations mentales, elles n’ont pas l’unique objectif de communiquer. Au contraire, les représentations sémiotiques jouent un rôle important dans trois activités cognitives distinctes. Premièrement, l’intériorisation des représentations sémiotiques permet le développement des représentations mentales. Deuxièmement, les représentations mentales jouent un rôle dans l’accomplissement d’activités cognitives, telles que l’objectivation et la fonction de traitement. Enfin, la production de connaissances est

68 liée au développement de représentations sémiotiques de plus en plus précises. Les représentations sémiotiques perçues de cette façon, leur importance dans le développement cognitif de la pensée ne peut être ignorée.

Duval définit également les concepts de sémiosis et de noésis. La sémiosis est l’appréhension d’une représentation sémiotique, tandis que la noésis est l’appréhension culturelle. Il mentionne aussi « que la noésis est inséparable du sémiosis » (Duval, 1993, p. 40). En fait, pour appréhender conceptuellement un objet, il faut pouvoir coordonner plusieurs représentations sémiotiques. Ainsi, pour Duval il faut travailler sur diverses représentations sémiotiques afin d’accéder à l’objet mathématique, mais l’ensemble de ses représentations n’est pas pour autant l’objet lui-même. Pour une appréhension conceptuelle d’un objet mathématique, il est alors nécessaire d’effectuer un travail cognitif sur les représentations sémiotiques de cet objet. Ce travail est fait à l’aide ce que Duval nomme les transformations.

Un cadre d’analyse portant sur les registres de représentation

Janvier (1987) de même que Janvier et Pelletier (2003) s’attardent à définir les différents modes de représentation. Alors que Duval (1993) considère que les représentations sémiotiques donnent accès à l’objet, Janvier et Pelletier voient l’objet comme étant formé de ses différentes représentations sémiotiques, les représentations sont l’objet. Ils définissent six modes de représentation15 et ceux-ci permettent de

15 Duval (1993) parle de registres de représentations alors que Janvier et Pelletier (2003) définissent les

porter un regard sur une prestation orale : expérience, verbal, schéma, table de valeurs, graphique et formel.

L’expérience

Pour Janvier et Pelletier (2003), « une expérience constitue souvent la situation en soi » (p. 11). Ils proposent plusieurs activités expérimentales permettant d’étudier le raisonnement proportionnel, comme d’observer la longueur de l’ombre d’un objet se trouvant à une certaine distance d’une source de lumière. Les élèves peuvent alors reconnaître « des particularités et des caractéristiques concernant la variation des grandeurs présentes dans une situation donnée » (p. 11). Ces expériences permettent de modéliser la situation en créant des représentations dans divers autres modes de représentation.

Le registre verbal

Janvier et Pelletier définissent le registre verbal comme « une description écrite ou orale de la situation ou de la façon de l’interpréter » (p. 13). Le registre verbal est sollicité lorsque nous analysons une situation et peut également se manifester lors de la résolution lorsqu’elle est en train de se faire. Dans les exposés oraux, les étudiants sont amenés à verbaliser leur démarche, ils ont ainsi constamment recours au registre verbal. Par exemple, un étudiant qui écrit « 2 + 4 (6 – x) = » devrait dire avant, simultanément et/ou après : « deux plus quatre multipliés par, six moins x, égal » ou alors « on cherche un nombre, si je fais la différence de 6 avec ce nombre et que je multiplie le tout par 4 et on ajoute 2 au total trouvé, alors on obtient… ». Chacun de ces mots et la façon de les dire nous donnent des indications sur l’interprétation et la compréhension de l’étudiant ainsi que sur la façon dont il communique. Par conséquent, nous considérons qu’un étudiant s’exprimant à l’oral utilise le registre verbal.

70 Le registre schéma

Le schéma est « une illustration qu’on se fait de la situation qui met en évidence les éléments essentiels de la situation » (Janvier et Pelletier, 2003, p. 13). Une figure, un dessin, etc. sont considérés comme des représentations dans le registre schéma s’ils représentent la situation en mettant en évidence les éléments essentiels. Une représentation dans ce registre permet d’ignorer certaines informations superflues de la situation en n’illustrant que ce que nous choisissons de représenter. Dans le contexte d’une résolution en cours de route, nous pouvons observer les schémas évoluer. Nous considérons alors que le registre schéma est présent dès qu’une modification ou un ajout est fait dans une représentation. L’orateur fait aussi appel à ce registre en pointant simplement un schéma, amenant le discours dans ce registre.

Le registre table de valeurs

Les tables de valeurs peuvent être composées d’éléments arithmétiques et/ou algébriques. Janvier et Pelletier (2003) définissent ce registre comme suit : « un tableau est constitué de séries de données disposées en lignes et en colonnes, d’une manière ordonnée, pour faciliter la consultation » (p. 13). La table de valeurs est une représentation permettant de voir le lien de dépendance entre les grandeurs de la situation. Dans l’analyse des prestations orales, nous considérons que ce registre est mobilisé lorsqu’un travail est fait dans la table, et ce indépendamment de la nature des valeurs présentes dans la table (valeurs numériques ou expressions algébriques).

