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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL

2.2 Construction d’un cadre pour appréhender le travail effectué dans les exposés

2.2.2 Un regard sur les explications orales

Dans le cadre de leur recherche portant sur des stagiaires en classe de mathématiques au secondaire, Proulx, Descamps-Bednarz et Kieran Sauvé (2006) ont construit une grille pour analyser les explications orales des stagiaires. Les données analysées ont été recueillies en salle de classe, où des élèves étaient présents. Certains des éléments de

leur grille, comme celui de la gestion des explications en relation avec les élèves, n’ont pas été retenus dans notre étude portant sur les exposés oraux, contexte dans lequel aucun élève n’est présent. Au total, sept des dix éléments du cadre d’analyse de Proulx et al. seront repris comme composantes du regard sur les explications orales.

La présence de verbalisations mathématiques

Proulx et al. (2006) s’appuient sur la définition de verbalisation donnée par Bednarz (2001) (voir section 2.1.2) comme l’explicitation de raisonnements clés en s’appuyant sur la langue d’usage et en ayant pour but de donner du sens aux notions mathématiques. Dans leur mise à l’épreuve de la grille d’analyse, Proulx et al. concluent qu’ils n’ont « pas relevé d’exemples de verbalisations (au sens défini antérieurement) dans les explications orales » (p. 279) dans un cours donné par un des stagiaires participant à la recherche. Dans le cadre des exposés oraux, il n’est à notre avis pas possible d’arriver à une telle conclusion. En effet, il s’agit de prestations sans interactions avec d’autres personnes, toute explication est donc amenée par le futur enseignant et non par les élèves. De plus, toute explication orale dans un exposé est censée avoir pour but de donner du sens au concept présenté, c’est ce qui est demandé aux étudiants et ce qui est illustré dans les vidéos. Ainsi, toute explication orale devrait pouvoir être considérée comme une verbalisation. Par conséquent, cette composante ne devrait pas s’intéresser à la présence ou non de verbalisations, mais plutôt à les observer en détail, permettant de porter un jugement sur leur validité. Ainsi, nous nommerons cette composante La verbalisation des raisonnements mathématiques. Nous nous intéresserons donc aux raisonnements soutenant la compréhension de la résolution ou de la situation, la compréhension de la notion présentée.

La flexibilité ou la variété dans les explications orales

52 […] sur de multiples possibilités : explications centrées sur la répétition des mêmes aspects ou sur différents exemples et diverses façons d’expliciter le contenu, explications faisant intervenir ou non divers niveaux de langage, reformulations - « revoicing » - des explications des élèves, etc. (p. 276)

Le dernier exemple de cet élément, le revoicing (ainsi nommé par Forman et Ansell, 2001) ou la reformulation des explications des élèves, ne peut être observé lors des exposés oraux puisqu’aucun élève ne donne d’explications à reformuler. Par contre, nous retenons ici que le futur enseignant ne doit pas faire « référence à une seule sorte d’explications orales pour un problème (NRC, 2001) » (p. 275). Lors de l’analyse de prestations orales, nous porterons une attention particulière aux moments où l’étudiant répète certaines choses et s’il est dans ce cas en mesure de varier ses explications.

L’établissement de liens entre les concepts dans les explications orales

Certaines explications orales sont décrites par Proulx et al. comme présentant « une vision atomisée du contenu, partie par partie » (p. 274). Il s’agit dans certains cas d’explications qui n’établissent pas de liens entre les concepts mathématiques à l’étude et les concepts préalablement vus. Dans d’autres cas, les liens absents concernent les différents éléments (notions, propriétés, représentations, etc.) utilisés dans un même exposé. Les exposés oraux travaillés avec les étudiants favorisent l’établissement de liens entre les concepts. À titre d’exemple, nous pouvons nommer les exposés types travaillant le concept de division (de nombres décimaux et de nombres fractionnaires). Nous demandons aux étudiants d’éviter la formulation suivante : combien de fois le diviseur rentre dans le dividende? Dans cette formulation, le raisonnement reposant sur le positionnement en base dix est opaque. Ils sont invités à expliciter les liens entre le concept de division et celui de multiplication et ainsi utiliser une verbalisation appuyée sur ce lien, rendant apparent le recours aux unités positionnelles : par combien de dizaines, il est possible de multiplier le diviseur pour atteindre, sans le dépasser, le nombre de dizaines présentes dans le dividende? Des élèves ayant des difficultés avec

certains concepts peuvent être amenés à mieux comprendre grâce à l’établissement de liens avec d’autres concepts, évitant ainsi une vision atomisée du contenu.

