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CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE

1.5 Les impressions de la chercheuse sur le volet exposés oraux à l’origine du

Ayant été formée à l’UQAM au BES en mathématiques, la chercheuse a pu vivre l’expérience des exposés oraux comme étudiante des cours de didactique dans lesquels s’inscrivent ces exposés. Ce dispositif de formation a également eu un impact dans son expérience comme stagiaire et elle a été amenée à intervenir comme auxiliaire d’enseignement responsable d’une cellule pour encadrer les futurs enseignants dans l’élaboration des exposés types et oraux. Ces expériences multiples sous différentes facettes ont amené la chercheuse à s’intéresser à ce dispositif de formation.

1.5.1 Mon expérience comme étudiante du cours Didactique des mathématiques I et laboratoire (MAT2024)11

En tant qu’étudiante inscrite au cours MAT2024, j’ai eu de la difficulté à comprendre les attentes de ce volet du cours. Je ne comprenais pas vraiment ce que nous avions à faire pour répondre aux critères d’évaluation des exposés oraux. Il s’agit d’un cours

11 Cette section est écrite à la première personne du singulier pour mieux personnaliser les propos

32 composé de quatre volets, rendant la compréhension de chacun d’eux des plus complexes. En visionnant les vidéos exemples dans les séances allouées aux exposés types, la responsable de ma cellule s’assurait de marquer suffisamment de pauses pour nous laisser le temps de prendre en note chacune des phrases dites par la personne qui présentait dans la vidéo. Elle avait en tête, selon son expérience d’étudiante vécue l’année précédente, que la seule possibilité d’obtenir un bon résultat à l’évaluation était de reproduire mot pour mot ce qui est vu dans la vidéo. L’apprentissage par cœur des cinq à huit oraux de 12 à 15 minutes chacun et pour chacune des moitiés de la session demande beaucoup de pratique. Je n’ai pas une très bonne mémoire, cette tâche me paraissait par conséquent bien trop lourde. En tant qu’étudiante du cours MAT2024, je n’ai pas apprécié ce volet oral puisqu’il demandait trop de travail et que le simple fait d’être évaluée à l’oral fait monter en moi une angoisse démesurée. Je n’ai ainsi pas pris le temps de me questionner sur ce que cette expérience pouvait m’apporter comme future enseignante.

1.5.2 Mon expérience comme stagiaire

Dans le cadre de mon premier stage en enseignement (suivant le cours MAT2024 dans lequel prennent place les exposés types et deux autres cours de didactique, MAT2028 et MAT2226, dans lesquels nous retrouvons des exposés oraux), j’ai eu à enseigner les opérations sur les fractions à deux groupes de première année du secondaire (élèves de 12-13 ans). J’ai commencé ce chapitre par une période de cours permettant aux élèves de contrer la conception selon laquelle pour additionner des fractions, il faut additionner les numérateurs et les dénominateurs entre eux. Pour ce faire, j’ai réutilisé la représentation visuelle présentée dans l’exposé type sur l’addition de fractions telle que décrite dans la section 1.4.2. Ce cours a d’abord été donné à un groupe de jeunes « studieux ». J’ai demandé aux élèves de reproduire les représentations dans leur cahier pour qu’ils puissent en garder une trace. Il s’est avéré très difficile pour eux de tracer un cercle (certains n’avaient pas leur compas). Lorsqu’est venu le temps de subdiviser

le disque en sept parties de même grosseur, les élèves ont tenté de me suivre, mais c’était vraiment trop complexe. Au moment de donner ce cours pour la deuxième fois, à un groupe plus « difficile », j’ai modifié les fractions utilisées. Nous avons donc cette fois-ci travaillé avec l’égalité %(+)!= !&. Le même raisonnement est présent dans cette égalité que dans la précédente : l’addition des fractions dans le membre de gauche devrait donner un nombre plus grand que 1 alors que !& est plus petit que 1. Toutefois, la représentation visuelle de chacune des fractions dans ce cas-ci est simple et les fractions %( et )! peuvent facilement être visualisées par les élèves, la conception erronée est donc normalement moins mobilisée. Le cours s’est bien déroulé et l’idée générale a été comprise par la majorité des élèves. La conception avait été mobilisée par presque l’ensemble du groupe lors du test diagnostique (avec le premier trio de fractions) et nous l’avons transposée ensemble dans ce nouveau trio de fractions. Cela nous a permis de constater, à l’aide d’une représentation visuelle, qu’il s’agit d’une erreur. Une fois la conception ébranlée dans chacun des deux groupes, les élèves étaient plus ouverts à donner du sens aux fractions. Notons bien que je n’ai utilisé que la troisième intervention de l’exposé type sur l’addition de fractions (voir section1.4.2). À mon avis, il n’était pas nécessaire, voire nuisible, d’utiliser d’emblée plusieurs raisonnements différents. Cela peut amener les élèves qui comprennent du premier coup à décrocher. Par contre, ces autres explications ont été utilisées par la suite lorsque les élèves ne comprenaient pas la représentation visuelle et qu’ils me posaient des questions à ce sujet. J’aurais pu choisir d’utiliser une autre méthode (référence au tout ou aux parties, recours au contexte), mais j’ai simplement fait le choix de miser sur la représentation visuelle. Comme décrit, j’ai réutilisé l’exposé type sur l’addition des fractions en classe, mais sans le reproduire tel quel, dans son ensemble. Les éléments de l’analyse conceptuelle et les principes didactiques vus dans le cadre de cet exposé type ont guidé mes interventions auprès des élèves. J’ai ainsi pu constater, après coup, l’apport de ce dispositif de formation dans mon expérience en stage avec des élèves.