Le registre graphique

Pour Janvier et Pelletier, un graphique est une « représentation de données dans un repère, le plan cartésien, constitué de deux axes gradués perpendiculaires » (p. 14). Le graphique fait donc seulement référence aux données représentées dans un repère. Autrement dit, un graphique sera un tracé, continu ou non, dans un plan cartésien, mais

il ne s’agit pas du plan lui-même. La graduation des axes peut être faite à l’aide de nombres ou de points repères qualitatifs (lorsqu’un report de longueur est fait à l’aide d’une corde par exemple). Le graphique peut être construit à l’aide de marches-états (« situer des points dans le plan cartésien par un report de deux quantités » (p. 14)) ou de marches accroissement (« se déplacer d’un point du graphique à un autre » (p. 15)). Ces deux méthodes permettent de travailler respectivement le regard correspondance (marches-états) et le regard covariationnel (marches accroissement). Dans le cadre d’une représentation orale, un étudiant peut utiliser une représentation graphique en la traçant au tableau, mais il peut aussi faire référence, à l’oral uniquement, au tracé d’un graphique.

Le registre formel

Janvier et Pelletier (2003) définissent le registre formel comme suit : « Il s’agit de la formule qui met en relation les grandeurs considérées » (p. 17). Ce registre demande un niveau d’abstraction et de formalisme de la part de celui qui l’utilise. En effet, un certain symbolisme est nécessaire pour représenter les grandeurs dans une représentation formelle. Lors d’un exposé oral, les étudiants peuvent toutefois avoir recours à des expressions arithmétiques ne comprenant aucun élément algébrique. Ces expressions peuvent servir d’étapes intermédiaires de la résolution ou même d’un objet mathématique à partir duquel ou sur lequel l’étudiant travaille. Ainsi, nous considérons que toute utilisation d’un langage arithmétique et algébrique ne faisant pas partie d’un autre registre de représentation, comme la table de valeurs, est une représentation symbolique et est considérée comme faisant partie du registre formel.

Dans la théorie de Duval portant sur les registres de représentation, il est important de prendre aussi en considération les transformations qu’il est possible de faire sur les représentations. Duval (1993) souligne que l’appréhension des notions mathématiques se fait par un travail sur les représentations de ces objets. Ce travail consiste à effectuer

72 des transformations sur les représentations dans et entre les registres. Il distingue les traitements et les conversions comme étant des transformations de représentations.

Traitement

Selon Duval, « le traitement d’une représentation est la transformation de cette représentation dans le registre même où elle a été formée » (p. 41). Dufour (2011) donne un exemple à ce sujet : « factoriser une expression algébrique demande un traitement d’une représentation dans le même registre au départ et à l’arrivée » (p. 14). Dans les prestations orales de futurs enseignants, comme toute expression orale est considérée comme faisant partie du registre de représentation verbal, nous pourrons considérer que le traitement s’est d’abord produit à l’oral, s’il est expliqué ou exprimé avant d’être écrit. Par exemple, un étudiant fait un traitement dans le registre verbal s’il écrit « 2+2 = », s’arrête pour expliquer à l’oral « la somme de deux et deux est quatre », et termine en écrivant « 4 » à droite du symbole d’égalité.

Conversion

Duval (2003) explique ceci :

La conversion d’une représentation est la transformation de cette représentation en une représentation d’un autre registre en conservant la totalité ou une partie seulement du contenu de la représentation initiale. (p. 42)

Dans l’analyse de prestations orales d’étudiants, nous observons une résolution en cours de route et considérons alors qu’une conversion s’est produite dès que nous pouvons constater un changement de registre. Si le traitement est d’abord effectué dans le registre verbal, il s’agit d’une conversion vers un autre registre lorsque l’objet mathématique y est représenté par la suite. Pour reprendre l’exemple précédent, nous

dirons que l’étudiant a effectué une conversion au moment d’écrire « 4 » puisque c’est le résultat obtenu dans le registre verbal qui est converti vers le registre formel.

À la lumière des recherches décrites dans cette section, les cinq regards sont déclinés autour de différentes composantes. Le schéma suivant (voir figure 2.2) présente ces composantes.

Figure 2.2 Les cinq regards et leurs composantes permettant d’analyser les prestations orales des étudiants

74 Notre cadre conceptuel nous a permis d’obtenir deux grilles d’analyse. La première s’appuie sur le cadre théorique de Lenoir (2009) sur la pratique enseignante et son interprétation dans le cadre des exposés types par Saboya et Janvier (2013). Cette première grille permet d’analyser l’apport déclaré des exposés oraux selon les futurs enseignants (Objectif 1). La section 2.2 nous a permis également de construire une grille d’analyse pour documenter l’apport effectif des exposés oraux (Objectif 2). Ces deux grilles seront présentées dans les sections 3.5 et 3.7 du prochain chapitre.