Le statut des explications orales dans l’enseignement

Selon Proulx et al. (2006), les explications orales dans l’enseignement peuvent miser

[…] sur le langage comme support pour clarifier, pour raisonner et pour « parler » les mathématiques [ou encore comme moyen pour fixer] leur attention [les élèves] sur les mots à utiliser en tant qu’objet d’étude. (p. 276)

Pour Proulx et al., le langage est défini comme suit : « Le terme « langage » est utilisé pour décrire les propos utilisés par l’enseignant ou l’enseignante pour expliquer les mathématiques » (p. 274). Le statut du langage comme objet d’étude nuit à la compréhension du concept à l’étude puisqu’il détourne l’attention de l’auditoire. Dans la recherche de Proulx et al., le cas du stagiaire nommé Bertrand illustre bien ce cas : « en demandant aux élèves d’utiliser les « vrai[s] mot[s] », le stagiaire met l’accent sur le langage à utiliser et fait alors de l’ombre au concept mathématique visé » (p. 280). En tant que formateurs, nous accordons une grande importance au vocabulaire à utiliser et aux façons de parler, les étudiants doivent ainsi être attentifs lorsqu’ils parlent les mathématiques. Par exemple, dans le cours consacré à l’exposé type portant sur l’addition de fractions, nous insistons sur le fait que nous ne pouvons parler de diviser un disque. En effet, la division est réservée aux valeurs numériques, nous utilisons plutôt des verbes comme subdiviser ou séparer. Malgré ce travail fait en séance, il faut que, lors de son exposé, l’étudiant ait assimilé ou fait sien ce vocabulaire pour qu’il s’exprime naturellement et que l’auditoire sente que le discours est fluide. D’un autre côté, il peut être utile, voire nécessaire, que certains mots soient définis, même s’ils deviennent alors objet d’étude. Par exemple, les mots spécifiques au langage mathématique peuvent ne pas être directement accessibles pour les élèves. Si ces mots font partie des raisonnements nécessaires à la résolution de la situation, ils devraient

54 être présentés de sorte que les élèves puissent comprendre le raisonnement. Que les mots utilisés soient définis ou non au départ, ils devraient être utilisés de façon naturelle par le locuteur.

La validité mathématique des explications orales

Cet élément souligne le fait que des erreurs mathématiques liées aux démarches ou aux affirmations peuvent être commises dans les explications orales. Par exemple, un étudiant qui expliquerait que les rectangles sont des carrés commettrait une erreur, ses explications ne seraient pas valides mathématiquement.

Le type de langage utilisé

Cette composante de l’explication orale met en opposition le langage (discours) rigide à un langage plus familier. Proulx et al. (2006) soulignent que « Bauersfeld (1994) et Bednarz (1996) montrent l’importance d’utiliser le langage naturel dans l’enseignement des mathématiques » (p. 275). En s’appuyant sur les travaux de Ball (1998), le NCTM (1991), Nolder (1991) et Bednarz (2001), Proulx et al. expliquent que le langage peut

[…] être caractérisé par l’utilisation de métaphores, d’analogies, de mots de la langue de tous les jours, de mots techniques et précis (de façon rigide ou non), et tout cela, à l’intérieur d’un discours oral adapté ou non aux élèves. (p. 275) Un exemple de métaphore utilisée en mathématique est donné par Nolder (1991) : « l’utilisation du concept de balance pour expliquer ce que représente une équation » (Proulx et al., 2006, p. 289, note de fin de document 2). Des liens peuvent être créés entre deux concepts ou entre un concept mathématique et un objet ou phénomène de la vie courante pour créer une analogie. Finalement, le mot « partager », par exemple, fait partie des mots de la langue de tous les jours alors que « subdiviser » est un mot

technique spécifiquement utilisé en mathématique. Cette composante rejoint la composante registre de langue du regard sur l’aisance à communiquer (Viola et al., 2012, voir section 2.2.1).

La nature des explications orales données

Dans les explications orales de certains futurs enseignants, Proulx et al. (2006) notent une « absence de profondeur des connaissances mathématiques » (p. 273), ce qui est également constaté par Cooney (1999) et Ball (1988). Proulx et al. rapportent de plus :

Bednarz (2001) souligne aussi la présence, chez les enseignants et les enseignantes en formation, d’une réappropriation non-approfondie et non- critique des informations et résolutions proposées dans certains manuels scolaires. (p. 273)

L’accent est mis dans ce cas sur le résultat final souhaité ainsi que sur les algorithmes ou méthodes pour y arriver plutôt que sur « la signification et le sens des mathématiques » (p. 273) et des concepts à l’étude. Selon les Professional Standards for Teaching Mathematics du NCTM (1991) et le NRC (2001), « le discours mathématique de la classe doit être dirigé vers le développement du raisonnement et de la compréhension mathématique » (Proulx et al., 2006, p. 273). Dans les exposés types, nous pourrions retrouver des étudiants qui se réapproprient de façon non- approfondie et non-critique les exposés présentés dans les vidéo-exemples. En effet, il pourrait y avoir des étudiants qui voient les prestations enregistrées comme devant être reproduites mot à mot. Nous pourrions aussi retrouver ce phénomène dans les autres exposés oraux si un étudiant reprend une idée proposée par un collègue sans prendre le temps de bien comprendre ce qu’elle apporte au raisonnement. Dans les séances de cours liées aux exposés oraux, nous essayons d’aller à l’encontre de cette vision du dispositif de formation. En effet, les séances sont basées sur des discussions et réflexions autour des éléments de l’analyse conceptuelle sollicités dans l’exposé et des

56 principes didactiques sous-jacents afin de permettre aux étudiants de bien comprendre l’intention de l’exposé, facilitant alors sa réappropriation. L’idée générale est de donner du sens à un sujet mathématique en ayant comme préoccupation de rejoindre des élèves du secondaire.