34 1.5.3 Mon expérience comme auxiliaire d’enseignement

Lors de ma deuxième année de formation (après mon premier stage de prise en charge en enseignement), j’ai eu la chance d’obtenir le poste de responsable d’une cellule pour les exposés types du cours MAT2024. J’ai pu alors revoir chacun des exposés, mais d’un nouveau point de vue, celui de formatrice. Non seulement les questions que je me posais étaient différentes, mais j’ai aussi pu être guidée par une professeure qui m’a amenée à voir les exposés types d’un autre œil. Il ne s’agissait pas d’un apprentissage par cœur de multiples exposés, mais d’une compréhension des sujets enseignés à travers les éléments de l’analyse conceptuelle et de la manière dont ils sont présentés (les principes didactiques privilégiés). Il fallait alors être en mesure de s’approprier l’enseignement d’un sujet et d’en comprendre les choix permettant de créer l’exposé. Seulement certaines phrases de l’exposé sont des phrases clés permettant la compréhension d’une notion, les autres peuvent alors être modifiées, et c’est ce que j’ai tenté de faire comprendre aux étudiants sous ma supervision. Cette expérience en tant que responsable d’une cellule d’exposés types m’a aussi permis de voir des étudiants terriblement gênés lors de leur première prestation et qui ont su s’améliorer au cours de la session jusqu’à être à l’aise devant leurs collègues lors de l’évaluation finale. Finalement, j’ai compris que ce ne sont pas toujours les meilleurs étudiants sur papier (lors d’examens écrits) qui réussissent le mieux dans les exposés types. Depuis cette première expérience, j’ai encore été responsable d’une cellule trois années de suite pour le cours MAT2024 et également démonstratrice deux fois pour le cours MAT2226, j’ai eu la responsabilité des exposés oraux dans le cadre de ce cours.

Ces diverses expériences personnelles sont à la base de mon questionnement de recherche.

1.5.4 Mon questionnement

Je m’intéresse principalement à la réaction que le dispositif de formation des exposés types et plus généralement des exposés oraux suscite chez les étudiants qui suivent le programme de formation initiale en enseignement des mathématiques au secondaire à l’UQAM. De ce que j’ai entendu sur ces oraux tant dans ma formation que comme formatrice, la plupart des commentaires sont négatifs. Les étudiants disent que ce volet des cours de didactique est très difficile, entre autres puisque, selon leur compréhension, il faut apprendre par cœur plus de cinq oraux différents afin d’espérer obtenir un bon résultat. De plus, il est non seulement difficile de se préparer pour l’évaluation, mais le résultat obtenu dépend de l’exposé pigé. Un sentiment d’inégalité est par conséquent ressenti par les futurs enseignants puisqu’un étudiant moins bien préparé peut piger l’exposé oral considéré comme le plus facile et ainsi obtenir un meilleur résultat qu’un autre étudiant ayant bien travaillé ses oraux et qui pige un exposé plus corsé. J’ai entendu aussi régulièrement que cet apprentissage ne fait pas de nous de meilleurs enseignants, car selon certains, il ne reflète pas la réalité de l’enseignement d’aujourd’hui et encore moins la vision de l’enseignement transmise à l’UQAM : les cours magistraux ne sont pas une bonne façon d’enseigner à des élèves du niveau secondaire, or c’est la base des exposés oraux. Finalement, j’ai entendu des critiques sur le fait que les exposés ayant le potentiel d’être transformés en activités dans une classe sont trop complexes pour le niveau visé. D’un autre côté, d’autres étudiants ont une vision des exposés oraux rejoignant plutôt la mienne. Les exposés ont été un élément clé de ma formation : ils m’ont permis de mieux comprendre comment décortiquer une notion avant de l’enseigner. Tous les cours que je prépare depuis sont d’abord créés dans l’idée d’avoir recours à certains éléments de l’analyse conceptuelle du concept en jeu ainsi qu’à certains principes didactiques et je sais alors maîtriser un élément en vue de l’enseigner par questionnement, par exemple. J’ai donc passé les deux dernières années de ma formation à débattre avec mes collègues de classe sur ce que nous a apporté le dispositif des exposés oraux dans notre formation de futurs

36 enseignants. Étant donné que les perceptions vis-à-vis des exposés oraux peuvent beaucoup différer d’un étudiant à l’autre ayant vécu la même expérience, j’aimerais comprendre en profondeur pourquoi ces exposés oraux des cours de didactique sont aimés ou pas. Nous souhaitons mieux comprendre ce que vivent et retirent les futurs enseignants de leur expérience des exposés oraux. Nous pouvons donc formuler notre objectif de recherche ainsi : Documenter l’apport des exposés oraux sur la formation initiale des futurs enseignants en mathématiques au secondaire.